La gestion des eaux pluviales en zones urbaines est une question majeure au fur et à mesure que les aléas climatiques extrêmes s’intensifient. Et le fait est qu’ils vont continuer de croître en fréquence et en intensité, nous alerte le Giec. Parmi ces aléas climatiques, les inondations figurent ainsi parmi les principaux risques auxquels est confrontée l’Europe. L’été 2021 l’a prouvé avec des inondations qui ont touché l’Allemagne, la Belgique et la France et causé 40 milliards de dollars de dégâts économiques, d’après les chiffres du réassureur Swiss Re. Nous en avons encore eu la démonstration la semaine dernière, où un orage stationnaire en Italie a causé d’importants dégâts et fait plusieurs morts, alors qu’il est tombé 400 mm de pluie en l’espace de quelques heures.

Par rapport à ces risques d’inondations, les villes n’ont pas énormément de leviers à disposition pour faire face à des précipitations soudaines et très élevées. De manière générale, au coeur de nos agglomérations, une partie des eaux pluviales est collectée dans des réservoirs ou s’infiltre dans le sol lorsque celui-ci est perméable. Ensuite, ce qui n’est pas collecté ou pris en charge par les sols est logiquement redirigé dans les réseaux d’évacuation des eaux pluviales jusqu’à atteindre les cours d’eau environnant. Seulement voilà, lors de ce ruissellement, celles-ci peuvent être contaminées par des pollutions diverses et entraînent surtout dans leur sillage toutes sortes d’éléments nocifs pour la biodiversité (plastiques, mégots de cigarettes) qui vont ensuite terminer leur vie dans les fleuves et les océans.

Une réalité qui touche tous les pays du monde. En Australie, il n’est pas rare, pour les autorités locales, de devoir fermer les plages pour quelques jours suite à des épisodes de pluies. Or, dans un pays où plus de 85% de la population vit en ville et où les épisodes climatiques extrêmes (méga-feux, inondations, canicules) ne cessent de se succéder, la gestion des eaux pluviales est devenue centrale. Une réflexion entamée dans les années 1990, qui a notamment vu émerger le concept de « Water sensitive urban design » (WSUD).

À lire également : la modélisation, une solution pour adapter les villes aux effets du changement climatique ? 


Le WSUD, qu’est-ce que c’est ?

En Australie, la WSUD est un système qui propose de réaménager les zones urbaines dans le but de réduire le volume des eaux pluviales qui rejoignent les espaces naturels ; de limiter le risque d’inondation et de collecter une ressource trop peu exploitée. En effet, même s’il est difficile d’estimer précisément le volume que représentent les afflux pluviaux, certains experts s’accordent à dire que les zones urbaines produisent en moyenne 3 000 gigalitres de ruissellement par an.

L’intérêt de la conception urbaine sensible à l’eau est qu’elle peut être mise en place aussi bien au niveau résidentiel, dans les jardins des particuliers, que dans les villes. Les aménagements déployés sont alors nombreux. Figure ainsi le stockage des eaux pluviales chez les particuliers mais aussi au sein des bâtiments publics et des entreprises où des collecteurs peuvent être installés. Le traitement et réutilisation des eaux de ruissellement ou encore l’aménagement d’espaces paysagers plus économe en eau font aussi partie des solutions mises en oeuvre.

Cela implique par exemple la création de zones humides artificielles, d’espaces biofiltrants à proximité de voies imperméables ou encore de rigoles et de toits végétalisés. Ainsi, le Sydney Park a été réaménagé, par exemple, pour pouvoir mettre en place un important système de collecte d’eau qui ambitionne de récupérer environ 850 millions de litres d’eaux pluviales chaque année. Un volume qui sera ensuite filtré à travers des bassins de bio-rétention et réutilisés pour des usages domestiques ou agricoles ainsi que pour l’arrosage, par exemple, des terrains de sport.

Au passage, outre l’aménagement d’une zones résiliente au climat, ces travaux ont aussi permis de faire revenir la faune locale dans la ville (cygnes noires, tortues, grenouilles, etc.) et permettent de réduire le phénomène d’ilots de chaleur urbains, ce qui n’est pas négligeable.

Lire aussi : Barcelone rend la ville à ses habitants avec les super-îlots

Vue de Melbourne - espaces verts
La végétalisation des villes, essentielle pour permettre à l’eau de circuler et de s’infiltrer.

Une approche à intégrer dans un cadre plus général

La végétalisation des villes représente donc l’une des meilleurs alternatives pour contenir les eaux pluviales. C’est d’ailleurs la logique des « villes-éponges » en Chine, qui est un exemple intéressant d’utilisation de la végétation comme solution aux inondations.

Finalement, les infrastructures de la WSUD agissent comme des filtres – naturels pour certains – qui purifient l’eau et lui permettent de s’écouler, tout en réduisant la consommation d’eau potable. Cette approche réintègre le cycle de l’eau au milieu urbain tout en rendant les villes plus vivables et l’utilisation de l’eau plus soutenable. La démarche prend d’autant plus son sens lorsqu’elle est associée à d’autres projets d’aménagements. De la sorte, des « water sensitive cities« , des villes sensibles à l’eau, doivent pouvoir émerger, qui associent infrastructures bleues et vertes.

Au-delà de dispositions relevant de la WSUD, les villes en questions doivent également entamer une véritable transition, qui tient compte des synergies entre question de l’eau, enjeux sociaux et environnementaux. Celles-ci doivent ainsi être capables de gérer leurs ressources aquifères et d’améliorer la qualité de vie de leurs habitants en s’appuyant notamment sur les services rendus par les écosystèmes et la biodiversité.

À lire également