C’est l’histoire d’une belle soirée parisienne au cadre romantique. Un spectacle suivi d’une visite privée de l’Opéra Garnier par une amie qui y travaille. Un arrêt dans une brasserie du quartier en sortant. Et puis, à quatre heures du matin, quand les rues sont vides, une proposition inatendue : Celle de se rendre au marché de Rungis pour visiter le marché aux poissons. C’est là que travaillent les parents de son amie.
A cette époque, Denis Olivier a 23 ans. C’est la première fois qu’il se rend à Rungis. Il y découvre un bâtiment d’une taille hors-norme uniquement remplie de poissons et crustacés. On lui apprend que cette quantité de nourriture ne suffira qu’à deux jours de consommation pour Paris et sa couronne. Il multiplie ce qu’il voit par le nombre de jours restants dans l’année puis par le nombre de villes en France, en Europe, dans le monde… Il en ressort marqué. Choqué. Ebahi.
Bien des années plus tard, à l’avènement du numérique, Denis Olivier souhaite donner un nouvel élan à sa carrière. Il veut porter une action qui a du sens et des valeurs. Son rapport au gaspillage alimentaire – une idée qui lui est insupportable depuis cette fameuse visite à Rungis – lui donne envie d’explorer cette piste. Il se rend alors compte que le secteur de la restauration collective porte une grande responsabilité dans le gaspillage. Bien malgré eux la plupart du temps.
C’est qu’en majorité, ils ne savent jamais qui vient ni ce qui sera consommé. Répondre à cette problématique est donc un enjeu fort. Et voilà comment est née Meal Canteen.
17% des quantités préparées sont jetées
En France, la restauration collective, c’est environ 3,8 milliards de repas servis chaque année. Un chiffre qui donne le tournis. D’autant que d’après une étude de l’ADEME, on estime que le gaspillage alimentaire en restauration collective se situe le plus souvent entre 150 et 200 g par personne et par repas. A multiplier par 3,8 milliards de repas, on se rend compte que ce modèle n’a aucun sens.
Par exemple, pour un établissement scolaire (collège ou lycée) de 500 couverts, on estime que le gaspillage alimentaire représente plus de 10 tonnes de nourriture par an. Cela représente l’équivalent de 22 000 repas pour un coût moyen de 33 000 euros. La faute à un modèle de fonctionnement qui sent bon l’insouciance du siècle dernier, lorsqu’on ne se préoccupait pas de ce qui était jeté. Car ce qu’il se passe avec la restauration collective, c’est qu’environ 17 % des quantités préparées sont perdues. Il leur est en effet impossible de savoir à l’avance qui viendra et ce qui sera consommé.
Fidèle à l’adage qui veut que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas, l’application Meal Canteen offre un service prédictif unique au monde qui permet justement d’éviter ce problème.
Le prédictif au service de l’anti-gaspi
Créée en 2016, Meal Canteen est une application mobile qui permet aux restaurants de connaitre à l’avance l’affluence et les plats qu’ils devront servir via un système de réservation. De cette manière, les cuisines sortent des frigos uniquement ce qui sera consommé.
On évite ainsi des pertes inutiles. Pour les utilisateurs, le système est également intéressant car il propose diverses infos sur chaque repas. Des infos comme le nutriscore, la valeur calorique et la provenance des produits, les alergènes et la possibilité de noter les repas. Autre valeur-ajoutée de ce système de réservation : les files d’attente disparaissent.
« La technologie nous permet d’ouvrir une nouvelle voie, de changer les usages et les modèles » se félicite Denis Olivier. Son système est une première mondiale et comme d’autres, il utilise ainsi le potentiel de la technologie pour réduire le gaspillage alimentaire. Un pari qui a du sens. À l’instar de ce que propose par exemple Too Good To Go, Phenix ou encore Foodologic.
Commercialisée en début d’année 2018, l’application a rapidement trouvé preneur. Elle est utilisée par exemple par France Télévisions sur des plateaux de tournage (celui de l’émission Plus belle la vie notamment). Mais elle est également en place dans des lycées et collèges en région Auvergne Rhône-Alpes. Et aussi au siège de la métropole de lyon. En attendant un développement à plus grande échelle.
Permettre à la restauration collective de financer le bio et les circuits-courts
En outre, le modèle économique de Meal Canteen se veut également vertueux. Elle s’effectue sur l’économie réalisée par les cuisines. En effet, d’après l’ADEME, la perte par plateau repas aujourd’hui est de 68 centimes en moyenne. Sur presque quatre milliards de repas/an, cela représente environ 2,7 milliards d’euros d’achats inutiles. Rien que les lycées d’Ile de France comptent à eux-seuls 18 millions d’euros d’achats inutiles imputés au gaspillage alimentaire.
Aussi pour se rémunérer, Meal Canteen prélève 33 centimes par plateau-repas. Il reste ainsi 35 centimes aux restaurateurs sur l’économie réalisée, ce qui leur permet de débloquer de nouveaux budgets. Idéalement, cela pourrait par exemple servir à développer les circuit-courts et la filière bio. D’autant que les consommateurs en attendent davantage en restauration collective. Par exemple, pour illustrer le potentiel économique de l’application, la gendarmerie de Sathonay-Camp chiffre les économies réalisées à 2 800 euros par mois depuis qu’elle utilise Meal Canteen.
Les projets de la jeune entreprise sont désormais d’industrialiser leur offre à un nombre toujours plus nombreux d’acteurs. Elle est en contact avec les grands du secteur, comme Sodexo ou Scolarest. Meal Canteen permet également de pouvoir ouvrir la restauration collective à des TPE/PME qui jusqu’ici en étaient privées. Enfin, il y également des discussions qui se font avec l’armée, un marché à 150 000 couverts/jours.
Bref, la start-up qui évite la production de déchets à la source souhaite se développer à grande échelle. Fidèle à la promesse de son CEO, l’entreprise souhaite avoir l’impact le plus important possible sur la réduction du gaspillage alimentaire. Un modèle à suivre parmi les différentes solutions innovantes proposées par les start-up françaises sur ce sujet.