Ces derniers temps, les zones urbaines ne cessent de se réinventer pour permettre le développement d’une mobilité bas-carbone. On l’a vu notamment avec la multiplication des pistes cyclables et des zones à faibles émissions dans nos métropoles françaises, mais aussi par la mise en place de dispositifs tels que le Coup de pouce vélo ou encore le forfait mobilités durables pour développer la pratique cyclable des français-es.

Mais pour atteindre l’objectif que s’est fixé le pays de réduire, d’ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre des transports de 28% par rapport à 2015, les chantiers sont nombreux. Et parmi eux se trouve celui de la livraison, et notamment de la manière dont on pourrait développer le secteur de la livraison à vélo.

En effet, accéléré par la crise sanitaire, le développement de la livraison en ville a un impact lourd sur la pollution de l’air et contribue, dans plusieurs villes françaises, au dépassement régulier des seuils de pollution atmosphérique autorisés. Une problématique à laquelle le gouvernement entend bien répondre grâce à un plan national doté de 12 millions d’euros destiné à accompagner le développement de la cyclo-logistique sur le territoire.


Le vélo-cargo comme solution au dernier kilomètre : l’exemple de la coopérative Olvo

S’il n’est pas rare de voir déjà quelques livreurs, fleuristes ou encore plombiers utiliser des vélo-cargos, la France reste loin derrière ses voisins allemands, belges ou hollandais en ce qui concerne le développement de cette pratique. Ce qui n’a pas empêché des entreprises, comme la coopérative Olvo par exemple, de s’engager dans cette voie.

Installée à Paris, elle a pour ambition d’apporter une solution bas-carbone à la problématique du dernier kilomètre. En effet, cette ultime étape de la livraison au client final est généralement la plus coûteuse de la chaine de distribution, tant d’un point de vue financier qu’écologique. Et pour cause, le « dernier kilomètre » représente environ 20% du trafic urbain, occupe 30% de la voirie et est à l’origine de 25% des émissions de GES des transports selon les chiffres du Comité d’analyse stratégique du marché international de Rungis.

Avec sa flotte d’une trentaine de vélo-cargos, Olvo propose à ses clients une offre de livraison globale qui permet de tout livrer, d’une simple enveloppe à une cargaison de 90kg. Selon les chiffres de la coopérative, certains livreurs Olvo arrivent à effectuer dix livraisons en une heure contre 3 ou 4 livraison en moyenne pour une camionnette. Un bénéfice du à une circulation plus fluide pour les vélos que pour les automobiles.

À Paris, le transport de marchandises ne représente que 15 à 20 % du trafic automobile et génère 45 % des particules fines émises


Parmi ses clients, Olvo compte désormais des entreprises comme IKEA ; l’atelier floral Pampa ou celui de Blumen ; la start-up de livraison de fruits biologiques Delicorner ou encore La Ruche qui dit Oui. Au-delà de la simple livraison, Olvo veut s’imposer en tant que spécialiste de la logistique à vélo et propose aussi diverses options de stockage, que ce soit en froid positif ou en sec. Pour la Brasserie du Slalom par exemple, elle gère les stocks et livre chaque semaine 45 fûts de bière bio pour réapprovisionner les bars, et en récupère autant de vides.

Comme d’autres coopératives locales de cyclo-logistique, Olvo appartient à la fédération CoopCycle. Présente en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne et en France, cette fédération mutualise les services d’appui entre les coopératives adhérentes. Parmi ces services on retrouve notamment un logiciel open source de mise en relation entre clients, commerçants et livreurs qui a permis à Olvo, en partenariat avec le label Ecotable, de lancer en juin 2020 une nouvelle offre : la plateforme resto.paris qui propose aux restaurants parisiens éco-responsables un service en click and collect.

Un modèle qui a fait preuve de ses bénéfices et qui a convaincu notamment de grands groupes tels que La Poste et ses partenaires qui souhaitent s’équiper, d’ici 2025, de 1 000 vélos-cargos de type triporteur ou de remorques à assistance électrique. Reste donc maintenant à soutenir les plus petits acteurs qui souhaiteraient s’engager dans cette livraison durable.


12 millions d’euros pour enclencher l’essor de la livraison vélo

À Paris, le transport de marchandises ne représente que 15 à 20 % du trafic automobile mais génère 45 % des particules fines émises, le gouvernement français souhaite encourager des initiatives telles que celle portée par Olvo afin de baisser la part modale de véhicules utilitaires polluants. Car, si les vélo-cargos permettent une livraison plus efficace sur les courtes distances, ils permettent aussi, à charge égale, d’émettre bien moins de CO2 qu’une véhicule thermique.

Pour encourager le développement de la cyclo-logistique, la France souhaite donc mettre en place des incitations économiques pour les acteurs du secteur. Dans cette optique, elle propose donc le dispositif ColisActiv qui permet de soutenir les acteurs de la livraison par vélo-cargo grâce à une aide financière sur trois ans. Ce dispositif est financé par des certificats d’économie d’énergie (CEE) et représente jusqu’à « deux euros par colis pour les 500 000 premiers en année 1, jusqu’à 1,30 € pour 1,5 million de colis en année 2, et 0,6 € pour 3 millions de colis en année 3 » selon le site du gouvernement.

À l’heure actuelle, ce dispositif est expérimenté dans 4 villes tests qui accueillent ou vont accueillir dans les années à venir une ZFE : la communauté urbaine du Grand Reims, l’établissement public territorial Paris-Est-Marne et Bois, Grenoble-Alpes Métropole ainsi que la communauté d’agglomération d’Angers-Loire Métropole.

Un vélo cargo triporteur possédant une caisse de 1 500 litres émet 85 % de CO² en moins qu’un véhicule thermique de la même capacité.


De plus, afin de favoriser le démarrage des activités de livraison à vélo, le gouvernement souhaite encourager la création d’entreprises cyclo-logistiques. Le programme CEE « Ma cyclo-entreprise », porté par l’énergéticien Eni et l’Adie a pour objectif de faciliter la création de microentreprises spécialisée dans la cyclo-logistique dans le champ de l’économie sociale et solidaire.

En outre, alors que ces vélo-cargos coûtent environ 4 000 euros l’unité, le gouvernement s’engage aussi à accompagner l’équipement des professionnels. Dans cette optique, une aide à l’achat de vélo-cargos, avec ou sans assistance électrique, sera mise en place pour les professionnels courant 2021. Cependant, cette mesure dépend du vote favorable du projet de loi Climat & Résilience et ses modalités d’accès doivent encore être précisées. De plus, pour les professionnels désireux de tester l’utilisation des vélos-cargos, le programme CEE V-logistique permet de faciliter le prêt de vélos-cargos à assistance électrique durant toute l’année 2021.

Enfin, dans cette logique de soutien financier, la prime à la conversion va aussi être étendue au vélo afin d’inciter davantage à la transition des usagers. Actuellement, la prime à la conversion constitue une aide pour l’achat d’une voiture, d’une camionnette, ou d’un deux-trois roues motorisé, suite à la mise au rebut d’un véhicule polluant. 


Développer l’innovation urbaine nécessaire à la livraison par vélo-cargos

Pistes cyclables, places de livraisons dédiées et locaux spécifiques : le développement de la cyclo-logistique en ville nécessite des aménagements et une organisation différente pour le tri et la distribution des colis. Un réaménagement nécessaire du territoire urbain qui va pouvoir se faire en accord avec l’évolution de la réglementation en ville qui vient limiter la place des véhicules thermiques, de grand gabarit et de stationnement en zone urbaine.

Il s’agit donc de mettre en place des hubs cyclo-logistiques pertinents mais aussi des solutions digitales innovantes qui puissent prendre en compte les enjeux spécifiques de la cyclo-logistique. Car, pour optimiser les chargements et itinéraires de livraison, les acteurs de la cyclo-logistique utilisent des applications commerciales dédiées à la circulation en vélo qui ne prennent donc pas en comptes des critères tels que la disponibilité des places de livraison, la largeur des pistes cyclables, ou encore les passages impraticables en vélo cargo.

Ainsi, dans le cadre du 4e Programme des investissements d’avenir (Pia4), des crédits sont dédiés à la logistique 4.0 et un appel à projets spécifique ciblera notamment la création d’une application dédiée à la circulation pour la cyclo-logistique.

Enfin alors que selon l’association Boîtes à vélo, 60% des entrepreneurs à vélo ne sont pas couverts, faute de garanties ou de tarifs adaptés, la ministre de l’Environnement prévoit également de réunir les acteurs du secteur pour trouver des solutions d’assurance. De son côté, l’Ademe finance également la 1re édition de l’observatoire de la cyclomobilité professionnelle. Une enquête est en cours, pour mieux comprendre les pratiques et permettre ainsi l’amélioration des écosystèmes.

Autant d’initiatives qui devraient permettre aux vélo-cargos de s’imposer peu à peu dans le secteur de la livraison et ainsi contribuer à la réduction de nos émissions de GES et à notre transition vers une ville durable.

Sur le sujet de la micro-mobilité en ville : Wello, le véhicule qui réinvente le vélo-cargo traditionnel

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