Au cours des dernières années, la France a connu une croissance sans précédent dans le domaine de la technologie, particulièrement dans les secteurs de la fintech, du big data et de la blockchain. Un fort soutien politique a notamment permis l’émergence de 29 licornes françaises, des startups valorisées à plus d’un milliard d’euros, dont la plupart font justement partie de secteurs hautement technologiques. Or, s’ils suscitent beaucoup d’enthousiasme jusque dans les hautes sphères de l’État, ces secteurs ne semblent pourtant pas les mieux adaptés pour répondre aux défis majeurs de notre temps : le changement climatique et les crises sociales et sanitaires qui y sont associées.

Les problématiques écologiques, sociales et sanitaires sont en effet indissociables – on l’a vu avec la crise du Covid – et les États auront besoin, dans les années qui viennent, de s’appuyer sur des entreprises capables de répondre à ces enjeux. En France, nous disposons d’un terreau fertile de startups à impact capables de répondre à ces grands défis. Mais pour assurer leur passage à l’échelle et leur permettre de maximiser les bénéfices qu’ils apportent à la société, il y a besoin d’un volontarisme politique et financier très fort.

De nombreux experts s’interrogent cependant sur la capacité des investisseurs publics et privés à valoriser correctement les bénéfices apportés par les entreprises à impact et à créer les conditions pour que ces entreprises engagées puissent, elles-aussi, devenir des sortes de licornes en bénéficiant des mêmes avantages dont bénéficient aujourd’hui les entreprises du secteur de la tech.

Et sur ce sujet, le BCG et le Mouvement Impact France apportent un élément de réponse et proposent un indicateur concret pour quantifier la création de valeur pour la société de ces startups à impact : celui du montant des coûts que ces entreprises évitent à la société.

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Un nouveau critère de valorisation financière

En partenariat avec le Laboratoire d’Evaluation et de Mesure de l’Impact Social et Environnemental (E&MISE) de l’ESSEC, le BCG et le Mouvement Impact France proposent ainsi de revisiter la définition en vigueur de la « Licorne » en substituant au critère de valorisation financière celui des coûts que les entreprises à impact évitent à la société.

En effet, une startup Tech « classique » peut accéder au stade de licorne à partir du moment où sa valorisation atteint 1 milliard d’euros ce qui, généralement, équivaut à environ 50M€ d’EBITDA (en faisant l’hypothèse d’une valorisation égale à 20 fois l’EBITDA). En reprenant ce schéma, les auteurs de l’étude estiment qu’une entreprise à impact pourrait accéder au stade de « licorne à impact » dès lors que les coûts que son activité permet d’éviter à la société atteignent donc 50M€ par an.

Concrètement, il faut développer pour cela des modèles permettant de calculer les coûts épargnés par tonne de CO2 évitée ou en ramenant à l’emploi une personne au chômage. Par exemple, dans le cas de l’entreprise Simplon, qui a pour objectif de faire du numérique un levier d’inclusion dans l’emploi, le calcul des économies réalisées par l’État renverrait à la somme des prestations sociales (RSA, allocation de retour à l’emploi, accompagnement par le service public de l’emploi) évitées pour chaque bénéficiaire accompagné par la startup. Dans le domaine de la santé, ce pourrait être la somme des coûts évités à l’Etat par rapport au nombre de passages aux urgences ou de consultations médicales évitées.

Les auteurs de cette étude ont testé leur modèle sur un panel de 11 startups à impact, avec des premières observations positives. D’après leurs calculs, les entreprises du panel permettent en moyenne d’éviter à la société des coûts équivalents à 30 % de leur chiffre d’affaires. Soit 3,5M€ de coûts évités pour un chiffre d’affaires moyen de 12M€. Pour la startup Simplon, les coûts évités à la société par le retour à l’emploi se chiffrent ainsi à 17,4M€ par an. Pour la startup Phenix, spécialiste de l’antigaspillage, le coût évité à la société serait de 7M€ chaque année.

Pour le moment, aucune entreprise du panel ne remplit les critères pour prétendre au statut de « licorne à impact » mais ces premières évaluations permettent au moins de remettre le curseur sur un sujet essentiel : celui que les entreprises doivent être au service de la société, et qu’il est essentiel de savoir valoriser ce point.

« Tant qu’on ne prendra pas réellement en compte l’impact des entreprises sociales, en allant jusqu’à une valorisation monétaire, au moins partielle, de cet impact, on ne créera pas les vraies conditions de leur changement d’échelle. On passera à côté de solutions pourtant efficaces pour faire face aux défis sociaux et environnementaux de notre époque » commente ainsi Jérôme Schatzman, Directeur du Centre d’Innovation Sociale et Ecologique de l’ESSEC.

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3 pistes pour aller plus loin

En écho aux résultats de cette étude, le Mouvement Impact France a dégagé trois propositions pour « libérer » le potentiel des entreprises à impact et faciliter leur passage à échelle. “Cette étude introduit une toute nouvelle façon de penser la valorisation des startups à l’aune de leur impact social et écologique, pour ne plus se concentrer uniquement sur la valeur financière qu’elles peuvent générer mais sur ce qu’elles apportent de concrètement positif à l’intérêt général » ajoute Caroline Neyron, DG du Mouvement Impact et co-auteure de l’étude.

Elle propose ainsi que la puissance publique se fixe un objectif – qui semble atteignable – de 10 licornes à impact parmi les 100 licornes attendues par le gouvernement d’ici 2030. Un objectif qui pourrait être accompagnés par la mise en place de différents dispositifs parmi lesquels :

  • La mise en place d’un programme “Next Impact” par la French Tech,

  • Le fléchage ciblé vers les startups à impact d’une partie des fonds de France 2030,

  • L’instauration d’un statut de “Jeune Entreprise à Impact” permettant l’octroi d’un crédit d’impôt sur leurs cotisations sociales adossé au montant annuel des coûts évités permis par leur activité.


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