Le réchauffement climatique se traduit par plusieurs phénomènes et, parmi eux, la montée du niveau des mers qui s’explique par la fonte des glaces et la dilatation de l’eau. D’après le GIEC, le niveau de la mer s’élevait en moyenne de 1,3mm/an entre le début du 20ème siècle et les années 1970, date à laquelle le phénomène s’est emballé. Sur la période 2006-2018, on observe ainsi une élévation du niveau des mers trois fois plus forte, en moyenne de 3,7mm/an. Sur les 20 dernières années, c’est donc une hausse de 6cm à l’échelle mondiale et la tendance reste à la hausse.
Un phénomène directement lié au réchauffement climatique qui a pour conséquence de renforcer l’érosion des littoraux et les risques de submersion qui y sont associés. Toujours d’après le Giec, 280 millions de personnes à travers le monde devraient subir des déplacements à cause de la montée des mers et océans. Et c’est précisément pour freiner ce retrait du trait de côte qu’a été créée l’entreprise ECOPLAGE dès 1996. Elle propose un ingénieux système de drain pour capter l’eau de mer et assécher la plage.
La lutte contre l’érosion concerne la plupart du temps des acteurs public, pour la valorisation d’eau de mer, les acteurs privés sont aussi intéressés
Arnaud Ballay, directeur du bureau d’études
Un système de drainage installé sous les plages
L’histoire d’ECOPLAGE est une histoire atypique. À l’origine, il y a la rencontre entre Carl Linderoth, suédois, et un bureau d’étude danois titulaire d’une invention qui permet de drainer les plages. Conscient du fort potentiel de cette technologie, M. Linderoth finit par convaincre le bureau d’études de le laisser installer trois sites pilotes en France afin de prouver l’efficacité du procédé. Pourquoi la France et pourquoi trois sites ? Car l’Hexagone possède trois littoraux très différents : la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée. Carl Linderoth pense que, si le système marche en France, alors il pourra être adapté partout dans le monde. L’expérience est un succès et ECOPLAGE, une entreprise française basée à Sainte-Luce-sur-Loire (44), est créée pour développer le système.
L’activité d’ECOPLAGE consiste à installer des systèmes de drainage de plage. Concrètement, cela passe par la pose de drains, parallèles au trait de côte, et reliés à une station de pompage. Les drains récupèrent l’eau de mer filtrée par la plage à chaque marée et l’évacuent vers la station de pompage, qui permet de la filtrer et de la retourner à la mer ou de la valoriser pour d’autres usages. Invisible et silencieuse, inoffensive pour la biodiversité – en particulier sur des sites déjà urbanisés – cette technologie génère plusieurs effets positifs.
D’abord, elle stabilise les sédiments sur la surface de la plage tout en diminuant la force de reflux des vagues et permet ainsi une récupération rapide après les tempêtes. Enfin, elle garantit également une réserve de sable pouvant servir lors des prochaines tempêtes. Une problématique intéressante quand on sait que le sable pourrait bientôt devenir une ressource rare sur la planète. Ecoplage résume les effets de sa technologie à l’énumération suivante : « Le drainage assèche l’estran, freine l’érosion et favorise l’engraissement de la plage ». La grande plage des Sables d’Olonne est ainsi protégée par 700 mètres de drains enfouis sous le sable depuis maintenant 20 ans. C’est aussi le cas à Merlimont dans le Nord et à Sainte-Maxime, dans le sud de la France.
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La thalassothermie comme horizon de développement
En parallèle, ECOPLAGE s’est rapidement mise à travailler sur une autre technologie, elle aussi brevetée, qui permet de valoriser l’eau de mer récupérée par ce système de drainage. Enerplage®, nom du procédé, est destinée à plusieurs applications, allant de la thalassothermie (utiliser la puissance calorifique de la mer pour chauffer ou refroidir des infrastructures du littoral) au dessalement d’eau de mer en passant par la pisciculture. Tout en protégeant la plage de l’érosion, Enerplage® permet ainsi de récupérer jusqu’à 15 fois l’énergie consommée pour le drainage. Il existe trois sites Enerplage® qui se concentrent principalement sur la thalassothermie, à Boulogne-sur-Mer, La Baule et Saint-Jean-de-Luz.
Pour tous ces projets, les équipes de l’entreprise réalisent la prospection, les études et la conception. La réalisation est assurée par un partenaire mais celui-ci reste sous la direction d’ECOPLAGE. L’entreprise possède deux types de clients : des collectivités territoriales ou des organismes privés. Les plages appartiennent au domaine public maritime et sont donc très souvent concédées aux collectivités. À l’inverse, pour l’activité de valorisation de l’eau de mer, les acteurs du privés sont particulièrement intéressés. On retrouve ainsi des hôtels, des investisseurs immobiliers, etc.
En 14 ans de commercialisation – l’entreprise a eu une longue phase de R&D jusqu’en 2007 – Ecoplage a travaillé sur 11 sites en France et 1 à Dubaï. Après avoir compté sur des financements privés pour la phase initiale, la société a organisé des levées de fonds pour structurer son approche commerciale.
Quant à son avenir, la société compte développer son activité de valorisation d’eau de mer. « On sent que la tendance, c’est la récupération de l’eau de mer pour en faire de l’énergie » explique M. Ballay. Dans un monde qui doit plus que jamais se défaire de son addiction aux énergies fossiles, où l’eau pourrait être amenée à manquer et où l’érosion des littoraux menace de plus en plus de monde, la technologie Enerplage® apporte une piste de réflexion intéressante.