« Pour la majorité des pays dans le monde, l’eau courante comme on l’a en France, ça n’arrivera jamais ». David Monnier a passé une quinzaine d’années à faire de l’humanitaire à travers le monde. Les problèmes d’accès à l’eau potable sont sa spécialité. « Les investissements pour raccorder l’ensemble d’un territoire, en particulier les zones rurales et peu peuplées, sont prohibitifs pour la plupart des gouvernements. D’autre part, la croissance trop rapide des métropoles sur beaucoup de continents empêche désormais d’amorcer les travaux nécessaires pour y amener l’eau courante » nous précise t’il afin que l’on comprenne bien pourquoi tout le monde n’a pas l’eau au robinet… comme nous.

Nous trouvions ça primordial comme rappel à l’ordre. Et si l’accès à l’eau courante est un luxe, que penser alors de l’accès à l’eau potable ? Car en 2020, d’après les chiffres de l’ONU, 50% de la population mondiale consomme encore une eau dangereuse ou de mauvaise qualité. C’est particulièrement le cas dans les pays en voie de développement -notamment en Afrique- mais aussi dans les zones d’urgence humanitaire (zones de guerres, zones touchées par des évènements climatiques).

C’est précisément pour répondre à cet enjeux que David Monnier et Anthony Cailleaux ont fondé Fonto de Vivo il y a presque trois ans. Un projet qui vise à produire un purificateur pour rendre autonome en eau potable les populations sinistrées.

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Un purificateur pour éliminer 99,999% des bactéries et virus

Lors de ses expériences humanitaires, notamment en Irak et en Haïti, David Monnier a pris conscience que l’accès à l’eau potable n’est pas impossible pour les populations sinistrées. Il sait qu’il existe des solutions technologiques qui permettraient d’en faire profiter tout le monde, mais que ces solutions ne sont pas adaptées pour les situations humanitaires. « La filtration membranaire qu’on utilise pour nos purificateurs, c’est la même technologie qui donne de l’eau à la ville d’Angers par exemple ». Reste donc à la rendre accessible.

Cette technologie est d’ailleurs assez simple – quand on la vulgarise. « Il faut imaginer un ensemble de toutes petites pailles, très fines, dont les ouvertures font à peine 10 nanomètres. Ce qui fait que les bactéries et les virus qui sont dans l’eau impure restent bloqués contre les membranes quand on les fait passer dans le système. Et l’eau qui ressort est donc propre à la consommation. »

L’Orisa est ainsi conçu comme une pompe, facile à emporter, qui permet de filtrer n’importe quelle eau de surface et d’en éliminer 99,999% des bactéries et virus. Il s’adresse aux familles ou communautés qui ne disposent pas d’un accès à l’eau potable autonome, de façon ponctuelle ou permanente, partout dans le monde. Co-construit avec une dizaine d’ONG, écoconçu, réparable et fabriqué en France à 98%, une première version de ce purificateur sortira au mois d’Avril 2020.

Fonto de Vivo
L’équipe de Fonto de Vivo avec le purificateur Orisa


Un produit anti-obsolescence programmée

L’Orisa s’adresse donc en priorité aux ONG afin qu’elles puissent apporter de l’eau potable aux populations en situations d’urgence sanitaire. Mais l’idée derrière ce projet est aussi, et surtout, de créer un produit qui puisse durer dans le temps et continuer de fonctionner après le départ des ONG. En d’autres mots, un produit anti-obsolescence programmée.

Pour cela, les équipes de Fonto de Vivo ont travaillé sur un produit qui est entièrement démontable et réparable, avec la volonté de former les populations sur place au fonctionnement de l’Orisa. « Ce qu’on dit aux ONG, c’est : trouvez un relai sur place, une association ou un réparateur local, à qui nous allons inculquer un minimum de connaissances, et qui saura comment réparer les produits, et comment nous contacter une fois que vous ne serez plus sur place » précise ainsi David Monnier.

« On annonce au moins 5 ans de durée de vie, mais on espère qu’à l’usage, ce sera plus ».

David Monnier – Fonto de Vivo


Quant à la sécurité de leur système, les fondateurs de Fonto de Vivo se montrent rassurant.« On a breveté un système d’auto-nettoyage pour notre purificateur. Et on conseillera à nos utilisateurs de rétro-nettoyer le produit au moins une fois par jour. Aujourd’hui nos membranes sont certifiées ainsi que nos plastiques mais pour aller plus loin, on va faire certifier le produit dans sa globalité par l’Institut Pasteur ».

Enfin, le purificateur est entièrement recyclable, même si sur ce sujet, David Monnier est bien conscient qu’il existe des limites. « Dans l’absolu il est recyclable, maintenant, au Sud-Soudan, recycler un purificateur en plastique, je ne sais pas comment ça marche. Il y a tout à inventer là-dessus. Il faudra créer des filières locales avec les populations sur place ».

Pour cela, l’entreprise compte aussi sur la coopération, une notion qu’elle place au coeur de son ADN. Le purificateur a d’abord été conçu en partenariat avec une dizaine d’ONG (MSF, Handicap International, la Croix-Rouge Française, Solidarité Internationale, Terre des Hommes, etc.) mais aussi avec des scientifiques. Et demain, les fondateurs de Fonto de Vivo aimeraient aller plus loin. « Pratiquement toutes les ONG avec qui on a co-conçu le produit vont pouvoir faire des tests sur le terrain cette année. On aimerait aussi impliquer davantage les citoyens et les utilisateurs finaux dans ce process » ajoute David Monnier.

Une solution simple qui permet donc de rendre accessible une technologie éprouvée à des populations en difficulté : ce genre de projet à impact positif est l’un des clés pour réussir les Objectifs de Développement Durable. Dont l’accès à l’eau fait partie.

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