Un des défis majeurs du 21ème siècle sera de nourrir une population toujours plus importante dans un monde où les ressources se raréfient et où leurs conditions de production se complexifient en raison du réchauffement climatique. Face à ce constat, certaines startups cherchent à développer les solutions de demain. Ce qui est particulièrement le cas de l’entreprise Eauzons, qui a fait le choix de miser sur l’aquaponie, activité très prometteuse et encore peu développée en France, où l’on ne trouve pour le moment qu’une quinzaine de fermes commerciales.  

L’aquaponie, contraction des termes aquacultures et hydroponie, permet de cultiver des plantes et de pratiquer l’élevage de poissons en circuit fermé. Ce modèle applique ainsi les préceptes de l’économie circulaire à l’agriculture. Au rayon des points positifs de l’aquaponie, on retrouve notamment des économies d’eau et de place importantes par rapport aux cultures traditionnelles, ainsi qu’une absence totale de produits phytosanitaires. 

C’est en 2018 que le projet a vu le jour. À l’origine, l’envie de 4 couples d’amis – tous ingénieurs agronomes -d’investir le secteur primaire et de monter un projet de production. À l’occasion du Salon de l’agriculture, ils ont contacté Felix Haget, spécialiste en circuit fermé d’élevage de poisson et créateur du bureau d’études Bioponi, pour que celui-ci rejoigne l’équipe. La société a ensuite été fondée en 2019, après des mois de « galères pour prospecter des fonciers et à rencontrer des élus » selon les mots de M. Haget, devenu directeur général de l’entreprise dont l’objectif « est de proposer des produits de très haute qualité, locaux, issus d’un système ultra vertueux ».

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Contrairement à ses confères, Eauzons se concentre sur l’élevage de poissons

La philosophie d’Eauzons repose donc sur une volonté de produire et de livrer des produits ultra-frais en circuit très court (moins de 50km). Pour cela, l’entreprise distingue deux groupes de clients. Ses clients cibles sont les restaurateurs (livrés 2 fois par semaine), les magasins de producteurs (épicerie, poissonnerie…) ou les consommateurs directs via les marchés et la vente en ligne. Le deuxième groupe de clients, jugés secondaires, englobe les GMS locales et la restauration collective.

La particularité de la démarche d’Eauzons par rapport aux autres acteurs de l’aquaponie, tient à la volonté de ses créateurs de consacrer une place prépondérante de leur activité à l’élevage. Là où de nombreuses fermes aquaponiques se concentrent davantage sur la culture maraîchère.

Ce choix s’explique en partie par une raison économique : en France la vente de poissons est bien plus rentable que la vente de produits maraîchers. Si toutes les fermes aquaponiques ne préconisent pas un tel modèle, cela s’explique par les difficultés intrinsèques à l’élevage de poisson en aquaponie. D’après Félix Haget, cela requiert « une gestion technologique et économique couteuse » mais aussi une grande implication humaine. Leur ferme pilote implique 4 salariés sur site, habitant toutes et tous à moins de 20 minutes de la ferme, avec téléphone de garde et alarmes régulières.

L’approche d’Eauzons qui consiste à faire la part belle à l’élevage se traduira dans les revenus de l’entreprise puisque, pour une ferme de 10 000 m2, le poisson devrait représenter 70% du chiffre d’affaire alors que son élevage ne concerne qu’un quart de la superficie de la ferme. Les végétaux (légumes, plantes à feuilles et aromates) présentent eux l’avantage d’attirer des clients et offrent la possibilité de proposer des produis au prix plus bas, ce qui permet de générer du flux. 

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Des saumons de la ferme Eauzons
Saumons d’élevage de la ferme pilote


3 modèles à développer pour faire grandir l’entreprise

La jeune-pousse basée dans le Sud-Ouest de la France possède pour le moment une ferme pilote de 2 000 m2, installée dans le Gers depuis fin 2019. Cette installation est considérée comme « un outil de R&D, de vitrine, de test, d’attraction de financement » précise M. Haget.

Mais Eauzons compte aller plus loin en structurant son développement autour de 3 pilliers. D’abord, l’entreprise prévoit de développer son modèle commercial. Pour ce faire, deux fermes commerciales de 10 000 m2 sont en cours d’implantation à Pau et à Toulouse. Celle de Pau devrait être mise en production en 2023.

Le deuxième objectif de la société est le développement d’un « modèle agriculteur ». Comprendre : développer des fermes basées sur le modèle de la ferme pilote, sous forme de franchises. Des coopératives d’aquaculteurs et d’agriculteurs se montrent déjà intéressées par cette idée pour diversifier leur activité. 

La troisième voie de développement concerne le développement de la filière d’élevage de poissons. Les équipes d’Eauzons ont construit une écloserie chez un pisciculteur des Pyrénées afin de maîtriser toute la chaîne du poisson, en commençant par la reproduction. L’ouverture un autre site d’élevage piscicole, à nouveau dans les Pyrénées, est également prévue.

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Des salades de la ferme Eauzons
Serre maraichère de la ferme pilote


Mettre fin aux a priori sur l’aquaponie, le défi d’Eauzons

Pour démarrer leur activité, les associés fondateurs ont investi 350 000€ dans le projet et levé 150 000€ auprès de la Bpi et de banques, notamment pour financer la ferme-pilote et leur laboratoire de transformation en autonomie. Pour aller plus loin, elle vient de boucler une levée de fonds de 8M€ pour financer trois fermes de 10 000 m2 et le volet écloserie. Elle estime que ce modèle commercial devrait lui permettre de générer 1,5 M€ de chiffre d’affaires annuel par ferme. 

Eauzons, qui emploie 4 ouvriers à temps plein, veut consacrer l’année 2022 à « l’intensification des cultures et à la recherche de meilleurs rendements« . L’équipe de la jeune pousse espère pouvoir revendiquer, d’ici 2024, une production piscicole de 80 tonnes par an ainsi qu’une production végétale de 200 tonnes par an. L’entreprise vise également la création de 15 emplois par ferme commerciale.

Enfin, la startup identifie la commercialisation de ses produits comme étant le principal défi à relever. Selon Félix Haget, « l’aquaponie n’est pas connue et elle peut faire peur ». Intéresser les consommateurs à cette pratique sera donc une des clés pour le bon développement de la filière aquaponique.

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