Ce n’est pas une première pour l’association, qui a déjà fait condamner le géant de l’électronique à une amende de 25M€ en 2020. À l’époque, la plainte de HOP portait sur le délit d’obsolescence programmée concernant plusieurs modèles d’Iphone subissant des ralentissements et dysfonctionnements suite à des mises à jour du système d’exploitation. Or, Apple encourageait le téléchargement de ces mises à jour en sachant les conséquences sur les smartphones. Après 2 ans d’enquête et les témoignages de plus de 15 000 utilisateurs, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) avait donc sanctionné la marque d’une amende record.

L’Association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) a été créée par Laetitia Vasseur et Samuel Sauvage dans la foulée de la loi relative à la Transition Énergétique et à la croissance Verte (LTECV, 2015) pour lutter contre l’obsolescence programmée et faire progresser l’économie circulaire. Elle a notamment été à l’initiative de plusieurs avancées législatives sur le sujet, en particulier avec l’instauration de l’indice de réparabilité et la mise en oeuvre du fonds de réparation.

C’est justement sur le sujet de la réparabilité des produits que porte la nouvelle plainte qu’a déposée l’association contre la marque Apple. HOP reproche à la marque américaine des pratiques qui limitent les possibilités de réparation et qui risquent également de restreindre le développement du reconditionnement de smartphones à l’avenir.


La « sérialisation » en ligne de mire

La pratique qui est visée par la plainte de l’association HOP semble de plus en plus répandue chez le fabricant. Elle est appelée « sérialisation » ou « appariement ». Concrètement, cette pratique consiste à associer, par des micro-puces, les numéros de série des composantes et périphériques (écrans, batteries, caméras) à celui de l’iPhone concerné. De telle manière que si l’appareil est réparé avec des pièces qui ne correspondent pas aux pièces que reconnaît habituellement le logiciel de l’iPhone, cela peut entraîner des dysfonctionnements. À noter que ces dysfonctionnements peuvent également être déclenchés lors d’une mise à jour.

L’association documente sa plainte avec plusieurs exemples, dont celui d’un écran tactile réparé sur un iPhone XR, rendu inutilisable après la mise à jour iOS 16, la marque incriminant « un écran non d’origine Apple qui provoque un problème de tactile ». Pourtant, d’après l’association, un simple retour à l’iOS15 permet de corriger la panne.

Pour l’association HOP, ces problèmes, constatés de manière répétée, ne sont pas de simples bugs mais des pratiques volontaires visant à désavantager la réparation indépendante ou le reconditionnement, au profit de la vente de smartphones neufs ou de la réparation captive via les centres de réparation de la marque. La plainte déposée contre le géant du numérique porte ainsi sur les nouveaux délits mis en place par la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire (2020), en dénonçant les entraves à la réparation et au reconditionnement hors circuits agréés et les entraves à l’accès aux pièces détachées et aux informations, y compris logiciel, permettant la réparation d’un iPhone (art. L. 441-3 et L. 441-4 du Code de la consommation).

Lire aussi : Olover, la seconde main des produits high-tech et gaming


La réparabilité des smartphones, un enjeu majeur

« Si Apple souhaite faire obstacle à la réparation indépendante et au développement du reconditionnement, la justice doit faire obstacle à ces pratiques anachroniques, irresponsables et illégales » explique ainsi Samuel Sauvage, co-fondateur de l’association HOP alors que 4 millions d‘iPhones sont vendus chaque année en France.

Sur le plan environnemental, il faut rappeler que 80% de l’empreinte environnementale d’un smartphone provient de sa conception. La réparation et le reconditionnement de ces produits représentent la meilleure alternative pour lutter contre la pollution numérique. Mais les consommateurs se heurtent depuis toujours à des fabricants qui font leur possible pour complexifier la réparation de leurs produits. « Les grands constructeurs, aujourd’hui, ont besoin de vendre beaucoup et rapidement. C’est le modèle qui domine donc c’est très compliqué, pour des grandes marques, de changer leur façon de faire » nous expliquait récemment Agnès Crepet, responsable IT et logiciel chez Fairphone, l’un des rares constructeurs à mettre, justement, la réparabilité de ses produits au coeur de son modèle économique.

Et en matière d’entrave à la réparation, la marque à la pomme a très longtemps été critiquée pour le manque de réparabilité de ses produits. Mais hasard du calendrier, Apple annonce justement ce mardi 6 décembre l’extension de son programme Self Service Repair à 8 nouveaux pays, dont la France. Lancé aux États-Unis en avril 2022, ce programme permet aux particuliers de commander des pièces « authentiques » pour l’iPhone 12, l’iPhone 13 et certains Mac.

Une annonce en trompe l’oeil pour la firme américaine ? Plusieurs raisons permettent de le penser, notamment le fait que seuls certains produits soient concernés, mais aussi parce que la réparation à domicile des produits Apple est très compliquée et nécessite du matériel spécifique, sans compter la question du prix des pièces détachées. D’ailleurs, comme le précisent nos confrères de Numerama, « le fait qu’Apple vende un simple tournevis adapté à ses produits au tarif de 92,88 euros prouve bien que ces options coûteront souvent beaucoup plus que la réparation chez un réparateur agréé ».

À lire également sur le sujet