Nourrir les animaux d’élevage se heurte à plusieurs problèmes parmi lesquels l’empreinte environnementale des aliments utilisés. Par le biais d’une étude parue mi-septembre dans la revue Aquaculture, des scientifiques de l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ont montré que des truites d’élevage avaient tout aussi bien grandi avec un aliment plus durable. Une avancée pour tendre vers une aquaculture plus durable ?
L’alimentation animale doit réduire ses impacts
Les poissons d’élevage sont habituellement nourris avec des aliments composés de farine de poissons (pour environ 25%), d’huile de poisson (environ 15%), mais aussi avec des ingrédients végétaux issus du soja, de la féverole, du pois ou encore du colza. Hormis dans le cadre de quelques filières certifiées bio, ces aliments ne proviennent pas de sources durables. L’élaboration de ces aliments tient compte des contraintes économiques et nutritionnelles, mais pas des impacts environnementaux de leurs ingrédients, note l’Institut.
La farine et l’huile sont par exemple issues en partie de la pêche minotière, qui est une pêche intensive aujourd’hui beaucoup pratiquée dans les eaux chiliennes et péruviennes, et dont la finalité est de nourrir des poissons et animaux d’élevage à travers le monde. Cela impacte nécessairement l’ensemble du cycle d’élevage des poissons, et contribue aux externalités négatives de l’aquaculture sur l’environnement.
L’aquaculture, et particulièrement la pisciculture, doivent impérativement réfléchir à la réduction de leur empreinte environnementale, dans l’optique d’assurer la durabilité de leur modèle. Mais comment faire ? C’est la question que se sont posés plusieurs scientifiques de l’INRAE, en s’intéressant de plus près à un poisson bien connu des fermes d’élevage, les truites arc-en-ciel. Les scientifiques ont tenté de développer un aliment durable – ou écoaliment – qui à la fois tient compte des qualités nutritives requises pour nourrir un poisson carnivore, et dont l’impact environnemental est faible. La contrainte économique a également été intégrée à l’équation.
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Des résultats plus que positifs
Les scientifiques se sont basés sur une méthode dite multi objectif pour fabriquer ces écoaliments, c’est-à-dire une méthode qui essaie d’arriver au meilleur résultat en combinant plusieurs finalités : nutritive, environnementale et économique ici.
“Du point de vue de la composition, l’écoaliment ne contient plus du tout de soja, et 2 fois moins de farine et d’huile de poisson, une réduction compensée par des coproduits de volailles et du blé. Cerise sur le gâteau, cet aliment est même 8 % moins cher à produire” indiquent les chercheurs
Des truites arc-en-ciel ont donc été nourries pendant 12 semaines avec ce nouvel aliment. La vitesse de croissance des poissons a été mesurée et une analyse du cycle de vie a permis d’évaluer l’impact environnemental. Résultats ? Les truites grandissent aussi bien que celles nourries avec l’aliment traditionnel, sans être plus grasses. Et une réduction des impacts environnementaux de l’aliment et du kg de truite en sortie de ferme, est observée dans 7 des 8 catégories d’impact prises en compte dans la méthodologie multi objectif.
L’étude s’est basée sur huit catégories d’impact : le changement climatique, la consommation d’énergie non renouvelable, l’acidification des milieux, l’eutrophisation de l’eau (accumulation de nutriments), l’occupation des sols, la consommation de phosphore, la demande en ressources biologiques naturelles (indicateur d’utilisation de la chaîne trophique) et la demande en eau. Au final, seule l’eutrophisation de l’eau n’a pas été impactée.
Il serait donc possible, sans trop de difficultés, de réduire significativement l’impact environnemental de la filière d’élevage de poissons, sans pour autant diminuer la vitesse et la qualité de croissance de ces poissons. Les écoaliments semblent représenter une voie prometteuse pour réduire la dépendance de l’aquaculture vis-à-vis de la farine et de l’huile de poisson, mais aussi du soja.
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Un marché colossal
Mais ça n’est pas la seule. Une autre voie complémentaire existe, celle des protéines d’insectes. L’entomoculture est un sujet dont on commence à parler de plus en plus. Des start up françaises innovent dans ce secteur, certaines étant à l’origine de levée de fonds spectaculaires ces derniers temps. Ainsi Innovafeed a bouclé un tour de table de 250 millions d’euros il y a quelques semaines, après une première levée de 450 millions en 2016. Ou encore Ynsect qui a levé pour plus de 400 millions ces 3 dernières années.
Mais pourquoi tant d’investissements ? Car la production d’insectes – vers de farine ou mouches soldats noires – afin de produire des protéines destinées à l’alimentation animale, volaille, porc, aquaculture notamment, ainsi que de l’engrais organique naturel, demande beaucoup de recherche et développement et des outils de production d’un genre nouveau : des fermes verticales d’élevages. Et il s’agit d’un marché très prometteur, encore à défricher, et à l’international. A terme, c’est même l’alimentation humaine qui est visée. Les productions et les premiers tests grandeur nature sont en cours, et les premières autorisations de mises sur le marché arrivent.
Les insectes sont une source naturelle et durable de protéines de qualité pour nourrir les poissons et animaux d’élevage. L’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) le préconise depuis 2013 déjà.