Aeromate est une Start up parisienne fondée en 2015 par trois jeunes ingénieurs issus d’AgroParisTech et de Sup’Biotech : Louise Douillet Théo Manesse et Michel Desportes. Spécialisée en agriculture urbaine, Aeromate utilise l’hydroponie biologique pour cultiver des herbes aromatiques sur les toits parisiens.

Lauréate de l’édition 2016 des Parisculteurs, la Start up a inauguré ses 490m2 de ferme urbaine sur le toit du centre médical de la RATP dans le 12ème arrondissement pour un budget d’installations de 32 500 euros. La ferme produit ainsi 4 000 plantes aromatiques et approvisionne en vente directe les commerces et restaurants du quartier.


Reconnecter les citoyens à la terre

Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’industrialisation, la promesse d’un confort de vie et l’emploi renforcent l’attirance pour la ville et entraînent une urbanisation croissante au détriment du monde agricole. La population urbaine passe de 53% en 1936 à 70% en 1968. Aujourd’hui, de par le prix des loyers, de la pollution et du manque de place, les villes deviennent peu à peu répulsives et nombreux sont les françaises et français à vouloir se réinstaller à la campagne ou dans des villes moins denses. Pour autant, la concentration du travail dans les métropoles poussent ces villes denses à devoir se réinventer, à la fois pour offrir une meilleure qualité de vie mais surtout pour devenir résilientes vis à vis du changement climatique.

La végétalisation des villes est donc depuis quelques années l’un des piliers de la transformation des villes, et cela passe aussi par l’essor de l’agriculture urbaine. Déjà pratiquée par les civilisations sumériennes il y a plus de 6 000 ans, cette pratique désigne la production de légumes, de fruits et autres aliments en ville. Elle peut être pratiquée sur des toits, dans des cours, des potagers partagés et même dans des espaces publics. Et c’est bien cette approche de la “ville nourricière” dans laquelle s’inscrit Aeromate.

Pour cultiver ses produits, la Start up parisienne utilise l’hydroponie : une technique horticole très ancienne qui permet de procéder à une culture (hydroculture) hors-sol. La terre est remplacée par un substrat inerte et stérile (fibres de coco ou billes d’argile). Pour pallier au manque de nutriments contenus dans le sol, le cultivateur règle lui-même la dose de solutions nutritives à insérer dans l’eau.

Cette technique s’effectue en circuit fermé ce qui permet des économies d’eau (90% d’eau économisée par rapport à une culture classique) mais aussi de nutriments, qui circulent en permanence jusqu’à l’absorption finale par la plante. La vie microbienne des sols est ainsi conservée car rien n’est relâché dans la nature. En hydroponie traditionnelle : la plante est nourrie avec des sels minéraux (ressource limitée).

La Start up a déjà remporté 3 toits pour leurs cultures, soit 1 200 m2 en tout. Elle propose une soixantaine de variétés, dont certaines méconnues comme l’herbe à huître (mertensia). Les cultures sont vendues en BtoC et en BtoB, via la Ruche qui dit oui, le Comptoir local, à des Chefs, ou encore aux salariés de la RATP. Pour compléter son modèle, la jeune entreprise propose également des formations, de l’animation d’ateliers et développe également une activité conseil pour permettre aux entreprises de développer leurs projets d’agriculture urbaine.


Vers une reconquête des fonctions écologiques et sociales de la ville ? 

Remis au goût du jour ces dernières années, l’agriculture urbaine n’est pas un concept récent. Dès le 19ème siècle, Paris accueillait déjà des jardins ouvriers et la plus grande plaine maraîchère d’Europe (l’équivalent aujourd’hui de Bobigny et Aubervilliers réunit). Celle-ci alimentait en grande partie Paris et pratiquait notamment l’agriculture sous cloche qui offre d’excellents rendements. Avec l’arrivée de l’industrialisation, cet espace s’est considérablement rétréci pour faire place aux usines de production et aux habitations. 

Néanmoins, il est utile de rappeler les multiples fonctions de l’agriculture urbaine. C’est une agriculture qui fait vivre la ville en termes :

  • Alimentaire : elle fournit des fruits et légumes sains, biologiques, locaux et d’excellente qualité,
  • Environnemental : elle régule le climat et préserve la biodiversité. Elle améliore la qualité des sols, réduit le gaspillage lié aux emballages et aux consommations d’eau,
  • Socio-culturel : elle crée et renforce du lien social au travers des jardins communautaires et favorise le sentiment d’appartenance. Elle permet l’intégration de personnes marginalisées ou en situation de handicap,
  • Économique : elle augmente la valeur foncière des bâtiments alentours et crée des emplois dans les fermes urbaines et périurbaines,
  • Historique : elle redécouvre le lien ancestral qui nous lie aux agriculteurs.

Ce mode de production fait vivre la ville et à l’inverse vit de celle-ci.  Il exploite toutes les structures et surface de la ville (toits, parkings, pleine terre, terrasses…) ainsi que les réseaux. 

Le modèle d’agriculture urbaine reste controversé quant à son rendement ainsi qu’au manque de modèles économiques qui sont associés à la pratique. Mais elle apporte aussi une vision sociale essentielle au fonctionnement de la ville et de ses quartiers. Nos rapports à la terre ayant quasiment disparus, il donne des perspectives sur notre manière de produire et de consommer.

À la question, peut-on nourrir toute une ville avec l’agriculture urbaine ? La réponse est certainement négative pour les grandes villes des pays développés où les surfaces restent limitées. En revanche, ce mode de production peut être une issue dans des pays peu industrialisés aux grands espaces et aux ressources limitées (l’eau notamment). Une chose est sûre, l’agriculture urbaine apporte une notion que nous avions perdue : la cohésion sociale. 

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