Le ministère de l’Agriculture vient de préciser le plan stratégique national mettant en place en France la politique agricole commune de l’Union européenne. Il a notamment décidé d’augmenter les aides destinées aux agriculteurs bio, qui seront désormais supérieures à celles octroyées au label Haute Valeur Environnementale.

La première version de ce plan stratégique national avait été rejetée par la Commission européenne, qui l’avait estimée insuffisante par rapport aux objectifs de transition écologique des secteurs agricoles et forestiers de l’UE. En effet en 2030, 25% des surfaces agricoles devront être biologiques. Mais nous n’y sommes pas encore.

Ces décisions abondent dans le sens des recommandations de la Cour des comptes, qui publiait le 30 juin dernier un rapport concernant l’état de l’agriculture biologique en France. Le rapport relevait particulièrement le manque de soutien à ce type d’agriculture de la part des pouvoirs publics, et notamment le soutien équivalent à des labels moins exigeants en matière environnementale, comme le label « Haute Valeur Environnementale ». 

La Cour des comptes rappelle en outre les bénéfices de l’agriculture bio en termes de santé et d’environnement, et souligne que « le développement de l’agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entrainer les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement« . Une transition agro-écologique en bonne voie dans la mesure où la part du bio est passée de 3 à 10% entre 2010 et 2021, et que la consommation a été multipliée par 3,5 sur cette même période. 

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exploitation maraîchère


Agriculture biologique et conventionnelle : des performances économiques équivalentes

Grâce à un nouvel outil statistique, la Cour des comptes a pu comparer les performances économiques de l’agriculture biologique et conventionnelle. Elle les estime ainsi équivalentes, bien que certaines filières soient sujettes à des variations. En outre, elle relève que la consommation de produits biologiques a baissé pour la première fois en 2021, à hauteur de 1,3%, et s’interroge sur la pérennité de l’équilibre économique de l’agriculture biologique. 

Afin de comprendre cette baisse, la Cour a analysé les causes probables, et a dégagé deux observations principales. La première concerne l’insuffisance de la politique de soutien à l’agriculture biologique, dont « les programmes d’action successifs n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de 15% des terres agricoles en bio et de 20% de bio dans les cantines publiques en 2022« .

Le rapport estime ainsi que la politique de soutien du ministère de l’Agriculture n’est pas en mesure de répondre aux ambitions affichées en raison d’un manque de communication sur les impacts bénéfiques du bio, et d’une illisibilité des labels qui entraîne une baisse des achats d’aliments bio en 2021 face à la concurrence de labels verts moins exigeants. 

Dans un second temps, le rapport identifie une insuffisance des aides de la politique agricole commune que la France consacre à l’agriculture bio. D’une part, le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement en agriculture biologique sont jugés insuffisants, et d’autre part, « la moitié de l’enveloppe a été consommée dès la première année de la programmation démarrée en 2015« . En outre, l’aide au maintien en agriculture biologique a été supprimée en 2017, ce qui fait que désormais un quart des exploitations bio ne touche pas d’aides de la PAC. 

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12 recommandations pour atteindre les objectifs

Face à ce constat, la Cour des comptes formule 12 recommandations pour atteindre les nouveaux objectifs fixés par la France et l’Union européenne. Celles-ci sont articulées autour de 3 orientations principales : éclairer les citoyens et les consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire de la filière issue de l’agriculture biologique, réorienter les soutiens publics à l’agriculture au profit de la filière bio, et favoriser la création de valeur au sein de la filière issue de l’agriculture biologique.

Les recommandations sont les suivantes :

I/ Éclairer les citoyens et les consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire de la filière issue de l’agriculture biologique

1. Rehausser fortement le niveau d’exigence du cahier des charges applicable à la certification environnementale, notamment pour la mention Haute valeur environnementale (HVE) et proportionner le niveau des aides en fonction des bénéfices environnementaux des divers labels et certifications.

2. Établir un plan interministériel de communication grand public sur les bénéfices de l’agriculture biologique, en s’appuyant sur des évaluations scientifiques de son impact sanitaire et environnemental.

3. Valoriser tous les bénéfices de l’agriculture biologique dans la méthode de calcul du futur affichage environnemental sur les produits alimentaires.

4. Corriger et enrichir l’appareil statistique public, de manière à mesurer l’atteinte des objectifs fixés en matière d’agriculture biologique et comparer les différents modes de production agricole.

5. Adopter un dispositif interministériel de suivi permettant d’évaluer l’impact environnemental et de santé publique des mesures de la PAC mises en œuvre.

II/ Réorienter les soutiens publics à l’agriculture au profit de la filière bio

6. Pour la mise en œuvre de la future PAC, instaurer une rémunération pour services environnementaux de l’agriculture biologique dans le cadre de l’écorégime et renforcer les mesures agroenvironnementales et climatiques.

7. Renforcer les moyens de la recherche et de l’innovation en agriculture biologique et en assurer la diffusion des résultats.

8. Conforter le rôle de coordination de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), en renforçant ses moyens, notamment par une mobilisation financière sensiblement accrue des interprofessions agricoles. 

9. Conforter et élargir les missions de l’Agence Bio, et lui donner les moyens financiers et humains correspondants par une mobilisation financière sensiblement accrue des interprofessions agricoles et par l’accroissement des subventions pour charges de service public.

III/ Favoriser la création de valeur au sein de la filière issue de l’agriculture biologique.

10. Appliquer rapidement à l’agriculture biologique la loi Egalim 2 et en particulier, inciter à la contractualisation entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

11. Pérenniser le Fonds Avenir Bio à hauteur d’au moins 15 M€ par an et examiner la création, auprès de BPI France, d’un fonds d’investissement pour les industries agroalimentaires bio et d’un accélérateur au profit des PME agroalimentaires biologiques. 

12. Lancer, sous l’égide de France Stratégie, une mission prospective sur la contribution de l’agriculture biologique à l’autonomie agroalimentaire française et européenne, ainsi que sur les moyens de la renforcer. 

De manière générale, pour atteindre les objectifs affichés par la France et l’Union européenne, le développement de l’agriculture bio devra ainsi allier une amélioration des rendements par le biais de la recherche, et une évolution des régimes alimentaires vers moins de protéines animales.

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