49,6°C à Vancouver (Canada), 52°C à Bassora (Irak), 48°C près de Verkhojansk (Russie)… le mois de juin 2021 à encore été l’un des plus chauds enregistré depuis le début du siècle. Il a aussi amené avec lui des conséquences dramatiques : des centaines de morts au Canada ainsi qu’un village – Lytton – entièrement rasé par un incendie. Depuis le début de l’année, les épisodes climatiques extrêmes se multiplient (canicules puis inondations en Russie ainsi qu’au Japon, inondations en Australie, incendie historique à Chypre, sans oublier l’épisode de gel en France au mois d’Avril), et nous rappellent que le changement climatique a d’ores et déjà commencé à compromettre la résilience de nos territoires.
Ainsi, l’enjeu est donc de développer dès aujourd’hui des solutions concrètes afin de lutter contre les conséquences actuelles et futures de la hausse des températures. Consciente de cet enjeu, l’Agence Parisienne du Climat a mis en place une plateforme afin de répertorier les solutions écologiques résilientes qui ont fait leurs preuves sur le territoire et d’en faciliter la reproduction par les politiques publiques et ce à toutes les échelles. Nous faisons un focus sur 5 d’entre elles.
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Des pavés évapotranspirants pour faire face aux vagues de fortes chaleurs
L’augmentation des vagues de chaleur et des canicules, en fréquence et en intensité, est une des conséquences du changement climatique les plus impactantes pour le territoire français, allant jusqu’à causer une augmentation de la mortalité dans les départements touchés. Et ce phénomène ne va pas aller en s’améliorant : selon Météo-France et son scénario optimiste, le nombre de jours de vagues de chaleur en France pourrait doubler d’ici la fin du siècle. Dans son scénario négatif, ce nombre pourrait aller jusqu’à être multiplié par un facteur 5 à 10.
Des vagues de chaleur dont les conséquences se font d’autant plus ressentir en ville, là où l’absence de végétation, les revêtements minéraux, la morphologie urbaine viennent empêcher la ville de se rafraîchir la nuit et créent ce que l’on appelle des îlots de chaleur. Ainsi, les différences de température entre les centres urbains et les zones rurales alentours peuvent aller jusqu’à 10°C.
Une solution d’adaptation intéressante a été expérimentée par la ville de Toulouse dans le quartier Montaudran Aerospace. Cette dernière a en effet installé des pavés rafraichissants sur une place minérale peu ombragée de 150m². Ces pavés, composés de béton et de 30% de coquilles Saint-Jacques permettent l’évapotranspiration de l’eau pluviale stockée dans une cuve sous les pavés ou de celle du réseau d’eaux brutes ou non potables auquel ils peuvent être raccordés. Activés pendant les vagues de chaleur, leur évapotranspiration permet ainsi d’améliorer le confort thermique de 3 à 5°C. Installés depuis 2018 à Toulouse, ces pavés ont ensuite fait leur apparition sur 600m² au sein d’un hub multimodal à côté de l’aéroport de Nice. Des pavés sont également en cours d’installation dans une cour d’école à Bordeaux.
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L’agriculture urbaine pour sécuriser nos ressources alimentaires
L’augmentation des températures entraîne avec elle celle des sécheresses qui viennent compromettre certaines de nos cultures. D’où l’importance de développer des cultures maraichères qui consomment moins de ressource en eau. C’est le cas de la culture de protéines d’insectes destinés aujourd’hui à l’alimentation animale. C’est aussi le cas d’un grand nombre d’entreprises engagées dans l’agriculture urbaine, et qui se basent sur l’hydroponie ou l’aquaponie.
Agripolis, par exemple, développe des fermes aéroponiques qui consistent à faire de l’agriculture hors-sol grâce à des cultures qui sont étagées sur une colonne, leurs racines suspendues dans le vide et sur lesquelles sont vaporisés directement les éléments nutritifs nécessaires à la croissance de la plante en circuit fermé.
Cette solution s’avère particulièrement intéressante du fait d’une croissance rapide, de hauts rendements, et de caractéristiques techniques adaptées en toiture qui ne nécessitent aucune modification ni travaux. Une première ferme urbaine pédagogique a notamment été réalisée sur les toits du Collège Eugène Delacroix dans le 16e arrondissement de Paris. L’activité de production y est couplée à des animations et sessions pédagogiques à destination des élèves de l’établissement. La production annuelle est estimée à 83,2 tonnes de 50 espèces de légumes et de fleurs coupées (salades, tomates, concombres, basilic, potimarron, etc.) et est destinée principalement aux restaurants collectifs scolaires des alentours.
Du substrat fertile pour ramener de la biodiversité en ville
L’agriculture urbaine a aussi l’avantage de ramener de la biodiversité en ville alors même que celle-ci y est menacée par les activités humaines. Des solutions d’adaptation au changement climatique peuvent trouver leur essence même en se fondant sur la nature. Elles peuvent notamment permettre une meilleure infiltration de l’eau de pluie et réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain. Elles contribuent aussi à récréer des habitats et les continuités écologiques (trames vertes et bleues), leviers essentiels pour préserver la biodiversité.
A ce sujet, il s’agit donc de revégétaliser la ville. Ainsi, plusieurs initiatives observées à Paris mettent au cœur de leur projet le retour de la végétation en ville. Végétaliser les immeubles lors des pratiques de rénovation comme ce qui a été fait pour la résidence Desnouettes, installer des séparateurs végétalisés pour sécuriser les pistes cyclables, délivrer des permis de végétaliser les rues aux habitants sont autant de démarches intéressantes.
Pour favoriser cette végétalisation, Halage, Neo-Eco et ECT ont allié leur expertise autour du projet « Faiseur de terre » expérimenté sur le site de Lil’Ô, en Seine-Saint-Denis. Ce projet permet de produire du substrat fertile à partir d’une formulation de mélanges issus du réemploi de matériaux (terre et bétons concassés issus de chantiers, compost issu de biodéchets…). Ainsi par exemple, ce projet permet notamment le réemploi des terres excavées inertes des travaux du Grand Paris Express ainsi que le compost issu du compostage électromécanique des Alchimistes installés sur le site Lil’Ô. Une démarche qui allie donc économie circulaire et végétalisation tout en permettant de limiter l’importation de terre qui est estimée à 20 millions de tonnes par an pour les villes françaises.
Le béton de chanvre pour diminuer la facture énergétique
Et de la nature nous pouvons tirer de nombreux autres bénéfices grâce par exemple aux matériaux biosourcés. Car le dérèglement climatique a aussi pour conséquence d’augmenter nos factures énergétiques que ce soit en climatisation lors des vagues de chaud ou en chauffage lors des hivers particulièrement froid.
A Paris, l’efficacité du réseau de froid urbain repose sur la fraîcheur de l’eau de la Seine, fraicheur qui pourrait ainsi être altérée avec la hausse des températures. Ainsi, il s’agit de trouver des alternatives passives à la climatisation individuelle et c’est là où les matériaux biosourcés peuvent faire leur entrée.
Une expérimentation de ravalement d’un immeuble dans le 14e arrondissement de Paris avec du béton de chanvre a par exemple montré des résultats encourageants. En plus de faire un très bon isolant qui permet donc de diminuer notre consommation énergétique en hiver et de stocker le CO2, il a aussi la capacité physique de stocker de l’eau et de s’en décharger selon le gradient de température.
Ainsi, mélangé à de la chaux (et non pas à du ciment contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire), il peut être utilisé dans les opérations de ravalement. En tant que matériau poreux il permet donc une régulation saine et naturelle de l’humidité de l’air intérieur. En plus de permettre d’accroître le confort thermique du bâtiment, cette expérimentation a aussi été un succès en étant compatible avec la typologie ancienne de bâti sensible à l’humidité, l’immeuble ayant été construit en 1880.
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Un bocage urbain pour limiter le ruissellement pluvial
Alors qu’en moyenne, les modèles de climat simulent une hausse progressive des précipitations extrêmes sur le pays au cours du siècle, plusieurs leviers sont mobilisables pour rendre la ville moins vulnérable à ce risque climatique. Parmi lesquels favoriser l’infiltration des eaux dans le sol pour limiter le ruissellement pluvial et ce notamment grâce à la végétalisation, garantir la sécurité des réseaux souterrains ou encore éviter la saturation des réseaux d’assainissement et le rejet d’eaux polluées dans les cours d’eau.
Afin de limiter le ruissellement pluvial, une initiative intéressante est celle portée par Vertuo et son bocage urbain modulaire et alimenté par les eaux pluviales expérimenté à Aubervilliers. Cette solution brevetée prend la forme d’un cube enterré à fleur de sol qui recueille les eaux de pluies provenant des trottoirs et des gouttières d’immeubles dans un bassin de rétention. Celui-ci vient alors par la suite irriguer la végétation contenue dans le bac.
En plus de restaurer le cycle naturel de l’eau et d’éviter de surcharger les réseaux d’eau en période de fortes pluies, cette solution permet d’assurer l’irrigation de modules végétalisés. Ainsi, ce bocage urbain permet d’assurer la capacité d’évapotranspiration des plantes, même en période de sécheresse et de fortes chaleurs, et ainsi diminuer l’effet d’îlot de chaleur urbain. De plus, le système est autonome : les plantes n’ont pas besoin d’apport en eau supplémentaire, même en période de sécheresse.
Cet aménagement paysager modulaire s’inspire des jardins de pluie très présents en Amérique du Nord. Chaque module déploie une surface végétalisée de 1,02m² gorgée en eau. Le premier site pilote à Aubervilliers met en oeuvre 8 de ces modules dans le parc des Portes de Paris. Ces 8 modules collectent les eaux pluviales d’un petit bâtiment annexe de 70 m² de toiture et les eaux de ruissellement d’une placette. Un autre exemplaire de Bocage Urbain a été installé début 2020 devant la mairie du 4e arrondissement de Paris.
Visuel d’entrée : Ferme aéroponique sur le toit de Paris Expo Porte de Versailles © Agripolis