Vitirover fait partie de ces rares entreprises françaises qui se consacrent à la robotique agricole. Créée en 2010 par Arnaud de la Fouchardière et Xavier David Beaulieu la startup apporte notamment une réponse à l’usage problématique des herbicides traditionnels tels que le glyphosate. Elle souhaite également montrer qu’il existe une voie pour démocratiser l’agriculture de conservation des sols et le non-recours au labour permanent.
Pour cela, Vitirover prône le maintien d’un enherbement permanent et maîtrisé autour des cultures, grâce à des robots tondeurs autonomes qui fonctionnent à l’énergie solaire. Une technologie qui permet d’éviter à l’humain de s’occuper du désherbage tout en évitant également le recours à des herbicides non-sélectifs qui détruisent la biodiversité du sol. « Les racines d’une plante sont d’une taille à peu près égale à ce qui émerge du sol » explique le fondateur de la startup, « donc lorsqu’on maintient un enherbement permanent de 5cm à 10cm, ces plantes ne racinent pas en profondeur et viennent donc beaucoup moins concurrencer les cultures et cela permet de maintenir le sol en bon état ».
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Des robots à basse consommation d’énergie
Concrètement, l’entreprise déploie donc ses robots sur des périodes s’étalant du mois de mars jusqu’aux récoltes, et maintient durant ce temps un enherbement permanent de quelques centimètres afin de préserver les sols, les plantations à proximité ainsi que la faune et la flore qui se trouve aux alentours directs des cultures. Chacun de ces robots pèse environ 20 kilos et est équipé d’un petit panneau solaire qui le rend autonome en énergie. Conçus dans une logique low-tech, ils affichent une consommation d’énergie très basse, d’environ 1 watt par kilo. « Rapporté au poids total du robot, cela représente l’équivalent de ce que consomme le plafonnier d’une voiture lors de l’ouverture d’une porte » ajoute l’entrepreneur.
À noter que Vitirover ne vend pas son matériel aux agriculteurs, mais leur facture une prestation de service, sous la forme d’hectares entretenus. « Nos clients paient une charge annuelle, sans avoir besoin de payer de matériel, de pièces détachées, de garanties ou de maintenance. Nous mettons en place nos robots directement chez eux et nous assurons la supervision de la prestation« , explique Arnaud de la Fouchardière. Le prix que paient les agriculteurs est ainsi fixé par rapport aux types de terrain : il varie par exemple selon la pente ou le nombre d’obstacles par hectare (arbres, pieds de vigne ou piquets).
Ces robots, équivalent technologique d’un petit mouton, sont ensuite déployés sur des parcelles où ils vont gérer le maintien de l’enherbement à la vitesse moyenne de 200 mètres à l’heure. La startup assure elle-même leur suivi et leur maintenance grâce à un « berger », un technicien de Vitirover qui supervise leur travail depuis un ordinateur, et qui se tient prêt à intervenir en cas de besoin, comme par exemple pour changer une batterie en cas de manque de soleil ou de lumière.
La maintenance des robots figure d’ailleurs comme l’une des pierres angulaires du modèle de la Vitirover, qui investit chaque année 10% de son prix de revient en maintenance afin d’assurer la viabilité des robots sur le long-terme. « Nous ne sommes pas dans une logique fabriquer-utiliser-jeter, mais dans une logique fabriquer-utiliser-réparer, et en dernier recours recycler. Mais l’idée, c’est qu’au bout de 10 ans, le robot doit être toujours en bon état ».
Des robots qui séduisent aussi les entreprises industrielles
Outre le fait de se positionner en alternative aux herbicides et au labour, et à mettre en avant la conservation des sols, Vitirover s’inscrit, grâce au maintien d’un couvert végétal permanent dans les cultures, dans une logique qui vise à favoriser la création de puits de carbone. Un atout pour le monde agricole qui, grâce à des mécanismes comme le label bas-carbone, peut représenter un complément de revenu pour les exploitants mais aussi intéresser des entreprises pour leur bilan RSE.
Actuellement, une centaine de ces robots est en circulation au sein d’exploitations agricoles ainsi que dans des vergers. En particulier dans la région bordelaise, l’entreprise étant elle-même basée à Saint-Émilion. Mais cette solution séduit également certaines entreprises, qui ont été de grandes consommatrices d’herbicides pour entretenir leurs espaces verts. La startup travaille par exemple avec des sociétés comme la SNCF (plus gros consommateur français de glyphosate), mais aussi Aéroports de Paris ou encore Egis. « Partout où il y a des enjeux de maintenance de la végétation de façon propre, nous sommes une solution » ajoute Arnaud de la Fouchardière.
Actuellement constitué de 14 employés, Vitirover profite notamment de son implantation dans le Sud-Ouest pour porter un projet « d’usine du futur » en partenariat avec l’ENSAM de Talence. Une usine qui permettra de produire au minimum 30 robots par mois à partir de mi-2022, notamment grâce à l’aide de la région Nouvelle-Aquitaine et des groupes ESI et LGM. L’objectif de Vitirover est d’atteindre les 200 robots en fonctionnement fin 2022, et de parvenir à rendre ses robots parfaitement autonomes et indépendants de toute intervention humaine. Une levée de fonds d’environ 3,5 millions d’euros est d’ailleurs sur les rails afin de permettre un passage à l’échelle de l’entreprise.