Alors que le biométhane se positionne comme une alternative renouvelable au gaz fossile (qui assure environ 40% des besoins en chauffage des logements français), le développement à plus grande échelle de sa filière représente une réelle opportunité pour soutenir notre transition énergétique.

En France, certaines régions révèlent déjà d’un vrai dynamisme dans le développement de cette filière. En l’occurrence, les Pays de la Loire se présentent comme une région pionnière dans le développement de la méthanisation. En effet, cette région a accueilli, en 2014, l’un des premiers sites français de méthanisation qui est le site AgriBioMéthane.

Aujourd’hui, en Pays de la Loire, 17 sites fonctionnels injectent 302 GWh de biométhane par an dans le réseau exploité par GRDF, soit l’équivalent de la consommation annuelle de plus de 50 000 logements neufs chauffés avec ce gaz vert. En outre, 70 projets d’injection sont actuellement suivis par les équipes de GRDF dans la région. Les projections montrent que près de 400 000 logements ligériens pourront ainsi bénéficier de cette énergie d’ici 5 ans.

Et depuis peu, la région accueille également un site de méthanisation parmi les plus innovants du pays : le site Métha Treil, installé à Machecoul, qui est la première unité de production de biométhane en France qui capture le CO2 lié à son activité.

Avec une production estimée entre 15 000 et 18 000 tonnes de CO2 dans l’année, on estime que les revenus issus de sa valorisation devraient représenter 15% des revenus de l’exploitation.

Erwan Bocquier, agriculteur et propriétaire du site qui accueille Métha Treil


Métha Treil : 100 jours pour faire du biométhane

Le projet de méthanisation situé à Machecoul est porté par trois agriculteurs (Le Gaec Treil et la Earl Pilet) et deux maraîchers (la SAS Pom’Retz et la SAS Retz-Charles) qui se sont associés pour créer la SAS Métha Treil. Le site, composé de deux digesteurs, un post-digesteur et une installation destinée à capter le CO2, prend place sur l’exploitation de 540 hectares d’Erwan Bocquier, un exploitant laitier déjà engagé dans la réduction de l’impact écologique de son activité.

En effet, avant d’y accueillir un site de méthanisation, son exploitation était déjà autosuffisante en électricité grâce à la mise en place de panneaux solaires photovoltaïques. Ainsi, l’installation d’un site de méthanisation sur son exploitation était pour lui l’occasion de renforcer son engagement.

Les intrants utilisés par le site sont majoritairement agricoles : ils proviennent à 70% de fumiers, lisiers et ensilages, à 10% de CIVE (Cultures Intermédiaires à Vocation Energétiques qui sont implantées et récoltées entre deux cultures principales dans une rotation culturale), et le reste de productions maraîchères déclassées telles que les tomates ou les pommes de terre.

Lire aussi : la nécessaire adaptation du réseau de gaz à l’arrivée du biométhane

Déchets méthanisation
Dans le contexte de la crise sanitaire, Métha Treil a passé un partenariat avec le MIN de Nantes afin de valoriser les invendus, notamment la mâche.


Alors que le lisier est envoyé au méthaniseur directement par un système de pompage à la sortie de la stabulation des vaches laitières, les autres déchets organiques passent par un broyeur avant de rejoindre un des digesteurs, en fonction des capacités de remplissage de ceux-ci.

Au sein des digesteurs, on y retrouve le même mécanisme que le compost : un phénomène de fermentation dans une cuve à une trentaine de degrés qui produira comme résidu du digesta, un engrais naturel. Le but étant de capter le plus de gaz possible issu de cette fermentation. Ce gaz est composé en grande partie de méthane mais aussi de CO2 et d’un peu de souffre qui devront par la suite être filtrés.

Au total, le circuit de la soupe organique, du digesteur au post-digesteur, dure 100 jours, même si selon les responsables du projet, le processus de méthanisation est abouti à 95% au bout de seulement 55 jours. Or, pour être injecté dans le réseau gaz, le biométhane doit être épuré au moins à 98%, ce qui laisse espérer la mise en oeuvre d’un circuit encore plus court à l’avenir.

Métha Treil permet chaque année de revaloriser près de 20 000 tonnes de déchets organiques qui permettent de produire 11 millions de kWh/an de biométhane soit l’équivalent de la consommation annuelle de 1 830 maisons neuves.

source : GRDF
Digesteur / Post-digesteur
A gauche un des deux digesteurs, à droite le post-digesteur


Le captage du CO2, une première en France

Si la production de biométhane possède des avantages écologiques évidents (valorisation de biodéchets, production de digesta) le site Métha Treil, en ajoutant à ce système une technologie permettant de capter le CO2 issu de cette production d’énergie, renforce d’autant plus ses avantages.

En effet, dans un système de méthanisation classique (sans captage du CO2), une partie du CO2 s’échappe dans l’atmosphère et une autre est captée par des systèmes à charbon qui viennent le filtrer. Le cycle de carbone est alors neutre puisque les plantes, qui vont servir de déchets organiques dans le système ont capté du carbone pendant leur croissance, et c’est donc celui-ci qui va repartir à l’atmosphère durant le processus de méthanisation.

Mais avec le processus de captage du CO2 du site de Machecoul, on parle d’un bilan carbone négatif car on empêche ce carbone de repartir dans l’atmosphère. De plus, le captage du CO2 dans le processus de méthanisation représente un espoir pour valoriser davantage la filière de méthanisation. Une fois dissocié du méthane, puis comprimé, asséché et refroidis, le CO2 est liquéfié et peut ensuite être vendu et représente donc une retombée économique positive pour les agriculteurs.

Alors que le cycle carbone d’un système de méthanisation classique est neutre, avec le processus de captage du CO2 il devient alors négatif puisque c’est autant de CO2 qui ne repart pas dans l’atmosphère.

Christelle Rougebief, directrice Clients Territoires Centre-Ouest GRDF


Dans le cas de Métha Treil, ce CO2 liquéfié est amené par camion aux maraîchers partenaires afin de représenter un apport nutritionnel pour favoriser la croissance de leurs plantes notamment des tomates. Le CO2 issu de la méthanisation du site de Machecoul permet de la sorte d’alimenter 15 hectares de serres. Pour être utilisable par les maraîchers, ce CO2 doit être pur à au moins 99%. Le CO2 de Métha Treil est lui pur à 100% et est donc en cours d’homologation alimentaire.

Alors que les coûts d’installation d’une telle technologie de captage de carbone ont été de 1 million d’euros pour le site de Machecoul (+5 millions d’euros pour le système de méthanisation, investissement soutenu par GRDF, l’Ademe et la Région Pays de la Loire), le retour sur investissement pour la partie CO2 est estimé à 9 ans. Le revenu issu de la valorisation de celui-ci devrait représenter à terme 15% des revenus de l’exploitation avec une production estimée de 15 00 à 1800 tonnes de CO2 dans l’année.

Captage CO2
Technologie qui permet à Métha Treil de récupérer le CO2 lors du processus de méthanisation


Enfin, cette innovation de captage du CO2 offre aussi de nouvelles perspectives. Par exemple, alors que certains programmes de production d’hydrogène à partir des surplus d’éolienne se développent, la problématique réside dans le transport de l’hydrogène car on ne sait pas encore exactement comment l’acheminer. En le combinant avec le CO2 récupéré du processus du méthanisation, il serait possible de faire du méthane de synthèse et il pourrait ainsi être transporté par les canalisations existantes du réseau gaz.

Sur le site de Machecoul, la valorisation du CO2 est mise en place depuis 3 mois et représente une première en France. De nombreux sites attendent les résultats de cette exploitation pour eux aussi se lancer. Une innovation du système de méthanisation qui pourrait bien contribuer au développement de la filière. Mais pour se faire, ce développement devra aussi être accompagné d’une sensibilisation des riverains à la filière car celle-ci fait face à de nombreuses barrières psychologiques ainsi que d’un alignement des prix du biométhane et du gaz naturel afin de rendre ce premier compétitif.

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