La société Agribiométhane est un bel exemple de la manière dont les agriculteurs peuvent oeuvrer à la préservation de l’environnement en entremêlant agriculture et transition énergétique. Cette entreprise a été fondée par 4 exploitations agricoles en région Pays de la Loire, réunissant 10 agriculteurs qui se sont intéressés, dès l’année 2012, à une manière écologique de valoriser leurs déchets agricoles. Il s’agit de l’un des pionniers français en matière de production de biométhane.

Leur unité de production de biométhane, installée à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée, produit l’équivalent de 10,4 GW d’énergie verte par an. Soit de quoi faire rouler annuellement 800 véhicules légers au GNV. Cela représente aussi la consommation en chauffage de l’équivalent de 1 200 logements neufs. Ce biométhane est issu de la valorisation des effluents de leurs élevages, soit 16 000 mètres cubes par an de lisier et de fumier. Agribiométhane ajoute également à sa « recette » 6 000 mètres cubes de sous-produits alimentaires issus d’un industriel local.


Engrais et BioGNV : des déclinaisons en circuit-court

Cette logique propre à l’économie circulaire, en circuit-court, permet ainsi d’injecter du gaz vert dans les réseaux de GrDF, qui s’engage d’ailleurs pleinement dans le développement de la filière Biométhane en France. Mais les gérants d’Agribiométhane ne s’arrêtent pas là. Ils valorisent également les digestats (les restes après production) en engrais organiques liquides qu’ils peuvent épandre sur leurs sols. Les 4 exploitations ont ainsi réduit de moitié leur utilisation d’engrais chimiques, soit une économie d’environ 75 tonnes chaque année depuis 2014.

Depuis 2017, ils sont allés plus loin en créant une station de BioGNV à 300 mètres de leur unité de production. 23% du gaz vert qu’ils produisent permet ainsi de faire rouler leurs camions et voitures, mais aussi ceux des industriels locaux, à l’image du transporteur Delanchy ou encore des ambulances Jussieu. Le BioGNV émet environ 80% de CO2 en moins par rapport au Diesel, ce qui en fait une filière intéressante pour décarboner le secteur automobile. « On fait rouler nos voitures grâce aux bouses de nos vaches » s’amuse ainsi Damien Roy, l’un des fondateurs d’Agribiométhane.

Cette pratique offre divers avantages aux agriculteurs : réduction des gaz à effet de serre, gestion circulaire des déchets, préservation des sols et surtout, gain économique. Car si la création de cette unité a nécessité un investissement d’environ 3,4 millions d’euros, ces agriculteurs ligériens ont aussi trouvé une manière fiable de compléter et diversifier leurs revenus grâce à la méthanisation. Dans une période empreinte d’Agribashing, c’est aussi une manière de prouver que de nombreux agriculteurs s’engagent pleinement dans la transition écologique.


Le biométhane, une énergie renouvelable sous-estimée ?

La région Pays de la Loire mise beaucoup sur cette énergie. Le Biométhane représentera 16% du gaz injecté dans les réseaux de la région dès 2023, soit la consommation annuelle d’environ 144 000 logements. Le territoire compte aujourd’hui une dizaine de sites actifs et 9 sites en construction. En matière d’emploi, la filière devrait permettre la création sur le territoire d’un millier d’ETP d’ici 2030. D’après le Syndicat des Energies Renouvelables, le biométhane pourrait d’ailleurs être à l’origine de 100 000 emplois en France dans les 10 ans à venir.

Pourtant, si les biogaz se développent – à l’image de ce que propose par exemple la start up Waga Energy – cette manne d’énergie renouvelable est encore peu valorisée dans le débat public. La production de Biométhane est en effet encore plus chère que le solaire ou l’éolien, et pas autant à maturité que ces technologies. Mais elle présente d’autres avantages : pas d’intermittence dans la production, possibilité de stocker le gaz renouvelable, et valorisation des territoires agricoles français.

Les acteurs de la filière, tout comme GrDF, portaient d’ailleurs un objectif de 30 % de biométhane injecté dans les réseaux de gaz en 2030. La LTECV (Loi de transition Énergétique pour la Croissance Verte), publiée en 2015, prévoyait de porter la part de cette énergie renouvelable à 10 % de la consommation de gaz d’ici 2030. La nouvelle PPE (Programmation pluri-annuelle de l’énergie) présentée en janvier 2020 abaisse encore ce chiffre à 7%.

Une ambition qui semble bien modeste au vu du potentiel que représente pourtant cette énergie, à la fois pour l’environnement mais aussi pour les agriculteurs français. Même l’ADEME estime que cette filière pourrait rendre la France 100% autonome en gaz vert d’ici 2050. En attendant, les initiatives comme celle d’Agribiométhane se multiplient. Au plus grand bonheur de nos agriculteurs et de l’environnement.

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