Pour Nathaniel Beaumal, en 2017, il y a le constat que les terres de chantiers, alors qu’elle ont mis des millions d’années à se créer, sont considérées comme coûteuses à traiter, inutiles, voire considérées comme des déchets. Un gaspillage qui n’a plus de sens aujourd’hui alors que les ressources naturelles sont de plus en plus rares.
Ingénieur du BTP de formation, Nathaniel Beaumal s’associe alors avec Pierre Anfray, un agriculteur spécialiste en fertilité biologique qui a créé un bureau d’études pour conseiller les agriculteurs sur les manières d’améliorer les pratiques agricoles et les rendements via la vie du sol. La société URP – pour Urban Resilience Platform – complète l’équipe en s’occupant de l’informatisation des process et de la gestion des données.
Le trio lance Terra Innova en 2018, avec l’objectif de rendre cultivables des terres de chantier. L’entreprise récolte ainsi la terre auprès des professionnels du BTP, et la livre ensuite à des agriculteurs locaux qui en ont besoin pour différents ouvrages.
Des circuits de proximité entre professionnels du BTP et du monde agricole
95% de l’activité de cette startup porte ainsi sur l’amélioration et la régénération des terres agricoles, l’exhaussement de sols et la création de haies bocagères sur des talus. Le reste est complété par une petite activité paysagère. « Le principe reste toujours le même, qui est d’utiliser de la terre qui aurait été gaspillée pour améliorer un sol agricole ou recréer un paysage plus résilient » précise le co-fondateur de l’entreprise.
Les terres collectées sur des chantiers, excavées pour construire des parkings ou des immeubles, sont transportées à proximité, généralement à moins de 15 km, dans une logique de circuits de proximité. « On a un service d’ingénierie et de mise en relation avec une offre à tiroirs. Le premier forfait est à faible coût pour caractériser le gisement de matériaux. On fait ensuite tout le démarchage d’agriculteurs, la définition des solutions techniques, l’encadrement et le suivi qui sont facturés à la réussite, au prorata de ce qui est trouvé » ajoute Nathaniel Beaumal.
Du fait d’un coût de recyclage des terres agricoles inférieur au coût d’évacuation de la terre quand elle est considérée comme un déchet (environ 15 euros le m3 pour le transport et l’enfouissement), la solution à de quoi séduire les professionnels du bâtiment. Elle permet aussi de faire un pas en avant dans la mise en place d’économies circulaires et de circuits de proximité entre les professionnels du bâtiments et du monde agricole.
Découvrez notre dossier thématique : Construction durable, quels matériaux pour la ville de demain ?
Des techniques innovantes qui s’améliorent en continu
Pour cela, Terra Innova effectue un vrai travail qui passe notamment par une gestion agronomique des terres de chantiers avant de les livrer aux agriculteurs. « Au démarrage, la technique a été d’apporter la terre directement du chantier chez l’agriculteur, sans passer par une zone intermédiaire de stockage » explique l’entrepreneur. « Aujourd’hui, nous sommes en train d’établir des partenariats avec des plateformes pour stocker temporairement la terre et l’améliorer par la même occasion. »
L’informatisation et la gestion des données est également essentielle au fonctionnement de ce projet, notamment pour garantir une traçabilité des terres. Les terres issues d’un même chantier peuvent être dispersées sur 10 à 15 parcelles agricoles différentes et il faut évidemment pouvoir maîtriser cette dispersion afin de limiter les risques de pollution des nappes phréatiques ou des cours d’eau.
Le savoir-faire de Terra Innova intègre aussi des conseils sur les cultures que l’agriculteur pourra lancer les années qui suivent l’enrichissement de son champ et garantir une vraie régénération des sols. En R&D, il y a encore des points d’amélioration à trouver pour valoriser un panel de terres de plus en plus large.
Un déploiement à l’international d’ici 2 ans
Accompagnée à son démarrage par l’IMT Atlantique et Atlanpole – un acteur incontournable de l’innovation dans le grand Ouest – et épaulée par différents réseaux dont Novabuild et l’accélérateur LafargeHolcim, la jeune entreprise évolue rapidement et commence à se déployer sur toute la France.
À ce jour, près de 350 000 m3 de terres excavées ont été valorisées en terres agricoles et elle est présente en Pays-de-la-Loire, Bretagne, Centre Val-de-Loire, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine. Terra Innova vient d’être récemment sollicitée par la commune de Marcoussis, dans l’Essonne. « La commune souhaite installer du pâturage ovin sur un parc photovoltaïque. Nous travaillons sur la manière de lancer ce pâturage sur un site dont le sol est très anthropisé, énormément remanié par l’homme. Il n’est donc pas propice à la mise en place d’une prairie de pâturage. C’est très technique, et grâce à l’apport de terre très qualifiée nous apportons une solution agronomique là où il n’y en aurait pas eue. »
Composée de 12 collaborateurs, dont 7 ingénieurs agronomes, l’entreprise devrait s’élargir au cours de l’année à venir, et cherche à s’étendre à l’international à partir de 2022 ou 2023, en commençant par les pays les plus proches tels la Suisse, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Pologne.