Fin 2019, le Los Angeles Times rapportait dans ses colonnes les résultats d’une étude, menée en Californie, qui a démontré que l’usure des pneus de voiture était la source principale de pollution aux microparticules de plastique dans la baie de San Francisco.

L’usure des pneus, à chaque freinage ou accélération, laisse en effet sur le sol des fibres ou particules de gomme qui sont ensuite balayées par le vent, mais surtout par la pluie, et qui basculent donc dans les fossés et les égouts. Elles terminent ainsi généralement dans les cours d’eau, puis les mers et océans.

Cette étude, menée durant 3 ans par le San Francisco Estuary Institute et l’ONG 5 Gyres Institute visait à dresser un inventaire précis (à partir de 400 points de collecte) des plastiques retrouvés dans les eaux de la baie, où vivent 7 millions d’Américains. Elle montre qu’en proportion, le nombre de microparticules de plastique liés aux pneus de voiture dans la baie de San Francisco serait 300 fois supérieur aux particules qui proviennent des vêtements ou de l’industrie cosmétique.

Fabriqué à partir de matériaux qui proviennent en grande partie de l’industrie pétrochimique, les pneumatiques représentent une importante source de pollution à laquelle il existe peu d’alternatives. Certains fabricants, à l’image de Continental, investissent massivement dans la recherche afin de concevoir un pneu du futur qui soit durable. En France, Michelin table sur deux hypothèses : l’utilisation de biomatériaux, mais aussi la conception – grâce aux imprimantes 3D – de pneus dont la durée de vie serait plus importante.


400 millions de pneus en moins chaque année

En France, le taux de collecte des pneus est remarquable (99 % en 2016). Cela s’explique par le fait que leur mise en décharge est interdite et, grâce au concept des filières REP, que les manufacturiers ont l’obligation de les récupérer.

Par ailleurs, ces pneus collectés sont réutilisés. 45% d’entre eux servent de combustible, essentiellement pour les cimenteries. 30% sont réutilisés pour construire des revêtements d’aire de jeux ou de terrains de sport. Enfin, 18% des pneus sont rechapés (c’est à dire qu’on remplace la bande de roulement afin qu’ils puissent équiper de nouveaux véhicules)

C’est d’ailleurs la piste de la durée de vie qui est creusée en priorité par de nombreux constructeurs pour réduire l’empreinte écologique de leur pneumatiques. En France, par exemple, la loi interdit de circuler avec des pneus dont les rainures sont d’une profondeur inférieure à 1,6 mm. Pourtant, en moyenne, les conducteurs français changent de pneumatiques alors que la rainure est encore de 3,1 mm.

D’après le fabricant Michelin, si tout le monde allait jusqu’à la limite légale, cela permettrait d’utiliser 400 millions de pneus en moins chaque année, dont près de 120 millions en Europe. Si cette perspective aurait un réel impact d’un point de vue écologique, c’est malgré tout à mettre en balance avec la question sécuritaire. À quel point des pneus usés jusqu’à la limite légale représentent ou non un danger ?

Les marques Michelin et Goodyear s’orientent ainsi vers un autre créneau : des pneus inusables, voire increvables. Les deux marques présentaient déjà il y a quelques années des prototypes de pneus imprimés en 3D, composés de mousse ou inspirés du corail, qui devaient être plus durable. La firme française a également présenté l’année dernière un pneu baptisé Uptis qui fonctionne sans air et qui serait donc increvable.


Ecorces d’agrumes, huile de tournesol et sucre

« D’ici à 2050, 80 % des matières premières utilisées dans nos pneus seront durables » précisait l’année dernière Florent Menegaux, successeur de Jean-Dominique Senard à la tête du groupe Michelin. Aujourd’hui le pétrole est en effet omniprésent dans la conception des pneus.

Une alternative naturelle existe cependant, grâce à la culture de l’hévéa, dont est extrait le latex qui donne le caoutchouc naturel. Cependant, 90% des cultures d’hévéa sont situées en Asie. Pour les manufacturiers européens, cette dépendance ne serait donc pas idéale à la fois en matière de coût mais aussi d’un point de vue écologique, par rapport au transport. Dès lors, des alternatives émergent petit à petit. À l’image du fabricant Pirelli, qui travaille par exemple sur un caoutchouc naturel issu du guyale, une plante mexicaine.

De son côté, Michelin mise sur le sucre pour créer du Butadiène. Aujourd’hui issu du pétrole, le butadiène est un composé utilisé, entre autres, pour la fabrication de caoutchouc synthétique. À travers le monde, les industriels en consomment plus de 12 millions de tonnes par an, dont environ 40 % dans la production des pneumatiques.

Initié fin 2012 avec Axens et l’IFPEN (un organisme de recherche), son projet BioButterfly a pour objectif de produire du butadiène à partir d’éthanol extrait de la biomasse. En l’occurence via la betterave sucrière par exemple. Le sucre extrait de ces plantes est ainsi transformé en alcool qui va donner par réaction chimique un élastomère qui peut remplacer le butadiène issu de la pétrochimie.

Entre autres alternatives pour remplacer les composants qui permettent la fabrication des pneus, on retrouve aussi des alternatives comme de la résine issue d’écorces d’agrumes ou encore l’huile de tournesol. Le plus intéressant reste probablement l’utilisation du pissenlit.


Du caoutchouc à base de pissenlit

En 2014, Continental a présenté à l’occasion du salon de Hanovre, un prototype pneu en caoutchouc issu du pissenlit. Baptisé Taraxagum, il tire son nom du latin taraxacum, appellation botanique du pissenlit.

Pour réaliser ce pneu, l’entreprise s’est appuyée sur une variété de pissenlit qui pousse majoritairement en Russie. À terme, l’utilisation de ce caoutchouc naturel pourrait permettre la conception de pneus sans utiliser de dérivés du pétrole. L’entreprise travaille toujours à l’industrialisation de ce pneu écologique. Après avoir présenté un prototype en 2014 puis un second en 2016, Continental a injecté 35 millions d’euros en janvier 2019 dans un laboratoire R&D destiné à faire décoller ce projet.

La firme estime qu’ils pourraient être fabriqués en série dans les 10 ans qui viennent. Le principal sujet à traiter concerne le rendement de cette plante, qui est dix fois moins élevé que l’hévéa.

La startup à découvrir

La vie est Belt est une jeune entreprise qui existe depuis maintenant 2 ans et qui fabrique notamment des ceintures grâce à du caoutchouc recyclé. Après avoir démarré avec les lances à incendie des pompiers, puis les pneus de vélos, la jeune marque recycle désormais les pneus de voitures. Basée dans les Hauts-de-France, la société a revalorisé 3 tonnes de caoutchouc depuis sa création en 2017. Elle compte aujourd’hui 3 salariés. Un bel exemple d’upcycling.