Issus du département rural du Lot-et-Garonne (47) et familiers des problématiques des producteurs, les trois fondateurs de la jeune société Marché d’ici ont établi le constat suivant : le système de consommation actuel promeut des produits standardisés qui relèguent les spécialités du territoires français en arrière-plan. Ce même modèle ôte aux producteurs leur capacité à choisir leur prix. De plus, la provenance des produits vendus est souvent floue.
Pour couronner le tout, ce modèle prône une approche qui n’est pas soutenable pour l’environnement : les producteurs, pour dégager des revenus suffisants, sont contraints de travailler sur des effets volumes qui fragilisent les sols et qui peuvent bafouer le bien-être animal. C’est précisément pour corriger tous ces travers, qu’en 2015, les quatre associés ont commencé à développer « un nouveau système de distribution qui connecte la campagne aux villes » selon les mots de Romain Capelle, président de Marché d’ici.
Sortir des circuits traditionnels pour répondre aux demandes des « consom’acteurs »
Marché d’ici est donc une entreprise qui développe un marketplace de produits alimentaires locaux sur le modèle des circuits-courts. L’objectif est de mettre en relation les consommateurs et les producteurs. Cette proximité permet une plus grande transparence et tire vers le haut la qualité des produits. En effet, les consommateurs ayant une relation bien plus directe avec les producteurs que dans les circuits traditionnels, deviennent des « garde-fous de la qualité, du respect du bien-être animal, du respect des sols. » selon Romain Capelle.
En sortant des circuits de distribution traditionnels, la plateforme Marché d’ici fait signer aux producteurs une Charte qui les engage à respecter des critères strictes, garants de produits français de qualité. La plateforme va beaucoup plus loin que ce qui se fait traditionnellement sur les questions de traçabilité. Les producteurs doivent fournir l’origine des ingrédients de chaque produits, 2/3 des ingrédients principaux doivent être français. Les produits de cultures sont par exemple obligatoirement semés, cultivés, récoltés et conditionnés en France. Une volonté de garantir l’origine des produits qui plaît aux consommateurs et qui se reflète à travers une tendance récente.
Ce modèle de vente en ligne profite également aux producteurs et aux artisans. « Le but c’est d’apporter le plus de solutions aux producteurs afin qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur travail » explique Romain Capelle. Marché d’ici permet de simplifier l’activité des producteurs en prenant en charge l’activité d’acheminement et de vente des produits. En bref, les producteurs n’ont qu’à préparer les cartons, la plateforme s’occupe de tout le reste : transport, vente, gestion des éventuels litiges lors des livraisons…
Découvrez plus de 1 000 entreprises engagées pour l’environnement dans notre annuaire de la transition écologique
Rendre la fierté de leur travail aux producteurs
Marché d’ici permet aussi une meilleure rémunération des producteurs. En proposant un modèle de vente directe et donc en supprimant les distributeurs des chaines de valeurs alimentaires traditionnelles, l’entreprise propose directement les marges dégagées de la vente aux producteurs. Là où les réseaux classiques prennent 40 à 50% de commission sur les ventes, le modèle pensé par Marché d’ici rend aux producteurs 85% du montant du panier, hors transports. Une politique qui doit permettre « d’amener de la richesse dans les campagnes pour qu’elles puissent avoir les moyens de réaliser la transition écologique » explique le Président de l’entreprise.
Enfin, concernant les producteurs, le nouveau lien qui les uni aux consommateurs leur permet de développer une activité en accord avec ce qu’ils considèrent être un modèle vertueux. Plutôt que de devoir produire en (trop) grandes quantités, des produits de faible qualité sur des territoires largement transformés, les producteurs peuvent travailler comme ils le souhaitent. Romain Capelle explique qu’ils sont ainsi « incités à revenir à l’envie qu’ils avaient au moment où ils se sont installés ».
Du côté de l’offre proposée par Marché d’ici, l’objectif est de permettre à tous les européens de pouvoir consommer une grande variété de produits issus de nos territoires. Dans les faits, 98% des consommateurs habitent en France ou en Belgique, ils sont majoritairement urbains. La plateforme propose toujours en premier lieu les producteurs les plus proches du lieu de commande, afin de réduire les distances parcourues par les aliments. Le transport est également un élément central de la politique de l’entreprise. Les fondateurs ont privilégié des transporteurs véritablement engagés, chez lesquels ils ont senti qu’une direction écologique sincère était prise.
Le but est d’amener de la richesse dans les campagnes pour qu’elles puissent avoir les moyens de réaliser la transition écologique
Le défi de la visibilité
À l’origine l’inscription sur la plateforme était gratuite pour les producteurs et artisans. Malgré un lancement réussi et des retours positifs, les équipes de l’entreprise se sont rendu compte que certains producteurs manquaient de visibilité. Pour résoudre ce problème, Marché d’ici a fait évoluer son offre en proposant depuis cette année, un service d’accompagnement pour la communication, facturé 70€ par mois. Une proposition qui est en cohérence avec la volonté, déjà énoncée, de permettre aux producteurs de se concentrer sur leur activité.
En guise de témoin de la cohérence et de la réussite de son modèle, Marché d’ici revendique 600 boutiques actives (au moins un produit à la vente) sur son site. Côté consommateurs, ils sont 4 000 à être considérés comme clients réguliers (une commande par trimestre au moins). Au total, ce sont entre 10 000 et 15 000 personnes qui ont déjà eu recours au site pour passer commande.
L’entreprise qui compte 13 salariés permanents, a pu compter sur l’aide de la région Nouvelle-Aquitaine au début du projet. Pour le reste, la société s’est développée sur de l’autofinancement. En termes de modèle économique, Marché d’ici prélève 10% sur le montant des paniers. 2% de cette somme finance les frais bancaires. Au final il reste en moyenne à peu près 8% pour l’entreprise. « Notre ambition c’est de vivre de notre travail et d’inventer un nouveau système de distribution, pas de chercher un enrichissement particulier » justifie Romain Capelle.
Pour l’avenir, Marché d’ici a décidé d’être labellisé entreprise solidaire et sociale afin de matérialiser son engagement. Maintenant que le modèle fonctionne, la société cherche à étendre sa visibilité afin de faire de son système une alternative identifiée par le plus d’acteurs possible. De par ses valeurs et sa volonté de repenser la supply chain, Marché d’ici partage un combat menés par des entreprises de plus en plus nombreuses.