Les Horizons : Christophe Breuillet pouvez-vous nous expliquer comment est né le programme Toaster Lab ?

Christophe Breuillet : Toaster Lab est un programme d’accélération sans murs, pas un incubateur. Nous ne faisons pas d’hébergement de startups dans nos locaux. Il a vu le jour parce qu’en 2016 beaucoup de startups hébergées et accompagnées ailleurs, et adhérentes de Vitagora, sont venues nous voir. Elles nous ont fait part du fait qu’au-delà de l’accompagnement qu’elles avaient à la levée de fonds, elles trouvaient en Vitagora un écosystème hyper favorable à leur développement qui, s’il était plus structuré, pouvait leur permettre d’accélérer leur industrialisation et leur mise en marché.

Courant 2016, elles m’ont demandé de réfléchir à la création d’un programme dédié à l’accompagnement de startups, en synergie avec l’accompagnement qu’elles avaient déjà par ailleurs. À quelques mois d’intervalle, beaucoup de grands groupes agroalimentaires et de la Tech nous ont demandé de nous pencher sur l’écosystème des startups. Ils voulaient qu’on les aide à décrypter la mouvance French Tech, pour mieux faire le lien avec les startups qu’elles ne comprenaient pas trop.


Quel modèle avez-vous mis en place alors ?

En étudiant la question et en regardant ce qui se faisait dans le monde et en France j’ai constaté qu’il y avait beaucoup d’accélérateurs qui prenaient de l’equity ou qui accompagnaient des startups avec la mise à disposition de locaux. Et finalement aucun programme à l’époque ne s’intéressait à la réussite de la startup et à l’accélération de son industrialisation et de sa mise en marché.

Chez Vitagora nous avons voulu avoir une approche différente, avec une barrière à l’entrée. Les startups payent pour entrer dans notre programme et nous ne prenons pas d’equity. Mais nous leur garantissons l’accès au marché avec le développement de leur CA ce qui, d’une certaine manière, leur permet de réduire leurs levées de fonds.

D’un point de vue marketing, si ça avait été plus joli, nous nous serions appelés le « réducteur de levées de fonds »


Sauriez-vous définir la raison d’être de Toaster Lab ?

Notre raison d’être c’est d’adosser la startup au réseau de Vitagora pour accélérer son industrialisation et sa mise sur le marché. Cet adossement au réseau est notre grande force. On arrive à ouvrir des portes que d’autres ne peuvent pas ouvrir.


Quelles sont les spécificités de Toaster Lab par rapport à d’autres accélérateurs ?

Nous sommes l’unique programme d’accélération adossé à un réseau de 550 membres. C’est un pôle de compétitivité qui donne accès à la fois à des structures de recherche académique, à des laboratoires privés et à des grands groupes. C’est aussi un réseau international qui permet, pour une startup qui par exemple s’intéresse au marché japonais, d’être en relation avec le groupe Suntory.

Je viens du monde du privé et je suis sensible au fait qu’un euros de CA est plus intéressant qu’un euro de levée de fonds


Comment se déroule ce programme d’accélération ?

Il se déroule en deux mois, le programme est dense avec toutes les semaines des sessions d’accélération avec des mentors, des experts dans chacun des domaines qui sont utiles à la startup. Les startups se rencontrent à Dijon, où est Vitagora, à Paris en louant des salles, ou encore chez certains de nos membres. Par la suite, chaque startup bénéficie de dix mois de post accélération pendant lesquels elle est suivie par un chargé de mission de Vitagora qui lui ouvrira des portes selon ses besoins.

Les appels à candidatures sont ouverts tous les trois mois environ et la taille des promotions varie de 2 à 7 projets. On ne s’oblige pas à prendre un nombre défini de startups, on ne prend que les meilleures, celles que nous sommes susceptibles d’accompagner.


Toaster Lab s’adresse uniquement à des startups ?

Nous sommes majoritairement sur des startups, ce qui signifie que l’entreprise est déjà créée, avec au moins une preuve de concept (POC), et on doit sentir qu’il y a un frémissement sur le marché pour ce concept. Mais on a aussi accompagné quelques PME qui étaient en croissance et qui voulaient se diversifier sur certains modèles d’affaires. Elles avaient besoin d’un accompagnement pour sécuriser leur évolution sur cette diversification.

Sur les 48 startups accompagnées depuis 2017, seulement deux ont connu des défaillances


Quelles sont les spécificités des projets que vous accompagnez ?

Les entreprises accompagnées s’intéressent à la filière agroalimentaire, mais ça peut être des startups qui viennent de la Tech. Par exemple, Scan Up, quand ils sont venus pitcher la première fois, ils avaient une technologie mais ne connaissaient rien de la filière agroalimentaire. C’est justement ce qu’ils venaient chercher auprès de Toaster Lab. Au bout de deux mois d’accélération chez Toaster Lab, ils avaient déjà 200 000 euros de chiffre d’affaire et des commandes passées.


Quels sont les bénéfices que les startups retirent de l’accélération Toaster Lab ?

Les bénéfices sont très dépendants de chaque startup. Mais si on veut les qualifier, c’est d’abord leur donner accès à une expertise pointue en fonction de leurs besoins, et d’avoir le réseau qui leur permet de se développer. Un industriel qui leur passe commande ou qui s’adosse à leur technologie ; un distributeur qui s’intéresse à leur produit parce qu’il leur est recommandé par Vitagora. Le bénéfice est pluriel, mais il porte vraiment sur le développement et l’acquisition de chiffre d’affaires très rapidement, plus rapidement que dans d’autres structures.

Pour la dernière promotion, on a eu une quarantaine de candidatures et on n’en a sélectionné que deux


Avez-vous quelques success stories à nous raconter ?

À l’époque, c’était encore au sein de Vitagora, on a accompagné Ynsect, et on voit le parcours qu’ils ont fait en 10 ans depuis. Sur Toaster Lab je peux vous parler de Kuantom, Scan Up ou d’autres, ce sont des startups qui avaient une idée, un POC et s’interrogeaient sur leur modèle d’affaires. On a pu les accompagner grâce au réseau et à tous les mentors. Ce sont de belles réussites et de belles aventures humaines.

Il y a Graine de choc qui fait des pâtes à tartiner à base de protéagineux. On a plein de belles réussites. Mais c’est vraiment très compliqué d’en présenter une plutôt qu’une autre. Sur les 48 startups accompagnées, seulement deux ont connu des défaillances. Nous avons un très bon taux de succès. Il faut rappeler que nous avons des taux de sélection à l’entrée qui sont parfois sous les 10% des candidatures.


Quelles sont les tendances qui se dessinent dans le secteur de l’alimentaire ?

Dans la FoodTech, c’est vraiment tout ce qui touche à la naturalité, à refaire des produits sains, en accord avec les attentes des consommateurs. Ou encore apporter des technologies qui permettent de le faire. Certaines startups candidatent aussi pour porter des solutions en agroécologie, d’autres visent à améliorer les emballages, ou encore à proposer des solutions de traçabilité, de blockchain.

Améliorer le bien-être des consommateurs par une alimentation durable, c’est le credo de Vitagora


Quelles sont vos perspectives sur les court et moyen termes ?

Aujourd’hui on vient nous chercher à l’international pour développer le programme Toaster Lab dans d’autres écosystèmes. On est reconnu pour notre modèle, qui est original et qui a fait ses preuves. Et certains pays d’Afrique de l’Est, l’Ukraine et le Canada nous demandent de les accompagner sur ces sujets-là. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les Japonais, et début septembre nous avons ouvert un bureau de Vitagora au Japon.

La méthodologie que nous avons développée avec Toaster Lab est unique dans son application, mais elle ne nous appartient pas. L’internationalisation a pour but d’accompagner, en synergie avec nos partenaires étrangers, des startups dans notre domaine d’activité. On peut aussi faire des échanges croisés entre partenaires étrangers, l’idée c’est de mailler avec la même méthodologie d’approche en « non for profit ».

Une grosse partie de Toaster Lab que nous allons développer s’appuie sur le vivier de startups, celles accompagnées et celles qui ont candidaté. Il intéresse des grands groupes, qui ne sont pas que dans l’agroalimentaire. Ils sont aussi intéressés par des méthodologies d’intrapreneuriat qu’on a développées.

On permet aussi à certains grands groupes de suivre spécifiquement une ou deux startups pour le compte de leur business. On vend ces prestations sous forme d’accompagnement individualisé en s’appuyant sur la méthodologie Toaster Lab et Vitagora.

À lire également