Le meilleur déchet étant celui qu’on ne produit pas, la philosophie à l’origine de la vente en vrac est de mettre fin à l’utilisation d’emballages jetables à usage unique, qu’ils soient en plastique, papier ou carton. Encore confidentiel il y a quelques années, le secteur est aujourd’hui en plein essor et rencontre un véritable succès auprès de la population. « Le vrac est loin d’être un micro phénomène. Il est rentré dans les habitudes régulières de 5,4 millions de foyers français« , précisait en mars dernier Isabelle Kaiffer, directrice études consommateurs chez Nielsen, à l’occasion de la publication du bilan du marché du vrac en 2020 par Nielsen et le Réseau Vrac.

Mais si du point de vue des consommateurs, la vente en vrac permet effectivement de réduire la quantité de déchets d’emballages, ce n’est pas encore le cas en amont de la filière, entre les enseignes et leurs fournisseurs. Pour répondre à cette problématique, l’association Réseau Vrac, qui fédère les professionnels du secteur, a mené en début d’année une expérience baptisée « Hub vrac » afin que les magasins puissent être livrés dans des contenants réutilisables. Une performance logistique qui a donné satisfaction sur le plan opérationnel. Reste désormais à trouver un modèle économique adapté au secteur.


Hub Vrac, une plateforme régionale pour livrer les magasins

Le Hub Vrac est donc « un concept de plateforme mutualisable et modulaire à l’échelle régionale permettant le nettoyage, le reconditionnement et le réemploi des emballages de conditionnement des produits vrac utilisés en amont de la filière » précise Réseau Vrac sur son site Internet. Plus concrètement, l’expérience effectuée en Île-de-France regroupait une vingtaine d’acteurs : 9 commerçants, 6 fournisseurs, 4 prestataires externes, 1 place de marché vrac. Les fournisseurs s’engageant à livrer les produits aux commerçants partenaires dans des emballages de conditionnement réemployables qui, une fois vide, sont récupérés, nettoyés et séchés au centre de la startup Pandobac à Rungis, avant d’être remis dans le circuit.

L’idée du projet était notamment de mesurer, outre la réduction des emballages, les externalités du processus en matière de protection des produits et sur le volume des bacs réutilisables. À ce sujet, les résultats de l’expérience se sont avérés positifs pour les commerçants. Car, contre toute attente, la casse mesurée a été moindre que lorsque les produits sont livrés sous emballage, même si la filière a remonté des améliorations à apporter dans le volume des bacs et l’optimisation des palettes ainsi que sur l’étanchéité de certains bacs.

Du point de vue environnemental, le bilan de l’opération est également positif : le pilote a permis de réduire les émissions CO2 de 0,5 kg par rapport à un système de livraison directe avec emballages à usage unique. Enfin, le Réseau Vrac estime que 50 kg d’emballages jetables ont pu être évités grâce à 161 bacs réutilisables vendus dans le cadre du pilote de Hub Vrac. « L’expérimentation se conclut sur un bilan très encourageant pour le modèle Hub Vrac. Reste à mettre en place une solution économiquement viable pour déployer et généraliser des plateformes à grande échelle » précise tout de même Célia Renneson, Directrice Générale de Réseau Vrac.

vente en vrac
La vente en vrac s’est fortement démocratisée ces dernières années


Un modèle économique à trouver avant déploiement national

S’il est un succès opérationnel et écologique, le dispositif Hub Vrac repose encore, pour le moment, sur un modèle économique à affiner. En effet, le coût par cycle et par bac calculé pendant la phase de test regroupait le prix du bac, le transport, le stockage, le reconditionnement et le nettoyage. Des coûts pris en charge par la plateforme WeBulk. Mais, pour être pérenne, le modèle veut qu’un coût supplémentaire soit supporté par les commerçants lors de l’achat de leurs produits. Un équilibre est donc à trouver puisque les commerçants sont évidemment réticents à faire porter cet effort écologique sur le consommateur.

Cependant, en faisant passer à l’échelle le modèle, avec de nombreux hub régionaux et davantage d’entités impliquées, il semble possible, d’après Réseau Vrac, de diminuer ces coûts supplémentaires et les rendre acceptables. Enfin l’aide de collectivités territoriales ou de structures telles que l’ADEME, Léko ou Citeo pourraient aussi permettre de soutenir financièrement la phase de passage à l’échelle du modèle.

Ce qui tombe bien puisque l’expérimentation francilienne devrait être suivie sur le plan national dans les mois à venir. « Certains de nos adhérents, attentifs à la démarche en Ile-de-France et convaincus de son importance se lancent dans la mise en place de Hub Vrac dans d’autres régions » ajoute Célia Renneson. Une bonne chose pour cette filière qui ne se contente pas d’agir en façade mais cherche véritablement à réduire les emballages de l’intégralité de son processus.


Le vrac, un marché qui atteint 1,3 milliards de CA

Le marché du vrac représente aujourd’hui 1,3 milliards d’euros de CA en 2020 en France, grâce à plus de 500 commerces de vrac fixes et 180 magasins dotés d’au moins un rayon. Les hypers et les supermarchés réalisent la moitié des ventes en vrac via les rayons installés dans leurs magasins, en compagnie des magasins bio qui représentent 45% de la vente en vrac. Les magasins spécialisés, eux, représentent 5% du marché à l’heure actuelle. Mais alors qu’on en comptait seulement 2 en 2013, ces épiceries voient leur nombre augmenter chaque année et dépassent désormais les 500. À noter que la vente en ligne de produits en vrac se développe également, à l’image de ce que propose le site L’intendance.

Le marché du vrac a notamment connu une hausse spectaculaire de son activité en 2019 avec un bond de 40% par rapport à l’année précédente. En 2020, malgré la pandémie, le marché a continué sa hausse, de 8% par rapport à 2019, et la filière estime que le marché pourrait encore tripler d’ici 2022. La loi climat et résilience devrait d’ailleurs donner un coup de pouce au marché, puisque l’article 11 du texte fixe, pour les commerces de plus de 400 m2, un objectif de 20 % de la surface de vente consacrée d’ici 2030 à la vente en vrac. De quoi pousser les chaînes de grande distribution à s’y intéresser davantage et les consommateurs à s’y habituer.

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