La nouvelle a été largement soulignée la semaine dernière : ce 08 avril 2020, la très prestigieuse revue scientifique Nature mettait à l’honneur en couverture, un article faisant état d’une avancée considérable dans le traitement du PET par une enzyme.

Rédigé par Toulouse Biotechnology Institute (TBI), l’Unité Mixte de Recherche INSA Toulouse/ INRAE/ CNRS, et la société Carbios, cet article mentionne les avancées de leurs travaux sur le développement d’une nouvelle enzyme capable de dépolymériser par voie biologique tous les déchets plastiques en polyéthylène téréphtalate (PET).

Depuis plusieurs années, Carbios et Toulouse Biotechnology Institue travaillent en effet sur les performances de dépolymérisation des déchets PET. C’est à dire la manière d’augmenter l’efficacité avec laquelle une protéine peut décomposer de manière organique le PET. Et en parallèle, Carbios, en collaboration avec le Critt Bio-Industries de l’Insa de Toulouse, a réussi à produire de nouvelles bouteilles grâce à la matière récupérée par la première phase, démontrant ainsi  la circularité du procédé.

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L’ambition de produire plastique à partir de plastique

Le PET (pour Polytéréphtalate d’éthylène) est l’un des plastiques les plus produits au monde. On estime qu’il en est fabriqué environ 70 millions de tonnes chaque année (sachant qu’il faut 1,9kg de pétrole brut pour fabriquer 1 kg de PET). Ces 70 millions de tonnes servent à la fabrication de 500 milliards de bouteilles mais aussi de fibres textiles ou encore d’emballages en tout genre.

Bien que 100% recyclable sur le papier, les bouteilles en PET ne le sont pas vraiment dans la réalité. En France, on estimait en 2016 à seulement 56%, la part des bouteilles en plastique recyclées. Par ailleurs, il faut savoir que le PET opaque qui sert à réaliser des bouteilles d’eau rouge, par exemple, n’est pas reconnu par la grande majorité des machines équipant les centres de tri. Ces bouteilles finissent donc souvent enfouies ou incinérées.

Et puis, les objectifs des gouvernements, mais aussi en France, sont de limiter, de réduire voire d’interdire progressivement les emballages en plastique. La course aux solutions et alternatives pour sauver le soldat plastique est donc amorcée de longue date.

L’année dernière, la société Carbios affirmait déjà pouvoir recycler près de 97 % d’une charge de PET en passant par des enzymes qui en accélèrent le processus de dégradation. C’est le rôle majeur de ces protéines qui agissent de la sorte dans le corps humain, par exemple, dans un process qu’on appelle digestion.

À l’évidence, aucune enzyme n’a jamais été conçue naturellement pour décomposer le plastique, mais voilà qui semble désormais fait. Le développement par la société Carbios de cette nouvelle protéine permettrait ainsi, sous réserve d’une efficacité prouvée, un vrai coup de pouce pour le développement de l’économie circulaire et la fin de la pollution au plastique. Ce pourrait même être une manière de créer des emballages grâce à d’autres emballages, ce qui ferait le bonheur des industriels.

Carbios fait le lien entre la recherche et les industriels

Créée en 2011, en Auvergne, Carbios n’en est pas à son premier coup d’essai en ce qui concerne le développement de cette enzyme capable de s’attaquer au plastique. La société a déjà investi près de 20 millions d’euros en R&D ces dernières années, et mobilisé environ 60 chercheurs grâce à des partenariats avec l’Insa et le CNRS.

Déjà en 2016, Carbios avait lancé une filiale, appelée Carbiolice, en partenariat avec le fonds d’investissement SPI et le céréalier Limagrain Ingrédients. Une filiale qui développe des solutions pour accélérer le compostage de l’acide polylactique (PLA), un plastique produit à partir de biomasse comme le maïs, la betterave sucrière ou la canne à sucre.

Fin juin 2019, l’entreprise a également annoncé avoir levé près de 14,5 millions d’euros lors d’une augmentation de capital qui doit servir justement à industrialiser sa technologie, avec un prochain point d’étape d’ici 2021. Et pour accélérer cette phase d’industrialisation, l’entreprise a monté un consortium l’année dernière avec d’importants metteurs sur le marché, pour qui la production d’emballages en plastique est encore essentielle aujourd’hui.

Ainsi, L’Oréal, Michelin, Nestlé Waters, PepsiCO ou encore Suntory Beverage & Food Europe travaillent désormais avec l’entreprise auvergnate. Un consortium qui souhaite donc utiliser cette avancée scientifique pour continuer de produire des bouteilles et emballages en plastique… grâce à du plastique.

Une idée séduisante sur le papier, qui s’oppose cependant à une vision de la transition écologique basée davantage sur la sobriété et de nouveaux usages.

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Recycler le PET ou arrêter d’en consommer ?

La question des emballages est évidemment au coeur des préoccupations en ce qui concerne la transition écologique. D’autant que le PET n’est qu’un composant parmi d’autres, comme le polyéthylène ou encore le PVC, qui sont encore plus complexes à traiter. Si l’objectif affiché est de mettre fin aux emballages en plastique, nous n’avons, à l’heure actuelle, que trop peu d’alternatives crédibles à proposer en échange.

Les projets de recherche – comme celui de Carbios – qui portent sur des matériaux biodégradables se développent cependant de plus en plus. C’est par exemple le cas du projet Glopack (Granting Society with Low environmental impact innovative Packaging), un projet européen qui vise à concevoir un emballage à la fois biodégradable et intelligent qui puisse assurer un double objectif : réduire les déchets mais aussi le gaspillage alimentaire. Et puis il y a le PLA, un plastique imparfaitement biodégradable composé de matières naturelles.

Cependant, ces emballages à priori éco friendly s’opposent à la question de la sobriété de notre consommation et à nos usages. En vérité, il s’agit d’une vision qui consiste à dire « faisons comme avant, en mieux » au lieu de chercher à faire simplement les choses de manière différente et de se tourner vers de nouveaux modes de consommation ou de nouveaux usages.

Cette vision, si elle peut tout à fait fonctionner – après tout, pourquoi ne pas rêver d’un monde où le plastique n’est plus un vecteur de pollution ? – risque cependant de faire croire, à tort, qu’il est possible de continuer à consommer du plastique sur le même rythme qu’aujourd’hui. Et qu’il ne faut surtout rien changer car arrivera bien un moment où une enzyme, un bateau recycleur, des barrages flottants ou n’importe quelle invention pourra nous en débarrasser.

La logique inverse, justement, voudrait que l’on réfléchisse davantage à nos usages et à la manière dont nous pouvons réduire notre consommation. C’est la base du mouvement Zéro Déchet qui est évidemment beaucoup plus vertueux sur le papier. Et s’il n’est pas facile pour tout le monde de réaliser les efforts que nécessite un mode de vie réellement zéro déchet, on note cependant qu’il permet de réaliser de véritables avancées, comme en témoigne l’essor, par exemple, de la vente en vrac.

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