« Chez makesense, on propose une période d’accompagnement de 3 mois avec chaque porteur de projet, dans le but de s’assurer d’un réel fit entre nos valeurs et celles des futures entreprises financées ». Acteur incontournable de l’économie à impact depuis une dizaine d’années, makesense a lancé en 2019 makesense Seed I, un fonds spécialisé pour les entreprises engagées dans des problématiques sociales et environnementales. « Les levées d’amorçage ou pré-amorçage sont très difficiles pour les entreprises à impact » précise Coralie Gaudoux, qui dirige ce fonds dont l’objectif est de soutenir, par des tickets qui vont généralement de 50K€ à 150K€, ces projets en démarrage.
Réunis à la Cantine Numérique de Nantes – un tiers-lieux dédié à l’innovation – Coralie Gaudoux et d’autres investisseurs échangeaient ce mardi 03 mars avec des entrepreneur.es locaux sur leurs besoins en financement. Un moment de partage organisé par le mouvement Tech For Good France, en association avec Latitudes et makesense, afin de décloisonner la relation entre le monde de la finance et celui de l’entrepreneuriat social.
1er évènement à Nantes pour @Tech_for_goodfr de rencontre entre entrepreneurs du territoire et financeurs de l’écosystème, dans le cadre du #techforgoodtour! Merci à la @CantineNantes pour l’accueil, à nos intervenants, public et à et notre partenaire #actforimpact @BNPParibas ! pic.twitter.com/Rir0XUEd3Z
— TECH FOR GOOD France (@Tech_for_goodfr) March 3, 2020
Des fonds ouverts à l’innovation sociale sous toutes ses formes
En effet, les structures permettant d’accompagner et de faire décoller les projets à impact – en particulier les incubateurs et accélérateurs – ne cessent de se développer depuis quelques années. Elles permettent de soutenir un écosystème entrepreneurial extrêmement dynamique en ce qui concerne les problématiques sociales (accessibilité, emploi, inclusion, solidarité) et environnementales. Un écosystème porté par quelques success stories comme Phénix, Simplon ou encore Backmarket.
Des entreprises pionnières qui ont la particularité d’avoir pu bénéficier d’un accompagnement financier similaire à celui qui se pratique dans la tech traditionnelle, c’est à dire l’accès, notamment, à des fonds d’investissements.
Ces investisseurs à impact s’appellent Investir&+, Inco, Go Capital, France Active, La Nef, Lita.co, We Do Good (mais il y en a d’autres). Ils ouvrent leurs carnets de chèques aux entreprises, mais aussi aux associations, SCOP, SCIC et autres structures juridiques qu’on retrouve beaucoup dans le monde de l’économie sociale et solidaire.
Ce moment d’échange organisé à l’occasion du Tech For Good Tour qui ira de Nantes à Lille en passant par Nice, Lyon ou encore Saclay, était aussi l’occasion de rappeler que la levée de fonds n’est cependant pas une finalité. « Si vous n’avez pas besoin de lever, ne levez pas » souligne ainsi Coralie Gaudoux. « Pensez d’abord à faire du chiffre d’affaires » abonde en ce sens Susana Nunes, co-fondatrice de We Do Good, une entreprise qui permet aux entreprises de réaliser des crowdfunding en royalties. Car oui, il y a aussi différentes manières de se financer, et l’ouverture du capital n’est pas forcément la première piste à envisager pour les entrepreneur.es.
« On a pu lever 90 000 euros en financement participatif grâce à We Do Good » témoigne à ce sujet Cyril Terrien, co-fondateur de la société Naoden, une solution de production de chaleur par la valorisation des biodéchets. Un levier qui leur a permis de réaliser leurs prototypes et de s’assurer une trésorerie stable le temps de réaliser les premières ventes. Deux ans plus tard, Naoden a aussi pu solliciter des des fonds d’investissements pour ouvrir leur capital et lever d’abord 700 000 euros en 2017, puis 1,5 millions très récemment.
On ne fera pas x10 sur ces projets. Si on fait x2, c’est déjà bien. Après, si on fait moins de plus-value sur les sorties, on sait qu’on aura aussi moins de défaillances dans notre portefeuille.
Antoine Michel – Investir&+
« On ne construit pas ses indicateurs d’impact pour les investisseurs »
Sujet de crainte, la rentabilité et la finalité sociale des entreprises à impact ne sont pas (ou plus) des freins pour s’adresser à des investisseurs aujourd’hui. D’autant que les entreprises sociales présentent d’autres avantages qui doivent être pris en considération.« Les projets à impact sont aussi plus résilients que les autres, c’est une vraie valeur ajoutée » précise Coralie Gaudoux. Pour autant, la manière dont l’impact, réel ou non, généré par les entreprises peut être suivi et pris en compte par les investisseurs est un grand point de réflexion. L’impact et la Tech For Good ressemblent en effet de plus en plus à des buzzwords. D’où l’importance de savoir mesurer et suivre ces indicateurs.
Et à ce sujet, s’il existe par exemple le label B-Corp ou l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale), il y a malgré tout peu de consensus sur les critères et méthodes permettant d’évaluer l’impact social ou environnemental d’un projet entrepreneurial. « On a une grille d’évaluation des impacts en interne. L’idée c’est d’évaluer et de suivre 2 à 3 critères d’impact au maximum. Ce qu’on veut, c’est aussi s’assurer que la croissance économique du projet va aller de pair avec la croissance de l’impact. Après, c’est important de comprendre qu’on ne construit pas ses indicateurs d’impact pour les investisseurs. On le fait pour soi, pour son projet » explique Coralie Gaudoux.
Les projets à impact sont aussi plus résilients que les autres, c’est une vraie valeur ajoutée
Coralie Gaudoux – Makesense
Une manière aussi, d’anticiper le fait que l’entrepreneuriat à impact ne doit pas devenir une excuse pour chercher des fonds ou faire de la publicité, mais doit être ancré dans une réelle logique sociale. “Le fait d’être une entreprise responsable, ça ne doit pas être une question de communication, mais une question d’intention. Et l’intention, on doit la retrouver dès la création de la structure” nous expliquait récemment Ricardo Scacchetti, le fondateur de la société Impact Track, spécialisée justement sur ce sujet de la mesure d’impact réel. « Le plus difficile pour nous, c’est d’évaluer l’intention des porteurs de projets » abonde en ce sens Antoine Michel qui travaille pour Investir&+.
Récemment, le Global Compact – la branche entreprise de l’ONU – et l’organisme de certification international B-Lab se sont associés pour créer un outil d’auto-évaluation gratuit pour les entreprises. Il existe d’autres référentiels ou organismes qui travaillent sur ce sujet, comme l’IMP (Impact Management Project) ou encore le Global Impact Investing Network qui propose un référentiel de 500 indicateurs sur ces sujets. Une chose est sûre, la finance lorgne vers les projets positifs. Et cela pourrait faire beaucoup de bien.