C’est une initiative intéressante qui vise à interpeller les entreprises françaises afin qu’elles s’impliquent davantage sur ce sujet. En France, le montant total de l’épargne salariale dépasse les 158 milliards d’euros. Or, d’après une analyse des fonds d’épargne salariale réalisée par Rift (une application mobile qui scanne l’impact sociétal et environnemental des comptes courants, livrets A et assurances-vie), 71% des fonds d’épargne salariale investissent dans des entreprises développant de nouveaux projets de pétrole et de gaz. Parmi eux, on retrouve notamment Amundi, Natixis IM, Crédit Mutuel AM, Axa IM et BNP Paribas AM.

Or, les recommandations des scientifiques, celles de l’ONU et de l’Agence internationale de l’énergie sont très claires : pour être en phase avec les objectifs de l’Accord de Paris (limiter le réchauffement climatique à +1,5°C) il faut cesser de soutenir les énergies fossiles. Plus précisément, l’AIE estime que , pour chaque dollar investi dans les énergies fossiles en 2030, neuf devront l’être dans les “énergies propres”. Par ailleurs, l’agence stipule qu’aucun nouveau projet de charbon ni de champ gazier et pétrolier, au-delà de ceux déjà approuvés, n’est compatible avec cet objectif.

De fait, flécher le montant de l’épargne salariale vers des projets qui soutiennent la transition énergétique pourrait être une manière concrète, pour les entreprises, de s’engager dans la décarbonation de l’économie.

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3 leviers pour une épargne salariale orientée climat

Les 5 organisation signataires de ce manifestent souhaitent sensibiliser les entreprises à ce sujet en leur proposant des solutions pour flécher cette manne financière vers la transition énergétique. “L’épargne salariale concerne aujourd’hui 9,5 millions de salariés. Sans le savoir, leur épargne peut être investie par les gestionnaires d’actifs dans des entreprises qui aggravent le dérèglement climatique. Il est temps que salariés et chefs d’entreprises travaillent main dans la main pour reprendre le contrôle de l’épargne salariale et l’utiliser comme un levier d’action dans la lutte climatique ” explique ainsi Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance et co-signataire de ce manifeste.

Concrètement, les ONG et associations appellent les dirigeants et salariés à s’engager ensemble autour de 3 leviers :

• Rendre les fonds d’épargne plus transparents : en mettant à disposition des salariés
la liste des entreprises en portefeuille de chaque fonds proposé dans le cadre du plan
d’épargne salariale de manière claire et intelligible ;

• Diversifier les fonds d’épargne disponibles : en intégrant dans la liste des fonds proposés aux salariés au moins un fonds qui exclut les entreprises développant de nouveaux projets
d’énergies fossiles ;

• Accompagner toutes les entreprises en portefeuille à sortir progressivement des énergies fossiles.

“L’épargne salariale, épargne long-terme et accessible, doit jouer un rôle clé dans la transformation écologique de nos entreprises. Et cela passe par des gestionnaires d’actifs engagés, des produits d’investissement sans nouveaux projets d’énergie fossile et une véritable transparence des placements permettant des choix éclairés pour nos salariés » souligne Eva Sadoun, Présidente du Mouvement Impact France et co-fondatrice de la startup Lita.co.

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Les banques mondiales à rebours de l’Accord de Paris ?

Selon le travail effectué récemment par plusieurs ONG comme BankTrack, Rain Forest Action Network ou encore Reclaim Finance, l’ONG dirigée par Lucie Pinson, on sait que les plus grandes banques mondiales ont dirigé près de 1 900 milliards de dollars vers des projets d’énergies fossiles dans les 3 ans qui ont suivi l’Accord de Paris signé en 2015, et que cela continue avec leur participation à des projets controversés, notamment les « bombes climatiques » comme le projet EACOP de TotalÉnergies.

Pourtant, tout investissement supplémentaire dans des projets d’exploitation d’énergies fossiles ne fait qu’accentuer le retard déjà pris sur le respect des objectifs fixés lors de la COP21, alors même que le Giec et les scientifiques estiment qu’un réchauffement de +1,5°C pourrait être atteint dès l’année 2030 au rythme où nous allons.

En France, les 4 plus grandes banques du pays (Crédit Agricole, BNP Paribas, BCPE (Banque Populaire, Caisse d’Epargne) et Société Générale), orientent toujours 70% de leurs financements énergétiques vers les énergies fossiles comme le pétrole, le gaz naturel et le charbon. En 2018, les émissions causées par les investissements de ces 4 banques dans ces ressources étaient estimées à 2 milliards de tonnes en équivalent CO2 ce qui représente 4,5 fois plus que les émissions de CO2 de la France entière cette même année.

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