Avec Avel Vor, un bureau d’études spécialisé dans les économies d’énergie pour la marine, et l’association Avel Marine, dont il est le fondateur, Pierre-Yves Glorennec souhaite remettre au goût du jour le cabotage maritime, c’est à dire la navigation de port en port sur de courtes distances. Derrière ce projet, un engagement citoyen qui vise à réduire la pollution liée au trafic routier et à favoriser le développement des territoires par les échanges de produits locaux.

Pierre-Yves Glorennec, pouvez-vous nous présenter votre projet ?

Pierre-Yves Glorennec : C’est un projet qui est né d’une rencontre avec le géographe Yves Le Bailly. Il menait un projet universitaire extrêmement intéressant qui vise à étudier des liaisons possibles entre le développement local et le cabotage de proximité. On a creusé ensemble cette idée avec l’angle du transport bas carbone. C’est à dire, comment trouver une alternative au transport par camion – qui est extrêmement polluant – tout en y associant le développement local. Le cabotage de proximité permet d’arriver à cela.

En ce sens, c’est un projet tout à fait différent de ce que font des entreprises comme Grain de Sail, voir Neoline ou Zephyr & Borée, notamment car le commerce transatlantique ne nous concerne pas. Ici, l’objectif, c’est de développer une nouvelle forme de commerce de proximité, par le développement des territoires et l’échange de produits locaux. Et pour cela, nous utilisons un bateau qui fonctionne avec une propulsion hybride.


Quels modes de propulsion envisagez-vous d’utiliser ?

Notre ambition est de mettre en place une navigation bas-carbone pour servir d’alternative écologique au transport par camion. Mais pour que le cabotage soit efficace, il faut absolument qu’il y ait une certaine régularité dans les trajets. Donc, il faut que les bateaux soient indépendants des caprices de la météo.

Notre bateau sera ainsi équipé de voiles, car c’est une énergie propre qui existe depuis des millénaires. Mais pour éviter que les bateaux restent au port quand les conditions météo ne sont pas bonnes, on étudie différentes alternatives. L’énergie du tangage est très intéressante. L’hydrogène aussi. S’il est produit par électrolyse de l’eau, ça peut être une piste à envisager.


Quelles sont les différentes phases de votre projet ?

L’idée, c’est de partir des Hinterlands (Arrière-pays en français, c’est à dire les zones située en arrière d’une côte ou d’un fleuve, ndlr). C’est là qu’on récupère les produits locaux à transporter. À partir de là, on peut assurer les flux entrants et sortants par des véhicules électriques jusqu’au port. Ensuite, le bateau prend le relais pour assurer la liaison entre deux ports. Et une fois le bateau arrivé, on imagine un mode de distribution en circuit-court directement sur place. Et si on doit aller plus loin, on envisage le ferroutage (mode de transport qui consiste à charger des camions sur un train, ndlr).

Pour cela, nous allons acheter un bateau néerlandais de 19m10 pour lancer notre activité. C’est un bateau d’occasion qu’on fera affréter par un armateur pour lancer la première phase du projet, qui concernera l’axe Dinan-St Malo. Dinan est à l’intérieur des terres mais il y a un bout de canal qui le relie à la mer donc c’est parfait pour démarrer. Si cet essai est concluant, nous pourrons lancer la phase 2 du projet, qui concernera toute la Bretagne.

cabotage bateau esquisse
Le futur bateau acheté par l’association Avel Marine pour réaliser ce projet


Quels types de produits seront concernés par ces transports ?

Dans un premier temps, notre projet va concerner des produits non-périssables : conserves, vêtements, produits d’entretiens… Nous allons également essayer de travailler avec des AMAP et des magasins de producteurs pour les produits frais qui peuvent être produits et consommés localement.


Quels sont les principaux freins que vous rencontrez ?

D’abord, cette forme de commerce, ça n’existe plus aujourd’hui en France. Donc tout est à réinventer. Évidemment, il y a les réseaux de péniches – pour le commerce fluvial – qui sont très développés en Europe, notamment en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais en France, il n’y a que la desserte des îles qui est concernée par le transport par bateau.

Donc, comme tout est à réinventer, c’est difficile aussi de donner des chiffres. L’autre difficulté, c’est qu’il y a peu d’entreprises qui sont actuellement tournées vers la mer et le commerce maritime. Il va falloir changer un peu les mentalités. D’autant que nous n’aurons pas la flexibilité des camions. Là, il faut utiliser l’intermodalité : des véhicules de l’usine au port, puis des bateaux de port à port, éventuellement le train ou les péniches ensuite… Donc, c’est important de le préciser, on tire une croix sur les flux tendus.


Quelle est votre modèle économique ?

Aujourd’hui notre priorité, c’est de trouver des solutions aux problèmes causés par le réchauffement climatique. Donc ce n’est pas le plan d’affaires qui décide de nos actions. Pour le moment, nous sommes une association mais nous envisageons de nous transformer en SCIC très bientôt afin d’avoir des structures locales. Car pour que le projet fonctionne, il nous faut des relais chaque port.

En ce moment, nous cherchons également à nous entourer d’un juriste, en partie pour aborder les sujets liés aux assurances. Nous misons aussi beaucoup sur la société civile pour développer notre projet. L’ambition c’est de mettre en place une initiative citoyenne et non un projet purement commercial.

Pour cela, nous avons besoin des magasins de producteurs, des associations, de toutes les personnes engagées dans le développement durable. Il faut informer sur ce projet, montrer qu’il existe et qu’il peut se développer. À partir de là, nous trouverons des soutiens et des relais pour aller plus loin et développer notre modèle économique qui sera basé sur de la vente directe.