Chaque année en France, 180 000 tonnes de coquilles d’huîtres sont jetées ou incinérées. Ce sont donc 180 000 tonnes d’une excellente source de carbonate de calcium, une substance blanche qui compose des calcaires comme la craie ou le marbre, qui sont considérées comme des déchets, et dont le potentiel de valorisation n’est pas exploité. Dommage, n’est-ce pas ?
Conscient de cette perte conséquente, Philippe Gaboriau s’est lancé dans l’aventure Alegina, « née de la mer » il y a 4 ans avec un ami céramiste et un industriel. Leur ambition est de recycler et de valoriser les coquilles d’huîtres afin de les transformer en porcelaine, revendiquant le slogan « La véritable perle de l’huître, c’est sa coquille ».
Une innovation pérenne dans une région productrice d’huîtres
Originaire de Vendée, Philippe Gaboriau a vu sa sensibilité environnementale s’affirmer au fil des ans dans une région productrice et consommatrice d’huîtres. « Aujourd’hui, les coquilles sont considérées comme un déchet, un encombrant, sans qu’il y ait de solution pérenne de valorisation. Je souhaitais faire un vrai joli produit afin de structurer une filière de collecte qui soit pérenne« , explique ainsi l’entrepreneur, qui su compter sur un écosystème local pour développer son projet. « J’ai eu la chance de bénéficier du soutien de différents acteurs, dont la région Pays de la Loire, qui soutient l’innovation, et qui a vu d’un très bon oeil les essais concernant cette problématique, mais aussi du soutien d’Atlanpole« .
Afin de produire cette porcelaine, les fondateurs ont d’abord recruté un docteur en biologie et chimie, afin de mettre en place un processus à base de coquilles, combinées ensuite avec des minéraux, comme le sont les porcelaines. « Celle-ci a pour particularité le fait que le minéral le plus présent est la coquille d’huître, que l’on collecte et transforme afin de parvenir à une matière très blanche et très fine qui soit 100% pure, sans traitement chimique » ajoute le chef d’entreprise.
Pour commercialiser sa porcelaine, considérée comme haut de gamme en raison de sa blancheur, de sa dureté et de sa composante bio-sourcée, plus coûteuse à produire, Alegina a pu s’associer avec des porcelainiers. Actuellement à l’étape de la pré-industrialisation, la startup travaille déjà à la diversification de ses produits, « car la collecte c’est quelque chose de compliqué et de coûteux, et il est important pour nous de valoriser 100% de ce qu’on collecte » précise Philippe Gaboriau.
Or, lorsque l’entreprise transforme la coquille sous forme de poudre, elle produit aussi des granulats dont la taille ne leur permet pas d’être intégrés dans le processus de céramique. La solution imaginée pour valoriser ces matériaux a ainsi permis de mettre au point des pavés drainants et un substrat pour toitures végétalisées.
La valorisation des granulats pour favoriser la biodiversité
Les pavés drainants ont été pensés pour drainer les eaux de pluie et lutter contre les îlots de chaleur urbains. Fabriqués à partir de granulats coquilliers, qui agissent comme un puits de carbone, et de ciment, les pavés d’Alegina permettent de restituer de l’humidité et de rafraîchir naturellement l’atmosphère. Ils peuvent notamment servir à la réalisation de parkings drainants, de voies de desserte, d’esplanades et parvis, ou encore de voies cyclables ou piétonnes. Quant à la toiture végétalisée, également constituée de coquilles d’huîtres et 100% naturelle, elle permet de favoriser la gestion des eaux de pluie, de renforcer la biodiversité en milieu urbain, et de contribuer à l’isolation thermique des constructions.
Le fondateur d’Alegina confie avoir cherché à créer des produits utiles grâce à ces granulats. L’entreprise gère ainsi la collecte des coquilles d’huîtres auprès des collectivités, le processus industriel de transformation des coquilles, et continue d’innover et d’inventer des matériaux et des produits comme les pavés et la toiture végétalisée.
Par la suite, et après 3 ans et demi de recherche et développement, Alegina souhaite poursuivre son développement préindustriel et la démonstration de la viabilité de son modèle environnemental et économique. L’entreprise se prépare également à mettre en place son futur site industriel, qui sera opérationnel à l’horizon 2024.