Après un vote presque unanime des sénateurs en novembre 2022 (320 voix pour et 5 voix contre), les députés ont adopté ce mardi 10 janvier 2023, en première lecture, le texte du gouvernement visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables en France. Un succès obtenu dans la douleur (286 voix pour et 238 voix contre, avec notamment l’abstention du groupe écologiste).
Ce texte est pourtant primordial pour l’avenir du mix-énergétique français puisqu’il vise notamment à rattraper le retard de la France en matière d’énergies renouvelables. Dans un pays qui n’a longtemps juré que par le nucléaire, les énergies renouvelables ne représentent que 19,3% de la consommation finale brute d’énergie aujourd’hui, loin des 23 % définis par la Commission européenne en 2009. La France est d’ailleurs le plus mauvais élève en la matière au niveau européen. Mais ça n’est pas tout, puisque nous n’avons même pas rempli les objectifs que nous nous sommes nous-même fixés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui prévoit 24 gigawatts (GW) de capacité installés en 2023, contre 20,3 GW aujourd’hui.
La prochaine étape de ce projet de loi aura désormais lieu fin janvier en commission mixte paritaire, et permettra aux deux chambres de se mettre d’accord sur les principaux enjeux de ce texte suite au vote du parlement.
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Faciliter le développement de l’éolien en mer
Les députés ont adopté ce 10 janvier des dispositions du projet de loi qui permet d’accélérer le développement de l’éolien offshore, notamment grâce au lancement de nouveaux projets par des procédures de consultation moins complexes des acteurs locaux et par une planification de l’éolien en mer. La première étape de cette planification serait la mise en oeuvre d’une cartographie de « zones prioritaires » qui devront se situer prioritairement (mais sans obligation) en zone économique exclusive, à 22 km au moins des côtes. Cette cartographie devrait être établie d’ici 2024.
À l’inverse, concernant l’éolien terrestre, le projet de loi adopté contient des mesures qui pourraient freiner son développement. Une des dispositions prévoit ainsi que les préfets devront prendre en compte différents critères pour l’octroi de l’autorisation d’installer des éoliennes. Ces critères comprennent la puissance installée sur le territoire concerné, la nécessité de diversifier les sources d’ENR localement et la nécessité de « prévenir les effets de saturation visuelle dans le paysage« . Autant de raisons de voir des contentieux se multiplier sur ce sujet déjà clivant.
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Des avancées pour le solaire photovoltaïque
Le projet de loi adopté par les députés prévoit également plusieurs mesures pour faire avancer le déploiement du solaire photovoltaÏque. L’une des mesures les plus emblématiques concerne par exemple l’obligation d’installer des panneaux solaires dans les parkings extérieurs de plus de 1 500 m2. Une mesure qui devrait être appliquée d’ici le 1er juillet 2026 pour les parcs de stationnement les plus grands et le 1er juillet 2028 pour les plus petits. Une mesure qui vient renforcer une disposition de la loi Climat et résilience concernant les nouveaux parkings de plus de 500m2. À noter que, sur ce sujet, l’ambition française est assez timide par rapport aux préconisations de la Commission européenne dans le plan « RePower EU » qui propose de mobiliser tous les parkings à partir de 250 m2.
En outre, ce projet de loi prévoit également des dérogations à la loi littorale afin d’accélérer le déploiement du photovoltaïque sur les friches en bord de mer. Des dispositions simplifient également les installations solaires situées à proximité des autoroutes et des voies ferrées, ainsi que celles en toiture.
Enfin, l’article 11 offre un cadre juridique pour le développement raisonné et durable de l‘agrivoltaïsme, désormais reconnu comme un outil agricole dès lors que les projets satisfont l’une des 4 conditions suivantes : améliorer le potentiel agronomique des cultures ; constituer un levier permettant aux agriculteurs de lutter contre les effets du changement climatique ; aider à faire face aux différents aléas du type sécheresse ou stress hydrique ou contribuer à améliorer le bien-être animal. Le projet de loi prévoit également des sanctions envers des projets agrivoltaïques qui dégraderaient les productions agricoles de manière significative. « Préserver nos productions agricoles, c’est la clé de l’acceptabilité des projets. Cette reconnaissance par la loi de l’agrivoltaïsme comme outil agricole est donc fondamentale. C’est la garantie que ’agrivoltaïsme servira tout à la fois notre souveraineté alimentaire et énergétique » se félicite Antoine Nogier, président du syndicat France Agrivoltaïsme.
De son côté, Enerplan, le syndicat de l’énergie solaire renouvelable se dit plutôt satisfait du texte mais précise que « les objectifs de la loi ne peuvent être atteints que si d’importants moyens humains sont déployés dans les administrations [et que] la nouvelle PPE pour le solaire devra être cohérente avec cette volonté nationale affichée ».
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Une meilleure prise en compte des élus locaux
Enfin, le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables tel qu’adopté par les députés permet également certaines clarifications sur le rôle des élus locaux, qui auront notamment la possibilité de définir des « zones d’accélération » pour l’implantation d’infrastructures d’énergies renouvelables sur leurs territoires.
D’autres dispositions sont également à noter : la reconnaissance sans conditions de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) des énergies renouvelables ; la mise en place d’indicateurs de suivi pour piloter le développement des différentes filières sous l’égide d’un référent préfectoral ou encore la création d’un fonds de garantie pour construire les projets sous recours.
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Des points à revoir en Commission Mixte Paritaire ?
Désormais, il reste aux parlementaires des deux chambres à se mettre d’accord lors de la commission mixte paritaire prévue le 24 janvier prochain en vue d’une adoption du texte final. Sans quoi, de nouveaux votes devront avoir lieu au Sénat et à l’Assemblée Nationale.
Parmi ces points d’achoppement, les députés ont, par exemple, supprimé des dispositions sur l’accélération des procédures et l’encadrement des contentieux. Autre sujet de débat en prévision : l’instauration d’un délai légal pour engager le processus d’instruction d’une une demande d’autorisation d’un projet ENR. Dans certains pays, ce délai est fixé à 15 jours où 3 semaines afin de ne pas perdre de temps. En France, aucun délai légal n’est imposé, ce qui retarde énormément la mise en oeuvre des projets.
D’autres mesures proposées par le Sénat n’ont pas non plus été retenues par les députés, comme par exemple la réassurance donnée aux élus locaux sur le fait que les projets solaires ne seront pas comptabilisés dans leur quota d’artificialisation des sols à l’avenir.