Le débat autour de la ré-autorisation des insecticides à base de néonicotinoïdes qui occupe la scène médiatique ces dernières semaines a remis sur le devant de la scène une question cruciale : quelles sont les solutions pour se passer des intrants chimiques néfastes à la biodiversité ?

Car si l’agriculture biologique est régulièrement mise en avant, il faut savoir que le potentiel de ce type d’agriculture est malheureusement limité pour, à grande échelle, subvenir à nos besoins alimentaires. D’autres solutions émergent cependant. D’abord, l’agroécologie, un sujet sur lequel la France est très avancée en matière de recherche, notamment grâce à l’INRAE qui est d’ailleurs le premier organisme de recherche au monde spécialisé en agriculture, alimentation et environnement.

Ensuite, l’autre discipline qui peut faire avancer nos pratiques agricoles vers un modèle plus respectueux de l’environnement, c’est l’agriculture de précision. Une discipline dont l’objectif est notamment d’utiliser la technologie pour réduire l’utilisation des intrants chimiques au strict nécessaire. Un sujet sur lequel se concentre justement la startup Abelio, avec sa solution de surveillance des cultures.

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Permettre aux agriculteurs d’accéder à l’agriculture durable

« Le projet d’Abelio, c’est de permettre aux agriculteurs d’accéder de manière simple et abordable à l’agriculture durable » précise aux Horizons Grégoire Dupré, le CEO de la structure. « Pour ça, il faut faire un bon compromis entre le biologique et l’intensif, à savoir mettre en place des méthodes qui visent à réduire au strict minimum l’utilisation des produits phytosanitaires, c’est à dire de moduler les doses, de moduler les zones, et de mettre des phytos seulement là où c’est nécessaire ».

Une logique qui ne s’arrête pas seulement à la question des intrants chimiques, même si c’est le sujet le plus médiatisé. Car la surveillance des cultures proposée par Abelio va plus loin. « Notre solution permet d’analyser les mauvaises herbes, les maladies, les carences en engrais ou en eau. » ajoute l’entrepreneur, jeune ingénieur passé par Grenoble INP et le très prestigieux MIT de Boston, aux Etats-Unis.

Pour cela, Abelio utilise différentes sources de données et une intelligence artificielle qui va compiler un ensemble de données pertinentes pour une analyse agronomique. Elle se base sur les équipements des agriculteurs, les capteurs qu’ils possèdent, les prélèvements qui ont été faits et leurs connaissances en matière de sol ou de précédents culturaux. L’entreprise propose également son propre drone solaire et ses capteurs pour aller récupérer d’autres données centrales dans son modèle d’analyse.

Enfin, les données météo proviennent soit d’une station météo connectée que possède l’agriculteur, soit de la station Météo France la plus proche. L’entreprise utilise également les données satellitaires issues du programme Sentinel-2 de l’Agence Spatiale Européenne. Et grâce à tout cela, elle permet aux exploitants d’améliorer leurs pratiques agricoles.


Une levée de fonds et un lancement fin 2020

« Le projet a commencé il y a plus de 3 ans lors de mes études. J’avais envie d’apporter à l’agriculture des outils et des méthodes qui se basent sur la technologie, notamment l’intelligence artificielle. J’ai eu de nombreuses discussions avec des agriculteurs, des agronomes, des coopératives agricoles et pris conscience à ce moment du potentiel de l’agriculture de précision ». Après un semestre passé à Boston où il travaille sur des solutions d’analyse via l’IA, Grégoire Dupré se décide à monter Abelio avec Philippe Caumes, ingénieur de presque 40 ans son ainé, passé par Areva et Airbus et avant de monter différentes structures dans l’ingénierie.

Avec Abelio, ce duo complémentaire propose aux agriculteurs une solution de surveillance des cultures complète et abordable, basée sur un modèle économique original. « L’idée c’est de se baser sur un réseau de télé-pilotes de drones qui vont fournir une prestation de service à des agriculteurs et nous rétribuer une partie de leur CA » précise l’entrepreneur. « On essaie de faire un modèle respectueux de l’agriculteur en proposant un prix abordable, et parallèlement, d’avoir un télé-pilote qui peut vivre de son métier ».

L’accompagnement d’Abelio se situe ainsi autour de 25€ par hectare et par an pour une surveillance complète. Ce qui est compétitif par rapport au coût d’un épandage, généralement de 30€ par hectare pour un fongicide et de 60€ par hectare pour un herbicide.

La startup effectue en ce moment une levée de fonds participative via la plateforme Sowefund. L’objectif est de lever 500 000 euros pour continuer ses efforts de R&D à différents types de cultures et procéder à des tests sur le terrain. L’entreprise travaille pour cela en partenariat avec des coopératives agricoles, mais aussi avec certains agriculteurs et sur des exploitations expérimentales avec des agronomes. Elle compte déployer sa solution d’ici la fin de l’année 2020.

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