À Pontevedra, depuis 1999, les émissions de CO2 ont baissé de 61%. Sur la même période, les émissions de CO2 ont diminué d’environ 15% en France. 5 fois moins vite que dans cette petite ville espagnole, qui fait la taille de Poitiers. Alors, comment cette commune de 84 000 habitants a pu atteindre une baisse aussi considérable de ses émissions de CO2 ?

La réponse est simple : elle a bannie petit à petit les voitures de son territoire. Une mesure assez radicale mais l’exemple de Pontevedra montre deux choses : d’abord, que les habitants le vivent bien, puisque l’équipe municipale est systématiquement réélue depuis 1999. Ensuite, que les voitures sont bien responsables d’une forte dégradation de la qualité de l’air. Mais surtout, Pontevedra prouve qu’il est possible d’avoir des villes sans voitures.

Et tandis que les émissions de CO2 liées aux transports ont augmenté de 11,7% en France sur les 20 dernières années, cet exemple pourrait être suivi par de nombreuses communes en France et ailleurs. Et ce n’est pas tout. Car d’après les chiffres de la mairie de la ville espagnole, cette politique « anti-voitures » a aussi permis de re-dynamiser le centre-ville. 12 000 personnes seraient venues s’y installer depuis que les voitures en sont parties.

Alors, dans le détail, que faut-il retenir de l’exemple de Pontevedra ? On vous explique tout dans cet article.

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le centre-ville de pontevedra
À Pontevedra, les trottoirs n’existent plus et la chaussée appartient aux piétons.


D’abord, Pontevedra n’est pas réellement une ville sans voitures

Au commencement, il faut retenir que « ville sans voitures » est un raccourci. Techniquement, la circulation n’est pas interdite à Pontevedra. Cependant, les règles de circulation y varient selon l’endroit, la taille et l’importance de la rue. Par exemple, dans le centre-ville historique et dans les rues commerçantes importantes, il est en effet interdit d’y circuler en véhicule motorisé. On parle de voitures, mais aussi de camions et deux roues.

Cependant, cette interdiction n’est pas tout à fait radicale : les véhicules d’urgences, les services publics, les véhicules de livraison, les taxis et les voitures qui se rendent à un garage peuvent rouler dans Pontevedra en toute liberté. Et pour une ville de 84 000 habitants, cela fait quand même du monde.

Enfin, en dehors de ces zones de forte restriction, les autres rues sont tout à fait ouvertes aux voitures. Alors, certes, on ne peut pas s’y garer. Il n’y a presque aucune place de stationnement à Pontevedra. Et celles qu’on trouve (en dehors des parkings souterrains) sont limitées à des arrêts de 15 minutes.

C’est justement la première mesure à retenir de la réussite du modèle de Pontevedra. Car lorsqu’il n’y a pas de places pour se garer, les gens ne prennent pas leur voiture. L’autre point à retenir, c’est que le temps passé à chercher une place de parking, en ville, c’est l’un des plus importants facteurs de pollution. On estime que près de 20% du trafic automobile en ville est lié à la recherche d’une place de stationnement. Quoi de plus absurde ?

Le nombre de citadins qui prenaient la voiture pour un trajet à l’intérieur de la ville a baissé de 67%.


Repenser le stationnement pour réduire l’usage de la voiture

Qui n’a jamais conduit de voiture en centre-ville n’a jamais tourné pendant d’interminables minutes à la recherche d’une place pour se garer. Si cela vous arrive, c’est à priori le cas de milliers d’automobilistes autour de vous. Et quand on additionne le tout, on observe que la recherche d’une place de parking est l’une des principales sources de pollution de l’air à l’intérieur des villes.

Un problème tellement flagrant que certaines startups travaillent d’ailleurs sur des systèmes intelligents permettant de réinventer le stationnement, à l’instar de ce que propose Zenpark, ou encore ParkingMap.

Pour la mairie de Pontevedra, le fait de supprimer petit à petit la possibilité de stationner en ville et de proposer à la place des parkings souterrains accessibles facilement en ceinture péri-urbaine est l’une des clés du système. En quelques années, le nombre de citadins qui prenaient la voiture pour un trajet à l’intérieur de la ville a baissé de 67%. C’est énorme, et c’est ce qui permet la baisse conséquente de la pollution dans cette ville espagnole.

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panorama de la ville de pontevedra
61% d’émissions de CO2 en moins pour Pontevedra depuis que les voitures n’y sont plus les bienvenues


Piétons et cyclistes prioritaires sur les véhicules

Cette transition ne s’est cependant pas faite en un jour, ni en une mesure. Il a fallu y aller graduellement pendant presque 20 ans. Pour ce faire, la mairie de Pontevedra à procédé en plusieurs étapes :

La première mesure, en 1999, a été d’acter la piétonnisation du centre-ville historique. La ville a ensuite re-qualifiée les règles de priorité dans son espace public. Ainsi, la priorité sur la voie publique est devenue la suivante :

1. Les piétons

2. Les mobilités actives (vélos, trottinettes)

3. Les transports en commun

4. Les véhicules motorisés

À Pontevedra, depuis 1999, les émissions de CO2 ont baissé de 61%, contre 15% en France sur la même période


Pour les véhicules motorisés, outre le fait de ne plus être prioritaire, leur vitesse est également réduite et plafonnée à 30km/h.

Un point essentiel adopté cette année par plusieurs villes françaises comme Lille, qui a passé 88% de ses rues à 30km/h, ou encore Grenoble qui l’a fait dès 2016. Parmi les aménagements post-confinement, de nombreuses villes ont également crée des zones 30 au moins en centre-ville. Mais Pontevedra, toujours avec un temps d’avance, vient d’abaisser la vitesse autorisée dans son hypercentre de 30km/h à 10km/h.

Enfin, la majorité des trottoirs ont été supprimés et la ville à mis en place ce qu’elle appelle des « Metrominutos », une sorte de plan qui renseigne sur les distances et temps nécessaires pour se déplacer à pied dans la ville.

metrominuto pontevedra
Le Métrominuto de Pontevedra


Quels résultats pour la politique « piétonne » de Pontevedra ?

Comme on l’a dit, la pollution de l’air a diminué de 61% à Pontevedra. Rien que ce chiffre pourrait légitimer le fait d’imposer les mêmes restrictions dans toutes les villes d’Europe. Mais ce qui est important, c’est la durée et la pédagogie de l’équipe municipale.

Ce changement, il s’est fait sur 20 ans, et il s’est fait en bonne intelligence avec les citadins de la ville. Et l’équipe municipale a été réélue 4 fois de suite. Il faut garder cette notion à l’esprit quand on parle de transition écologique. Car cela prend du temps. Le temps, c’est la notion la plus importante.

En parallèle, à Pontevedra, ce sont aujourd’hui 70% des déplacements qui se font à pied. Des déplacements qui se font d’ailleurs dans des conditions de sécurité optimales. Il n’y a presque plus eu de décès liés aux accidents de la route (uniquement 3 décès entre 2007 et 2016). Le centre-ville de Pontevedra est également plus dynamique et plus agréable. 12 000 personnes sont venues s’installer dans le centre-ville ces dernières années. La qualité de vie est en hausse. C’est important de le souligner.

Ainsi cette ville « laboratoire » prouve que l’usage de la voiture en centre-ville n’est pas une nécessité et que cela ne gâche en rien la vie des habitants. Elle fait d’ailleurs des émules. Toujours en Espagne, la ville de Séville vient par exemple d’installer à son tour des « metrominutos » afin de sensibiliser sa population au fait qu’un trajet à pied est souvent moins long qu’on ne le croît.

En Norvège, c’est la ville d’Oslo qui s’inspire également de ce modèle en faisant le pari de devenir la 1ère capitale au monde à exclure les véhicules motorisés. En France, la commune de Vitré, près de Rennes, vient de passer l’intégralité de sa ville en zone limitée à 30 km/h et réfléchit à d’autres mesures pour réduire la place de la voiture. Tout comme Lille et beaucoup d’autres communes.

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