À date, il s’agit probablement de la plus belle surprise de l’année 2020 en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Alors que la circulation des véhicules thermiques (camions et voitures en tête) est le premier facteur d’émission de CO2 mais aussi une source de bruit, de congestion et de dangers – particulièrement en centre-ville – la période de confinement/déconfinement que nous vivons actuellement est en train d’ériger le vélo comme un mode de transport à privilégier devant les transports en communs et la voiture individuelle.

Si certaines métropoles en profitent pour accélérer un calendrier déjà prévu de longue date, force est de constater que les initiatives des pouvoirs publics et des collectivités commencent enfin à s’aligner sur les exemples de villes durables – à l’image de Copenhague – ayant mis la bicyclette au coeur de leurs préoccupations. Une tendance qui s’explique notamment par le recours à l’urbanisme tactique.


L’urbanisme tactique à la rescousse du vélo

La notion d’urbanisme tactique a très vite émergé durant la période de confinement, notamment mise en valeur par l’excellente veille des ingénieurs de l’ADEME Eric Vidalenc et Mathieu Chassignet. Cette pratique, sorte d’équivalent du Minimum Viable Product chère au monde des startups, permet en effet de favoriser le développement d’infrastructures urbaines éphémères, avec peu de moyens, dans le but de faire émerger de nouveaux usages.

Dans le contexte actuel où l’usage des transports en commun est plus limité ; et afin de palier à un retour en force de la voiture individuelle et des externalités qu’elle entraine (pollution, congestion, bruit), le recours à l’urbanisme tactique sert à faire émerger des pistes cyclables un peu partout dans le monde…. avec des résultats plus qu’encourageants.

D’autant que si les métropoles s’emparent rapidement du sujet (50km de pistes temporaires à Paris, 60km à Nice), ces pistes cyclables émergent également dans les territoires ruraux et péri-urbains, plus en retrait ces dernières années sur le sujet comme le démontrait récemment un rapport de l’ADEME sur l’économie du vélo.


Développer les services et l’économie du vélo

Au-delà de ces pistes cyclables qui naissent un peu partout et dont on espère que tout ou partie restera en place dans les prochains mois, on note également une réelle volonté de développer l’économie et les services associés à l’essor de la pratique du vélo.

Le forfait mobilité durable est ainsi entré en vigueur le 11 mai 2020 au lieu du 01er juillet. Ce dispositif porté par la Loi d’Orientation des Mobilités prévoit que les employeurs pourront rembourser à leurs salariés un montant maximal de 400 euros par an, exonéré de charges sociales et fiscales, pour encourager les déplacements domicile-travail à vélo ou par covoiturage. Seul regret, à l’inverse du remboursement des transports en commun, ce forfait n’est pas obligatoire. Mais il permet d’encourager la pratique.

Plus intéressant, on note aussi le lancement de la plateforme coupdepoucevelo.fr par le ministère de la Transition Écologique en partenariat avec la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB) pour les personnes souhaitant l’aide d’un professionnel pour remettre en état un vélo d’occasion.

Le gouvernement a mis en place un forfait de 50 euros (hors taxes) pris en charge par l’État et permettant de faire réparer sa bicyclette d’occasion, ou au moins de couvrir une partie des frais, sur présentation d’une pièce d’identité et d’un téléphone portable, indique la FUB, dont le but est de remettre en route environ 300.000 bicyclettes. Avec déjà des résultats plus que positifs après quelques semaines.

Certaines métropoles s’engagent également dans cette démarche de manière plus volontaire. C’est par exemple le cas à Nantes où la métropole propose 50€ supplémentaires pour faire réparer son vélo. Ces dispositifs commencent également à s’étendre à l’étranger, comme c’est le cas au Royaume-Uni ou en Italie.


Une « académie des métiers du vélo » sur les rails

Au final, cette initiative s’inscrit dans un plan plus global de 60 millions d’euros, qui vise à inciter les françaises et les français à se remettre au vélo. Un plan qui doit servir également à financer des places de stationnement temporaires mais également à ouvrir la voie à la professionnalisation des métiers du vélo.

Ainsi, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a annoncé ce jeudi 14 mai la création d’une « académie des métiers du vélo ». L’objectif est de développer des guides techniques ainsi qu’une plateforme web et des supports de formation. Mais également de former des experts du vélo de tous les niveaux : au moins 250 personnes dans les prochaines semaines pour accompagner l’essor du vélo en cette période de déconfinement.

À terme, cette opération devrait permettre de former 500 mécaniciens vélos certifiés chaque année afin de « développer une véritable expertise française du vélo » selon les propos du ministère. Un coup de boost pour la pratique du vélo qui pourrait permettre à la France de rattraper son retard sur la question alors que la part modale de la bicyclette dans nos déplacements n’est que de 2% à l’heure actuelle (contre 9% en moyenne en Europe).

Il faut évidemment souhaiter que cet engouement pour le vélo, qu’il soit mécanique ou électrique, puisse perdurer au-delà de la période estivale et s’inscrire dans la durée. Cependant les signes positifs sont nombreux, à en juger par les tests actuellement menés par l’enseigne Decathlon pour démocratiser la location longue durée et sans engagement de vélos ou par cette pétition qui circule déjà pour que les « coronapistes » de la ville de Nice deviennent permanentes.

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