En France, 36 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au secteur alimentaire. Au carrefour des enjeux d’énergie, d’agriculture, de biodiversité, de transport et de santé, l’alimentation cristallise les problématiques environnementales et sociales d’aujourd’hui. Dans ce cadre, réduire le gaspillage alimentaire et redonner du sens à notre alimentation est un enjeu crucial. La technologie et l’innovation permettent de réduire ce gaspillage en apportant leurs solutions. C’est ce que proposent de nombreuses entreprises françaises engagées contre ces pratiques.

Mais parfois la solution vient aussi de détails qui n’ont l’air de rien. Ainsi, réviser le système régissant les dates de péremption permettrait de réduire le gaspillage alimentaire. C’est ce que nous dit le livre blanc cosigné par Too Good To Go (acteur majeur de la lutte anti-gaspillage en Europe) et France Nature Environnement. Ce rapport est intitulé « Les dates de péremption, une idée dépassée ? ». 

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une assiette de fruits et légumes bio
Le gaspillage alimentaire représente, en France, 10 millions de tonnes d’aliments chaque année.


Pourquoi le gaspillage alimentaire est lié aux dates de péremption ?

En France, le gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes par an et coûte 16 milliards d’euros. Or, les dates de péremption sont largement impliquées dans ce grand gâchis. D’après la Commission Européenne, elles seraient responsables de 20 % du gaspillage alimentaire dans les foyers et sont la plus grosse source de gaspillage dans la grande distribution. Au global, elles représentent 10 % du gaspillage alimentaire en Europe.

Les dates de péremption ont comme objectif premier de servir d’indicateur fiable d’hygiène ou de qualité. Elles sont divisées en deux classe :

La Date Limite de Consommation“à consommer jusqu’au” : Une date après laquelle le produit peut présenter des risques pour la santé. Elle est indiquée sur des produits considérés hautement périssables.

La Date de Durabilité Minimale“à consommer de préférenceavant le/fin” : Une date après laquelle le produit perd des vertus (goût, odeur, apports nutritifs) sans présenter de risques pour la santé.

Les impacts réels de ces dates, et parfois même leur signification, sont mal compris par les consommateurs. De plus, depuis leur apparition dans les années 1970, les dates de péremption sont définies uniquement par les fabricants. Elles peuvent donc varier pour un même produit et sont ainsi une source de confusion pour les particuliers. Par précaution ou pour des raisons sanitaires, ces dates induisent finalement 20% du gaspillage dans les foyers.

Elles aboutissent également à de nombreux invendus lorsque les dates arrivent à échéance. Selon les études, entre 55% et 94,8% du gaspillage alimentaire dans le secteur de la distribution est lié aux dates de péremption. En outre, le cadre règlementaire concernant ces dates provoque également 5% du gaspillage au niveau des producteurs. Ainsi, au delà de l’aspect environnemental du gaspillage alimentaire, redonner du sens et de la légitimité aux dates de péremption représente un intérêt économique à la fois pour les producteurs, la distribution et les consommateurs.

Des aliments jetés à la poubelle.
Les dates de péremption seraient responsables de 10% du gaspillage alimentaire en Europe.


Les 4 recommandations prioritaires du rapport

Le constat de France Nature Environnement et Too Good To Go, c’est qu’il faut modifier le système des dates de péremption afin de limiter leur impact sur le gaspillage alimentaire. Les deux organisations proposent 4 recommandations pour y parvenir.

Harmoniser les dates de péremption.

Fautes d’harmonisation, les dates de péremption manquent de crédibilité et génèrent des mauvaises pratiques. Le rapport cosigné par Too Good To Go et France Nature environnement recommande un travail par interprofession afin de fixer les mêmes dates sur des produits phares et participer ainsi à la réduction du gaspillage alimentaire.

Mieux distinguer Durabilité Minimale et Limite de consommation

DLC et DDM sont souvent confondues. Cela induit un gaspillage alimentaire qui est évitable. Le rapport recommande de repenser la mention des DDM ainsi que l’inscription des dates sur le packaging. Cela participerait à l’éducation et la sensibilisation des consommateurs. En 2017, la Norvège a lancé la même initiative et les quatre plus importantes industries laitières du pays ont décidé de rajouter “mais pas mauvais après” sur les produits concernés. D’après l’étude de la commission européenne, une telle initiative, accompagnée d’une campagne de sensibilisation a permis de clarifier la différence entre les deux dates et a eu un impact positif sur la réduction du gaspillage alimentaire.

Eduquer et sensibiliser le grand public

En ce qui concerne la responsabilité des fabricants, des distributeurs et de l’Etat vis à vis des consommateurs, le rapport souligne le travail d’éducation et de sensibilisation qu’il faut effectuer pour assurer une meilleure compréhension des dates de péremption et éviter le gaspillage alimentaire induit.

Repenser la relation entre fabricants et distributeurs

Enfin, il y a le cadre règlementaire. Le rapport recommande notamment de réviser la règle des 1/3 2/3. Ce cadre contraignant induit un gaspillage alimentaire qui pourrait être évité si l’on permettait aux fabricants de revaloriser les produits de marque distributeur qui n’ont pas respecté les règles fixées contractuellement et doivent sortir du circuit de vente.

Too Good To Go est un acteur qui lutte contre le gaspillage alimentaire en Europe.
L’application Too Good To Go permet de réduire le gaspillage alimentaire.


Des bonnes pratiques déjà mises en oeuvre

Les produits issus du vrac ne présentent pas de dates de péremption. De la même manière qu’un morceau de fromage acheté chez le fromager n’en comporte pas. Ce qui prouve que les consommateurs adaptent leur comportement en fonction de ces indications. Le rapport établi par Too Good To Go pointe également les bonnes pratiques déjà mises en oeuvre par le secteur de la distribution à ce sujet afin de montrer la voie et engager tous les acteurs sur ces sujets. Ainsi,

– En 2015, Carrefour a, par exemple, augmenté la durée de vie de 500 de ses produits de marque distributeur sans en changer la composition et sans impacter la rotation de ses stocks. La DLC a été allongée entre 7 et 10 jours pour les yaourts, et entre 2 et 8 jours sur les crèmes dessert.

– Système U a mis en place un dispositif d’enregistrement des DLC. Il permet un suivi localisé et précis des produits arrivant à date de péremption afin de les placer au-devant des étals et de les retirer au bon moment pour les donner aux associations.

– Le groupe Delhaize a décidé de mettre prioritairement en rayon les produits dont la date de péremption est la plus courte (en gardant les autres produits dans la chambre froide). Ceci afin d’encourager les ventes vers les produits qui risquent le gaspillage.

– Franprix a mis en place les étiquettes intelligentes de Cryolog pour son e-commerce sur Paris et sa première couronne en 2017. Cryolog est basé sur un système microbiologique qui passe du vert, au orange foncé et enfin au rouge lorsque le produit n’est plus bon à consommer.

Avec ces propositions au sujet des dates de péremption, Too Good To Go et France Nature Environnement montrent qu’il est possible de réduire le gaspillage alimentaire en modifiant la manière de gérer les dates de péremption. Une manière d’alerter sur le fait que ces actions sont celles qui permettront d’atteindre l’objectif que le gouvernement s’est fixé pour 2025 : réduire de 50 % le gaspillage alimentaire en France.

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