L’ambition franco-allemande de construire une sorte d’Airbus des batteries pour voitures électriques est officielle depuis le début de l’année 2019. L’Allemagne et la France devraient investir près d’un milliard d’euros, et l’Union Européenne environ 1,2 milliards en subventions dans ce projet. L’Italie, la Belgique, la Pologne, l’Autriche et la Finlande devraient également participer. Sur les 6 milliards nécessaires, des acteurs du privé financeront le reste. De quoi, selon Emmanuel Macron, soutenir « la naissance d’une nouvelle filière industrielle ».
Ce projet de créer un champion européen des batteries vise à réduire la dépendance du vieux continent vis à vis de l’Asie, en particulier de la Chine et de la Corée du Sud. D’ailleurs, sur la demi-douzaine d’usines de batteries lithium-ion en chantier sur le continent européen, la plupart sont la propriété de marques asiatiques comme LG ou Samsung. En tout et pour tout, l’Europe représente uniquement 1% de la production mondiale de batteries. Si peu, alors que les ambitions du continent sont fortes en matière de transition écologique. Grâce à ce consortium – comptant environ 17 entreprises industrielles – l’Europe pourrait donc se doter d’un outil technologique pour assurer l’essor du véhicule électrique sur son territoire.
⚙️ La ligne pilote doit permettre de décider de l’investissement dans une usine de fabrication à grande échelle :
— Saft (@Saft_batteries) January 30, 2020
1⃣ Démarrage de la ligne pilote : 2021 🗓️
2⃣ 1ère usine en 🇫🇷 : 8 GWh ➡️ 16 GWh
3⃣ 2e usine en 🇩🇪 : 8 GWh ➡️ 16 GWh
4⃣ 48 GWh au total d’ici 2030#EUBatteryAlliance pic.twitter.com/ATK4eMJEbo
Un projet-pilote d’ici 2021 et 2 usines d’ici 2024
Ce jeudi 30 janvier, le Président de la République était d’ailleurs à Nersac, en Charente-Maritime, afin de participer à l’ouverture d’une nouvelle ligne de production de batteries électriques dans une usine de l’entreprise française Saft. Un pionnier de la batterie qui fait partie des 17 acteurs à intégrer ce consortium européen. Cette ligne de production « pilote » doit permettre de tester l’industrialisation des process et employer environ 200 personnes. Elle sera opérationnelle à partir de l’été 2021. En parallèle, Saft devrait ouvrir deux sites de production à grande échelle (environ 2 000 employés à chaque fois) dans le Pas-de-Calais fin 2021 ainsi qu’à Kaiserslautern, en Allemagne, d’ici 2024.
Ce projet est porté par une alliance entre le constructeur PSA et Total. Les deux géants envisagent d’ailleurs la création d’une co-entreprise pour gérer la production des batteries lithium-ion. Aujourd’hui, cela passe par une association entre Saft et PSA. Créée en 1918, Saft est un véritable pionnier en matière d’industrie électrique, côté civil, militaire et spatial. L’entreprise équipe notamment des satellites, mais aussi le robot Philae, par exemple. Après avoir vécu sous le giron d’Alcatel puis d’un fonds d’investissement britannique, l’entreprise est rachetée près d’un milliard d’euros par Total en 2016.
Cette usine de production est donc la première étape visible de ce projet européen. De l’autre côté du Rhin, le groupe Volkswagen travaille sur un projet similaire avec le géant Norvégien Northvolt. Cependant, rien n’assure que ces projets puissent concurrencer réellement les productions asiatiques ou même américaines, qui sont déjà plus matures économiquement. C’est cependant un début intéressant pour tenter de combler notre incompréhensible retard en la matière.
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1 million de véhicules électriques en France d’ici 2022
Aujourd’hui la France compte 227 000 véhicules électriques et hybrides avec l’objectif de porter ce chiffre à 1 million d’ici 2022. Une électrification du parc qui passe par de nombreux investissements. Outre la transition demandée aux constructeurs, ce sont aussi les infrastructures, et en particulier les bornes de recharge, qu’il faut déployer à grande échelle. Des projets sur lesquels travaillent par exemple certaines entreprises comme Freshmile.
Outre les véhicules et les infrastructures, la question de l’électrification du parc automobile français, voire mondial, pose aussi certaines questions d’un point de vue environnemental. Si la France possède un mix-énergétique bas-carbone, ce n’est pas le cas partout. Et des millions de véhicules électriques qui tournent grâce aux centrales à charbon – ce qu’on pourrait voir en Allemagne, par exemple – n’est pas un bon signal pour la planète. Par ailleurs, on peut s’accorder sur l’idée que l’électromobilité va réduire les émissions de CO2 des véhicules lorsqu’ils roulent. Mais environ 75% de l’empreinte carbone d’un véhicule se fait lors de sa phase de conception. Par ailleurs, la question de la fin de vie des batteries n’est pas réglée. Aujourd’hui, uniquement 50% de la masse des batteries lithium-ion est recyclée à l’échelle européenne.
Enfin, d’un point de vue sanitaire, l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) insiste sur le fait que l’électrification du parc ne réduira pas les dangers liés aux émissions de particules fines. Et qu’il faut donc continuer d’insister sur la réduction de l’usage de la voiture individuelle lorsqu’elle n’est pas absolument nécessaire, c’est à dire pour des trajets qui peuvent s’effectuer à pied, en vélo, en EDPM ou en transports en commun. Et cela fait beaucoup de trajets à éviter, même quand on a une voiture électrique.