De plus en plus confrontées à des problèmes de congestion et de pollution de l’air, les villes ont l’obligation de repenser et densifier leurs offres de transport en commun. Dans ce contexte, les téléphériques urbains sont une option qui attire de plus en plus l’attention en raison de leur faible empreinte carbone mais aussi d’avantages économiques indéniables.
Ils représentent cependant une solution qui peine encore à séduire en France, où les projets commencent tout juste à sortir de terre et se heurtent à des questions d’acceptabilité. L’occasion de revenir sur les avantages environnementaux de ces téléphériques urbains et sur les défis à surmonter pour en faire une solution viable à long terme.
Un transport utile pour les zones difficiles d’accès
Sur le papier, les téléphériques urbains présentent de nombreux avantages et méritent sans aucun doute de figurer parmi les réflexions des communes souhaitant réduire la congestion routière avec une alternative de transport rapide et efficace dont l’empreinte environnementale est réduite. Puisqu’ils fonctionnent à l’électricité, il n’y a pas d’émissions directes de CO2 et la solution est ainsi très intéressante dès lors que le mix-électrique est renouvelable ou bas-carbone. « Il n’y a pas plus propre que le transport par téléphérique, il n’y a pas plus sécurisé, il n’y a pas plus silencieux et en plus il n’y a pas moins coûteux » précisait ainsi Ségolène Royal, alors Ministre de l’Environnement, lors de l’inauguration du téléphérique de Brest en 2016.
Concrètement, les téléphériques urbains présentent de nombreux avantages. Ils sont surtout efficaces pour relier des quartiers qui sont difficiles d’accès en voiture ou en transports en commun et pour améliorer l’accessibilité de certaines zones en altitude, de franchir les rivières ou de passer au-dessus de zones peu ou pas constructibles. Par ailleurs, le téléphérique possède une faible emprise au sol et permet donc de répondre à la réduction de l’artificialisation des sols. De plus, sa mise en oeuvre ne provoque pas de grandes perturbations sur le trafic comme cela peut être le cas pour la construction de lignes de tramways.
En règle générale, les projets de téléphériques urbains sont également moins coûteux à construire et à entretenir que les métros ou les tramways. À Bordeaux, le coût des projets de télécabine est estimé entre 53 et 75 millions d’euros. Celui de Toulouse à coûté 93M€. Mais en parallèle, on estime qu’un kilomètre de tramway coûte entre 20M€ et 30M€. La maintenance des cabines est également moins coûteuse, notamment puisque le nombre de cabines est assez réduit et qu’il n’y a pas besoin d’espace de stockage particulier. Enfin, les téléphériques – ou télécabines – sont un atout non-négligeable en matière d’attractivité en offrant une vue panoramique sur la ville.
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Une solution déjà plébiscitée à l’étranger
Un transport sûr, écologique et économique : ce sont en grande partie les raisons qui poussent actuellement la ville de Bordeaux à réfléchir à un projet de télécabines pour franchir la Garonne, décongestionner le trafic et faciliter la liaison avec les communes limitrophes de Lormont et Cenon. La métropole bordelaise n’est cependant pas la seule à regarder de près ce mode de transport.
À l’heure actuelle, très peu de villes françaises sont équipées d’un téléphérique urbain. C’est celui de Grenoble qui est le plus ancien de France. Inauguré en 1934, modernisé en 1976, il relie le centre-ville à la colline de la Bastille sur environ 700 mètres. Il transporte chaque année environ 300 000 personnes. Inauguré en 2016, le téléphérique de Brest permet de relier les deux rives de la rivière Penfeld. Plus récemment, c’est la ville de Toulouse qui a inauguré un téléphérique en mai 2022. Il s’agit de la plus longue ligne de téléphérique française. Elle mesure 3 kilomètres et permet de traverser la Garonne et la colline de Pech-David.
À l’étranger, les projets de téléphériques urbains sont beaucoup plus nombreux, en particulier en Amérique du Sud où ils représentent un véritable mode de transport en commun. La Paz, en Bolivie, est sans doute la capitale mondiale du téléphérique urbain puisqu’elle possède aujourd’hui 10 lignes de téléphérique permettant de relier la capitale bolivienne avec ses banlieues grâce à un réseau de 36 stations réparties sur une trentaine de kilomètres. 300 000 passagers y empruntent chaque jour les télécabines. À côté, Caracas au Venezuela, Rio de Janeiro au Brésil ou encore Medellín en Colombie sont également équipées de téléphériques urbains qui sont utilisés comme des transports en commun à part entière.
Dans une logique plus touristique, on peut également citer le Roosevelt Island Tramway à New-York, le téléphérique de Coblence, en Allemagne, où encore le funiculaire de Montjuic à Barcelone. En France comme en Europe, il existe cependant de nombreux projets qui sont en train d’émerger. Mais certaines contraintes restent encore à lever, notamment sur des questions d’acceptabilité par les riverains.
Une problématique d’acceptabilité ?
Au-delà de leurs avantages indéniables, les téléphériques urbains se heurtent évidemment à certaines limites qui freinent leur développement. D’abord, en matière de desserte, les téléphériques sont généralement construits sur de courtes distances et leur fonctionnement fait qu’ils comportent peu d’arrêts en comparaison avec les autres modes de transports. La longueur des projets de téléphériques urbains oscille, en moyenne, entre 3 kilomètres et 5 kilomètres. Par ailleurs, l’infrastructure nécessite une construction en lignes droites qui peut être contraignante.
Il existe aussi des contraintes réglementaires en zones urbaines puisqu’il faut s’assurer d’une distance de 20 mètres entre le point le plus bas du véhicule et le point le plus haut du bâtiment survolé. En outre, l’efficacité des téléphériques est également liée à une question d’intermodalité et de leur connexion avec d’autres modes de transports en commun et à la présence de parkings.
Enfin, l’installation de pylônes pose aussi des questions d’acceptabilité pour les riverains tout autant que la question de la vie privée lorsque maisons ou jardins sont survolés. D’ailleurs, jusqu’en 2016, une loi interdisait de survoler les habitations. Depuis, de nombreux projets ont été arrêtés à Orléans, Marseille, Paris ou encore Issy-les-Moulineaux pour des raisons de rejet émanant des habitants.