Que ce soit d’un point de vue économique, sanitaire ou environnemental, la pollution lumineuse est à l’origine de nombreux désagréments. Elle perturbe notamment le cycle de la reproduction chez certains animaux et insectes, et est même reconnue comme un perturbateur endocrinien chez les humains.
En France, on compte par exemple 11 millions de points lumineux et 4 millions d’enseignes allumées la nuit. Un chiffre en constante augmentation, qui a presque doublé ces vingts dernières années. Et si l’éclairage public ne représente que 1% de la consommation d’électricité chaque année, il compte pourtant pour environ 40% du budget des collectivités. Un poids économique qui n’est pas anodin. Par ailleurs, difficile de faire sans lumière la nuit en ville pour des raisons de sécurité.
Pour tenter de remédier à ce triptyque coûts-environnement-sécurité, des alternatives apparaissent ces dernières années. Au premier lieu desquelles des lampadaires équipés de capteurs, pour ne s’allumer qu’au passage d’un piéton ou d’une voiture. Mais d’autres entreprises se tournent aussi vers des éclairages plus doux ou naturels. C’est notamment le cas d’OliKrom, une entreprise française qui a développé une peinture photoluminescente.
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Un marquage routier qui capte le rayonnement solaire
OliKrom est une entreprise spécialisée dans l’intelligence des couleurs. Selon les besoins de secteurs variés (alimentaire, BTP, cosmétique), la société conçoit des produits dont la spécificité est qu’ils réagissent en changeant de couleur au contact de différents perturbateurs (température, luminosité, gaz, pression).
4 ans après sa création en 2014, l’entreprise a pris un autre tournant en s’insérant dans une démarche écologique avec le lancement de leur produit LuminoKrom en 2018. Il s’agit d’un produit développé en partenariat avec Eiffage dans le cadre du programme de l’ADEME « Route du futur ».
Ensemble, les deux entreprises ont mis au point une technologie qui se sert de la photoluminescence pour le marquage routier en ville. Concrètement, il s’agit donc d’une peinture au sol qui s’éclaire dès la nuit tombée. « Nous avons travaillé pendant plus de 4 ans pour mettre au point une peinture routière capable de tenir et d’émettre de la lumière toute la nuit ; et bien sûr de respecter l’ensemble des contraintes imposées par un usage de marquage routier, c’est à dire une bonne adhérence et une bonne rétro-réflexion » précise Jean-François Létard, fondateur d’OliKrom et ancien directeur de recherche au CNRS.
Une intensité 10 000 fois plus faible que celle des lampadaires
La technologie LuminoKrom a été conçue pour être visible sur une distance suffisante pour les différents usagers de la route. Selon des mesures effectuées par l’Université Gustave Eiffel, la peinture peut être visible jusqu’à 80 m. Autre avantage, contrairement aux lampadaires classiques qui ont un rayon d’éclairage plus large et plus intense, la lumière émise est 10 000 fois plus faible que celle des lampadaires.
La peinture LuminoKrom a été expérimentée pour la première fois en France en 2018, à Pessac, en Gironde, sur une piste cyclable de 2km, afin de promouvoir l’essor des mobilités douces. Un produit qui a d’abord pour principale utilité de guider les cyclistes et les piétons dans l’obscurité, mais qui pourrait être étendu petit à petit à d’autres usages. « Nous sommes en train de déployer notre technologie pour sécuriser les zones accidentogènes comme des ronds-points ou des chicanes » ajoute Jean-François Létard.
La peinture développée par OliKrom peut ainsi s’illuminer pendant 10 heures jusqu’au lever du jour et fonctionne sans contraintes. Que ce soit sous les arbres, par temps de pluie ou de brouillard, elle est toujours capable de se recharger en stockant les rayons du soleil.
Une quarantaine de villes françaises déjà équipées
3 ans après le début de l’expérimentation sur une voie cyclable et piétonne et une route nationale en Nouvelle-Aquitaine, la peinture photoluminescente demeure aujourd’hui intacte et émet une lumière toujours aussi intense qu’au moment de son application.
Une quarantaine de villes sont désormais équipées de ce dispositif en France ainsi qu’une autre en Belgique. Bientôt, l’innovation LuminoKrom devrait être exportée en Afrique. Du côté d’OliKrom, plusieurs projets sont également en cours de développement, notamment sur la production de nouveaux produits utilisant l’intelligence des couleurs. Les secteurs sur lequel l’entreprise prévoit donc d’intervenir sur des question liées aux ilots de chaleur ou encore sur une technologie capable de détecter les fuites de gaz.