Il y a un peu plus d’un an, à l’été 2021, la Commission européenne a saisi la Cour de justice pour non-respect des exigences en matière de traitement des eaux urbaines résiduaires en France. Une sanction qui fait suite à plusieurs alertes dont les premières datent du début des années 2000 et qui met en lumière les manquements de l’hexagone en termes d’assainissement. Ainsi, selon le rapport publié par la Commission européenne en septembre 2020, l’Allemagne atteignait par exemple 100 % de conformité pour la collecte et le traitement de ses eaux usées en 2016 contre seulement 85 % pour la France. Toujours d’après ce rapport, ce sont « plus de 100 agglomérations de plus de 2.000 habitants » qui sont concernées par des infrastructures défaillantes sur le territoire.

En Europe, le projet C-FOOT-CTRL permet de surveiller les stations d’épuration grâce à une mesure précise de leur empreinte carbone et des quantités de gaz à effet de serre qu’elles émettent. Outre le CO2, les stations d’épuration rejettent également de grandes quantités de Protoxyde d’Azote, un puissant gaz à effet de serre. L’amélioration de ces infrastructures revêt alors plusieurs enjeux, à la fois de réduction de la pollution des milieux mais aussi des enjeux en matière d’efficacité énergétique, étant donné qu’aujourd’hui, on estime que les stations d’épurations consomment environ 1% de la demande d’électricité de l’Union européenne.

En la matière, des innovations voient le jour sur le terrain du traitement des eaux usées, notamment pour valoriser la biomasse des STEP et la transformer en biométhane. D’autres innovations viennent modifier la manière dont ces stations fonctionnent, à l’image de ce que propose la startup NXO Engineering, qui a fait le pari d’utiliser des micro-algues pour améliorer ce processus.

Une expérimentation aux racines relativement anciennes

César Narvaez, ingénieur biomasse de formation, découvre l’intérêt des micro-algues et de leur capacité à fixer le carbone atmosphérique en participant aux projets de recherche Vasco 1 et Vasco 2, au début des années 2010, qui devaient notamment étudier le potentiel des micro-algues pour le traitement des fumées industrielles. Il lui vient alors l’idée de les appliquer au traitement des eaux usées : nous sommes en 2016, NXO Engineering est né.

Il faut savoir que les stations d’épuration classiques sont aussi énergivores que polluantes. « Si l’on prend les quelques 22 000 stations d’épuration à boue activée en France, elles représentent environ 1% de nos émissions de gaz à effet de serre, et 30 à 45% du fonctionnement de la régie des eaux leur est dédiée » souligne Vincent Bernad, ingénieur chez NXO Engineering.

C’est dans ce contexte que la startup décide de recourir aux micro-algues afin de développer un système conciliant assainissement, traitement de la pollution et sobriété énergétique. Fruit d’une association avec le CNRS, l’Ifremer et l’Inrae, la solution NXO Engineering repose sur un processus d’eutrophisation contrôlé dans des tubes d’environ deux mètres. Les micro-algues qui s’y développent sont nourries par le phosphore et l’azote de la station, et ingèrent du CO2 en grandes quantités. « La consommation énergétique moyenne des stations de la filière boue activée est de l’ordre de 0,8kWh/m3 d’eau traitée, contre 0,12 avec notre procédé, et pour 100 équivalent habitants, on va être capable de capter 25 tonnes de carbone et d’en éviter 250 » précise l’ingénieur.


Des stations moins polluantes et à énergie positive

Financée pour moitié par l’Agence de l’eau Méditerranée-Corse, c’est entre 2018 et 2019 que l’entreprise réalise son premier banc d’essai. Par la suite, c’est un véritable travail d’optimisation que la startup a dû mener pour rentabiliser la filière. Celle-ci s’est ainsi heurtée à la contrainte posée par le foncier. Face à cela, NXO Engineering, qui a pour ambition de « développer un système universel, pouvant répondre aussi bien aux territoires urbains qu’industriels » a eu l’idée de verticaliser le traitement. Une innovation qui sort lauréate de l’édition 2021 du concours I-NOV de l’Ademe.

La pollution n’est désormais plus traitée horizontalement, mais verticalement dans de grands tubes en PMMA. Un véritable gain d’espace, mais aussi d’adaptabilité : si nombre de stations sont désormais sous-dimensionnées, les tubes NXO permettent quant à eux d’augmenter la capacité de traitement au fur et à mesure de l’évolution de la population. Des travaux de fabrication d’une station de moyenne capacité sur le site d’essai de l’entreprise sont d’ailleurs prévus à l’automne, pour une inauguration au premier trimestre 2023.

Autre intérêt majeur, ces stations d’épuration nouvelle génération s’avèrent être à énergie positive. Outre les atouts évoqués plus haut, il est aussi possible de récupérer la biomasse produite, qui est ensuite déversée dans un méthaniseur. Permettant de produire du biométhane, ce dernier est utilisé ensuite pour le fonctionnement de la station ou injecté dans le réseau. « C’est un vrai changement de paradigme car, dans les Plans Climat Territoriaux, on remarque que 50% des émissions proviennent des stations d’épuration ». Pour lui, la solution proposée permet donc d’inverser la tendance, en diminuant non seulement les émissions de gaz à effet de serre mais aussi en produisant une énergie décarbonée.

Dans un futur proche, la startup, qui s’adresse autant aux collectivités qu’aux industriels, souhaite commercialiser sa première STEP en 2023 et envisage une levée de fonds afin de passer à l’échelle par la suite.

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