Nul besoin de creuser bien loin pour les trouver : couvrant le sable, flottant dans l’eau, les déchets plastiques ont investi le littoral corse tout autant que le reste de la Méditerranée. Un rapport du WWF considère d’ailleurs que la mer Méditerranée est aujourd’hui la mer la plus polluée au monde, alors qu’elle ne représente que 0,8% de la surface totale des mers du globe.

Ainsi, il y aurait une concentration de particules de plastique quatre fois plus élevée en mer Méditerranée par rapport à ce qu’on retrouve ailleurs. Une différence qui tient aux caractéristiques de cette mer « au milieu des terres », dans laquelle les plastiques se retrouvent emprisonnés.

Aux premières loges de ce désastre, Pierre-Ange Giudicelli observe cette catastrophe écologique prendre de l’ampleur au fur et à mesure que passent les années, lui qui s’est lancé il y a 6 ans dans un projet de tour de Corse à la voile afin d’étudier le phénomène de la pollution plastique avec son compère Anthony-Louis Fusella.


CorSeaCare : une mission scientifique autour de la Corse

L’association Mare Vivu, avec la mission CorSeaCare, rassemble chaque été depuis 2016 une dizaine de jeunes de tous horizons dans le but de faire un tour de l’île à la voile, afin de collecter et analyser des déchets plastiques. Une expédition ponctuée généralement par des escales dans le but de faire de la sensibilisation : conférences, ateliers sur la plage ou encore projections de films.

Pour mieux comprendre le problème de la pollution plastique et ses implications pour le territoire Corse, les fondateurs de Mare Vivu ont réussi à s’associer à différents pôles scientifiques comme le centre Ifremer de Bastia, le CNRS de Toulon ou encore la station océanographique de Calvi. Ensemble, ils définissent ainsi des protocoles nécessitant peu de matériel et permettant de collecter des données qui seront ensuite transmises à des réseaux de recherche et utilisées à l’échelle européenne.

Ces expéditions, figures de proue de l’association, ont permis à Mare Vivu de gagner en expertise et d’acquérir une connaissance très fine des territoires, « un rapport concret au terrain » précise Pierre-Ange Giudicelli. L’association commence ainsi à être identifiée comme un acteur de référence au niveau régional et méditerranéen sur la question de la pollution plastique. Elle travaille ainsi à un projet de forum itinérant pour investir l’espace public de certaines communes afin d’aller à la rencontre des élus locaux.

bouteille en plastique sur la plage


Identifier les plages les plus vulnérables pour agir en amont

Pour Mare Vivu, l’objectif n’est pas de dépolluer le littoral, car « cela déplace la responsabilité de la préservation sur les citoyens et évite aux entreprises qui polluent de changer leurs modes de production ». Aussi, les missions de l’association visent avant tout à sensibiliser le public, mais surtout à mobiliser les élus et à œuvrer à la source. La collecte des déchets plastiques permet ainsi d’établir la liste des communes dont les plages sont les plus vulnérables et d’identifier de quel type de déchet il s’agit.

Au niveau local, l’association développe petit à petit son plaidoyer afin de promouvoir les leviers d’actions que peuvent mobiliser les élus pour lutter en amont contre la destruction du littoral et des fonds marins. Le besoin est urgent car ces macro-déchets finissent par se fragmenter et se transformer en microplastiques qui sont ingérés par les poissons et empoisonnent toute la chaîne alimentaire, sur laquelle il n’est pas possible d’avoir prise.

Pour Pierre-Ange Giudicelli, il s’agit donc d’actions simples, qui doivent être mises en œuvre urgemment : réhabiliter les fontaines dans les communes et communiquer sur la potabilité de l’eau pour réduire l’achat de packs d’eau ; généraliser l’utilisation de filets anti-macro-déchets dans les exutoires d’eau pluviale pour empêcher ces déchets d’arriver en mer ou encore lutter contre les décharges sauvages, dont les ordures finissent par s’envoler et atterrir à l’eau. A terme, l’association souhaite mettre en place un plan d’action, d’abord à l’échelle du Cap Corse et de l’Agriate, puis de le généraliser à l’ensemble de l’île.

En parallèle, les fondateurs de Mare Vivu travaillent actuellement à un programme participatif pour les plongeurs qui souhaitent mettre leur pratique de loisirs au service de la recherche. Le but serait de collecter des données sur la biodiversité marine et alerter sur l’apparition d’espèces invasives ou la détérioration de certains sites.Primée à de nombreuses occasions (deux fois lauréate de l’appel à projets Beyond Plastic Med, créé à l’initiative de la Fondation Prince Albert II de Monaco en partenariat avec la Surfrider Europe Foundation et la Fondation Tara Océan), Mare Vivu s’ancre ainsi dans les réseaux de protection de l’environnement du pourtour méditerranéen et partage son savoir-faire avec les jeunes organisations qui souhaiteraient agir dans leurs pays.

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