Issu d’une famille d’agriculteurs, Paul Létheux a débuté sa carrière dans une entreprise de gestion des espaces verts. De quoi constater que l’agriculture urbaine a le vent en poupe, mais que le secteur manque encore cruellement d’acteurs ayant une véritable filiation avec le monde agricole. Afin de contribuer à la végétalisation et à l’embellissement des villes, il fait alors l’acquisition de trois moutons qu’il place dans des entreprises dans la région de Chartres. L’idée étant de faciliter l’entretien des espaces verts de manière naturelle grâce aux ovins.

Constatant que le format fonctionne, la startup GreenSheep est lancée en 2016. La structure propose aux entreprises de remplacer l’usage des tondeuses à gazon par le pâturage des moutons et des chèvres. Des animaux qui permettent un entretien naturel des espaces verts à moindre coût, et qui ont aussi l’avantage de pouvoir accéder à des zones difficiles à entretenir avec une machine (talus, terrains cabossés, bassins de rétention d’eau). De plus, ils permettent de protéger la faune qui vit dans l’herbe, souvent fauchée par les tondeuses.


L’écopastoralisme, une alternative à l’usage des désherbants

Cet écopastoralisme ne se fait évidemment pas en claquant des doigts. L’entreprise GreenSheep fait ainsi appel à des bergers de professions qui sont à même de gérer et de s’occuper des bêtes. La startup regroupe désormais une centaine de bergers répartis dans toute la France, aussi bien à proximité de grosses agglomérations que dans des zones plus rurales. Ils interviennent auprès d’environ deux cents clients.

Ces derniers offrent des typologies de sites variées pour les pâturages : entrepôts logistiques, sites industriels, écoles et lycées, stations d’épuration ou abords de voies ferrées… La startup ne se contente pas de mettre en relation entreprise et berger : avant chaque mise en œuvre, des études préalables de faisabilité sont faites, qui s’assurent – entre autres – que l’herbe y est suffisamment abondante. Il y a également toute une procédure pour la sécurisation des sites et, quand cela est nécessaire, des clôtures sont installées afin d’éviter tout incident.

De la même façon, un abreuvoir et des abris sont aussi déployés sur les sites pour faciliter la vie des ovins. Entre autres avantages, ce recours à l’écopâturage permet notamment de cesser l’usage de désherbants chimiques, de préserver la faune et de fertiliser naturellement les sols.

Berger GreenSheep chez un client
GreenSheep travaille régulièrement avec certaines races rustiques de mouton, menacées de disparition.


Une solution à forte dimension sociale

Chemin faisant, le fondateur de GreenSheep s’est également aperçu du rôle joué par les agriculteurs, qui, s’il est bien visible, est souvent ignoré. À titre d’exemple, tout le monde bénéficie des réparations des chemins de campagne faites par les agriculteurs, qui ont besoin de pouvoir y faire circuler leurs machines. C’est aussi le cas de l’entretien naturel de certains sentiers dans les zones rurales et, évidemment, du rôle joué par le pâturage dans l’entretien des prairies naturelles qui sont des puits de carbone nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique.

« Les bergers rendent énormément de services à la communauté, pour lesquels ils ne sont habituellement pas rétribués » précise ainsi l’entrepreneur. Au cœur du projet de l’entreprise, il s’agit donc aussi pour Paul Létheux de participer à la valorisation du métier de berger – une profession paradoxalement méconnue – et de leur permettre d’être rémunérés à leur juste valeur pour les services rendus à la société.

Le projet de GreenSheep brise ainsi l’isolement des bergers et favorise l’échange et l’entraide. À terme, la structure souhaite d’ailleurs développer une coopérative pour l’achat de matériel et de fourrage à moindre coût. En parallèle, les animaux permettent aux citadins de retrouver aussi un certain lien avec la nature. Des activités sont d’ailleurs proposées par l’entreprise dans certains lieux, les maisons de retraite et les écoles, par exemple.

Enfin, GreenSheep permet aux entreprises de travailler avec des acteurs locaux, dans un rayon de trente kilomètres maximum. Tout en gardant une taille raisonnable, cela permet d’obtenir un bon maillage territorial, à raison de deux à trois bergers par département qui ont chacun leur zone d’intervention. Pour l’entreprise, le pastoralisme n’est pas novateur en soi mais son application en zones urbaines permet de réinventer la pratique et d’apporter une réponse aux défis environnementaux posés par notre époque.

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