Le secteur de la mode, c’est une production annuelle d’environ 129 milliards de vêtements qui s’effectue principalement dans quelques pays asiatiques comme l’Inde, la Chine, le Pakistan et le Bangladesh. En résulte une supply-chain souvent opaque et difficile à remonter qui masque les défauts du secteur. C’est le cas pour les conditions de travail dans les usines comme nous l’ont prouvé l’effondrement du Rana Plaza en 2013 ou, plus récemment, le scandale liant plusieurs marques aux conditions des Ouïghours en Chine. C’est aussi le cas d’un point de vue environnemental puisqu’il est très difficile, voire impossible dans certains cas, de remonter la chaîne avec certitude pour connaître l’origine des matières utilisées ni leurs conditions de cultures.

Résultat, alors que les préoccupations environnementales gagnent du terrain chez les consommateurs, l’industrie du textile fait désormais face à la même crise de confiance que celle qui mine l’industrie agroalimentaire depuis des années. Ainsi, selon une enquête réalisée par Ipsos MORI en 2019, huit consommateurs français sur dix pensent que les marques de vêtements devraient fournir des informations sur leurs engagements environnementaux et environ deux tiers (64%) seraient dissuadés d’acheter dans une enseigne associée à des pratiques de production polluantes.

Vers un marketing de la preuve

Qui dit confiance dit besoin de réassurance, et comme pour les marques agroalimentaires, les beaux discours ne suffisent plus, ni les belles images, les raisons d’être où les couleurs vertes. Ce qui fait recette, aujourd’hui, c’est le marketing de la preuve. C’est l’information produit vérifiée par un tiers de confiance et dont l’accès est facilité par la technologie.

Il y a quelques années, la startup Yuka a fait bouger les marques alimentaires avec son application de recommandation nutritionnelle, embarquant dans son giron différents acteurs, startups, distributeurs et industriels. En matière de mode responsable, son concept a aussi été repris en 2019 par Marguerite Dorangeon et Rym Trabelsi avec leur application ClearFashion, qui vise à créer un référentiel de données similaire concernant les produits textiles.

En parallèle, de nombreuses marques émergent sur le sujet de la mode durable en misant sur la transparence, sur le local et sur des matériaux biosourcés, recyclables ou recyclés : Faguo, Veja, N’Go, Zèta Shoes, Montlimart, Hoopaal, 1083, le Slip Français et les autres. Il y a aussi toutes ces jeunes startups qui misent sur l’upcycling ou la réparabilité pour faire du vêtement de seconde main une nouvelle tendance pour la mode. Des entreprises qui sont un peu l’équivalent textile de ce que sont les producteurs bio, les AMAP et les plateformes de ventes en circuit-court pour l’alimentaire.

Mais, pour faire bouger les grandes marques comme pour inciter les industriels à de meilleures pratiques, la blockchain représente une solution d’avenir. Et c’est ce que proposent Good Fabric et Tilkal avec le projet Footbridge.

Lire notre dossier : alimentation, quand la confiance passe avant les prix 


Une plateforme SaaS de traçabilité et d’ACV

Footbridge est donc une plateforme SaaS qui entend proposer aux marques deux services. Un premier pour l’analyse du cycle de vie de leurs produits et un second pour en assurer la traçabilité grâce à la blockchain. Apparue grâce à l’essor des cryptomonnaies, la blockchain (ou chaîne de blocs) est une technologie qui permet d’enregistrer des informations de manière vérifiable et sécurisée, sans faire appel à des tiers de confiance et sans qu’on puisse modifier à posteriori les informations inscrites dans une chaîne.

Un dispositif qui permet donc aux marques soucieuses de leur impact de pouvoir prouver en bonne foi les conditions de fabrication de ses produits. Et notamment de pouvoir vérifier la cohérence et la conformité des certificats délivrés par ses partenaires. Dans un second temps, la plateforme Footbridge offre un service d’analyse du cycle de vie (ACV) basé sur des bases de données développées justement par Good Fabric, et qui doit permettre aux marques de mieux comprendre les impacts de leur activité sur l’environnement et de définir leurs axes d’optimisation.

« Améliorer la traçabilité, c’est le premier pas vers une industrie textile plus responsable ! Cela
correspond aussi à une attente très forte des consommateurs qui ne cessent de réclamer plus
de transparence »
, précise Nathalie Lebas-Vautier, cofondatrice de Good Fabric, une marque engagée dans la mode éthique qui est à la fois éco-designer et conseil pour les stratégies RSE des marques textiles.

Le sujet de la blockchain et de la traçabilité commence d’ailleurs à devenir récurrent dans les industries de la mode et du luxe. En début d’année, les marques LVMH, Prada, Cartier et Richemont avaient annoncé, par exemple, la création d’Aura Blockchain Consortium, « la première plateforme blockchain mondiale dédiée à l’industrie du luxe ».

À lire sur le même sujet