Ce sont 32 entreprises leaders du secteur de la mode et du textile – groupes et marques de luxe, de mode, de sport, fournisseurs et distributeurs – qui se sont fixé des objectifs communs à travers le « Fashion Pact » présenté à l’occasion du G7. On y retrouve Adidas, Chanel, le groupe Kering, H&M, Hermès ou encore La Redoute et les Galeries Lafayette par exemple. e

Avec plus de 1 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, il est vrai que le secteur de la mode représente une manne puissante pour assurer la transition écologique. D’autant que son impact sur le sujet n’est pas anodin. Ainsi, le secteur de la mode serait responsable de 10% de l’empreinte carbone mondiale. En même temps, la durée de vie moyenne d’un t-shirt, à l’échelle mondiale, n’est que de 35 jours… et il faut environ 2 700 litres d’eau pour faire un t-shirt en coton.

Alors, la mode peut-elle devenir durable ? Ce serait antinomique. Mais dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, il pourrait s’agir d’un vrai pas en avant. Notamment avec cet objectif affiché d’être un secteur neutre en carbone d’ici 2050.

François-Henri Pinault et Emmanuel Macron
François-Henri Pinault et Emmanuel Macron lors de la présentation du Fashion Pact


Atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050

L’objectif de ce « Fashion pact » est de construire une coalition représentant au moins 20 % du secteur mondial du textile et de la mode, en volume de production. Les objectifs sont fondés sur des critères scientifiques (Science Based Targets). Ces critères visent à allouer à chaque entreprise un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre scientifiquement pertinent et spécifique à ses activités, son secteur et/ou sa localisation.

Sur cette base, le Fashion Pact se décline sur 3 principaux axes définis comme suit :

1 – Enrayer le réchauffement climatique.

Les membres signataires s’engagent à la création et la mise en œuvre d’un plan d’action permettant d’atteindre l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre à horizon 2050 afin de maintenir le réchauffement climatique sous le seuil de 1,5°C d’ici à 2100. Ce plan d’action vise notamment à mettre en oeuvre les initiatives permettant de soutenir l’adaptation au climat et la résilience à travers des approvisionnements en matières premières clés durables par exemple. Mais aussi par la création d’initiatives conjointes (voir ci-dessous).

2 – Restaurer la biodiversité.

Il s’agit de la mise en œuvre par les signataires du pacte d’objectifs fondés sur des critères scientifiques afin de restaurer les écosystèmes naturels et protéger les espèces. Cela peut passer par exemple par le fait de « supprimer les approvisionnements venant de fermes pratiquant l’élevage intensif par engraissage et soutenir la production de systèmes qui respectent et optimisent le temps de l’animal sur les pâturages naturels, en ligne avec l’adoption de standards en faveur du bien-être animal pour l’ensemble du secteur ».

Cela passe aussi par le fait « d’encourager le développement de matériaux et processus innovants qui n’ont pas d’impact sur les espèces clés et les écosystèmes » ou encore de « s’assurer [qu’ils ne contribuent] pas à la perte ou à la dégradation des forêts naturelles ». À ce sujet, il y en a quelques unes qui brûlent en ce moment si vous souhaitez agir, notamment pour la forêt Amazonienne.

3- Protéger les océans

Enfin, le 3ème axe clé du Fashion Pacte est la réduction de l’impact négatif du secteur de la mode sur les océans. Ce qui passe par le fait de supprimer le plastique à usage unique en 2030 ou encore de soutenir l’innovation pour « éliminer la pollution par les microfibres venant du lavage des matières synthétiques », ou encore « de promouvoir les productions agricoles et minières qui ne polluent pas chimiquement les océans et les rivières. »

manifestation mode durable
Manifestation pour une mode durable lors de la Fashion Week


Des initiatives conjointes pour accélérer la transition écologique de la mode

En addition de ces trois axes clés et d’une roadmap qui sera en grande partie basée sur les Science Based Targets, le Fashion Pact propose également deux autres types d’engagements.

D’abord, les initiatives concrètes conjointes. Il s’agit de domaines spécifiques de travail qui requièrent « une collaboration transversale des entreprises et de toutes les parties prenantes du secteur de la mode ». Des exemples d’initiatives concrètes conjointes sont par exemple de « construire un système de certification, vérification et traçabilité des matières premières et de leurs impacts au long de la chaîne d’approvisionnement ». Cela pourrait aussi passer par « un engagement à soutenir activement des initiatives qui cherchent à restaurer les habitats naturels et protéger la vie sauvage dans les pays qui possèdent les matières premières ».

Enfin, le Fashion pact suggère aussi d’utiliser « des accélérateurs ». De manière concrète, ce serait par exemple une collaboration sur ces sujets au sein du secteur de la mode et/ou avec d’autres secteurs. Ou encore un soutien à l’adoption des principes de l’économie circulaire dans les marques de mode, avec notamment l’approvisionnement en matières premières régénératives, l’efficience des matériaux, le recyclage et l’upcycling.

Ce document n’est évidemment pas une obligation légale pour les 32 signataires et doit être vu à la fois comme un message délivré par l’industrie et comme un ensemble de lignes directrices. Outre des propositions à l’extrême frontière de la communication (le Fashion Pact suggère ainsi aux acteurs de la mode de « travailler pour assurer l’inclusion sociale, des salaires équitables et des conditions de travail respectueuses tout au long de la chaîne d’approvisionnement, avec une attention particulière portée aux petites exploitations et aux femmes, dans les pays à faible revenus« ), cette initiative n’est pas sans certaines limites.

usine textile
Le Fashion Pact suggère aux acteurs de la mode de favoriser « des conditions de travail respectueuses tout au long de la chaîne (…) avec une attention particulière portée aux petites exploitations et aux femmes, dans les pays à faible revenus« 


Compenser n’est pas éviter et n’est donc pas suffisant

« Après avoir pris toutes les mesures possibles pour réduire et éviter les émissions de carbone, compenser nos émissions au travers de programmes vérifiables comme REDD+ pour atteindre zéro émission nette en 2050. »

La compensation, c’est un classique très… à la mode justement. De nombreux états et entreprises brandissent la compensation carbone comme une nouvelle forme d’absolution. Alors, dans l’absolu, il est vrai que la compensation à des avantages indéniables comme celui d’être mieux que rien.

Cependant il s’agit d’une sémantique trompeuse qui, à terme, nous fait aller dans le mauvais sens. La compensation n’efface pas l’émission. Et c’est d’autant plus vrai pour les projets de compensation par la reforestation. Ici, on touche ainsi à l’une des limites de ce « fashion pact ». C’est la première phrase qui est intéressante (« avoir pris toutes les mesures possibles pour réduire et éviter les émissions de carbone ») car elle seule peut garantir un réel succès de ce pacte. La seconde partie, liée à la compensation, ne saurait suffire.

D’autre part, le pacte explique également que les entreprises signataires visent 100 % d’énergie renouvelable « à travers [leurs] propres opérations, avec l’ambition d’encourager l’implantation des énergies renouvelables sur les processus industriels à fort impact sur toute la chaîne d’approvisionnement d’ici à 2030« . Une ambition louable pour un secteur qui repose sur l’agriculture, la pétrochimie, les transports maritimes et routiers… entre autres.

Vaste programme, donc, que celui du fashion pacte. On retient cependant qu’une trentaine d’entreprises parmi les plus grandes marques au monde viennent de s’entendre sur un document officiel visant à transformer leur industrie pour lutter contre le réchauffement climatique. On a hâte d’en savoir plus dans les prochaines années, afin de juger d’une réelle avancée… ou d’un fashion faux-pacte ?


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