« Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas ». Et à défaut, le meilleur déchet sera celui qui présentera la plus grande aptitude au recyclage ou au réemploi afin de lisser son impact sur l’environnement. C’est particulièrement le cas des emballages plastique, à l’heure où la planète est submergée par cette matière dont on semble ne plus savoir quoi faire.
Aux Assises des Déchets, les industriels du recyclage et les metteurs sur le marché étaient réunis afin de partager leurs ambitions à ce sujet, et de préciser le degré d’avancement réel de leurs programmes. De Citéo aux enseignes du groupe Super U en passant par Terracycle, la fédération des entreprises du recyclage ou encore la laiterie de Saint Denis de l’Hôtel, ces débats ont permis de faire émerger un maître mot : la coopération ; et une notion phare : l’éco conception.
L’éco conception pour réduire l’impact environnemental des emballages
En premier lieu, qu’est ce que l’éco conception ? Pour bien amorcer les échanges à ce sujet, Carlos de Los Llanos, directeur scientifique chez Citéo tient à repréciser le rôle d’un emballage qui, avant d’être un déchet, est à la fois un support de vente, de transport et de protection des produits. Et d’ajouter que l’éco conception, c’est évidemment réduire l’impact environnemental de l’emballage, mais c’est aussi améliorer ses fonctionnalités.
Pour cela, l’éco conception s’attarde sur le fait de consommer moins de matériaux et d’utiliser pour la conception le plus de matériaux recyclés et recyclables possibles. Et pour cela, les acteurs présents autour de la table insistent sur l’importance du collectif et de la mise en réseau des différents acteurs afin que les déchets des uns deviennent les ressources des autres. « Tant qu’on a pas le producteur, le consommateur et le recycleur autour de la table sur un même sujet, ça ne sert à rien » ajoute Manuel Burnand, président de la fédération des professionnels du recyclage.
De ce point de vue, les exemples sont nombreux mais le plus intéressant est celui de la Laiterie Saint Denis de l’Hôtel qui a été la première entreprise à mettre sur le marché des briques de lait en PET opaque. Une solution géniale à la conception (moins de matière et moins d’eau utilisé pour des propriétés optimales de conservation des produits) mais qui a rapidement posé un problème d’envergure : la nouvelle matière ne pouvait pas se mélanger avec les autres plastiques dans les centres de tri. Ce qui la rendait non-recyclable.
Un échec retentissant il y a 3 ans qui a été finalement résolu. En effet, les professionnels de la distribution et du recyclage se sont mis à travailler ensemble sur ce projet afin de trouver une solution : la création d’une entreprise qui recyclera le PET en circuit-fermé. Une mise en réseau des acteurs, essentielle pour repenser la technologie qui est un peu le maître mot des professionnels des déchets à l’heure actuelle. Aucune solution pour l’éco conception et l’amélioration du recyclage ne pourra se trouver sans travailler en écosystème.
Une solution vraie pour la technologie mais aussi pour préparer les citoyens à des changements de fonctionnement. Une problématique – le comportement des consommateurs – au coeur des préoccupations lors de ce débat.
Le comportement des consommateurs : moteur et limite à l’éco conception des emballages ?
La question du comportement des consommateurs vis à vis des emballages semble être au coeur des préoccupations des industriels et des metteurs sur le marché. Pour Carlos de Los Llanos, il existe ainsi un énorme paradoxe chez les consommateurs, qui sont nombreux à critiquer l’usage du plastique mais qui continuent pourtant d’acheter des emballages en plastique. À ce sujet, il faut souligner que le marché manque cruellement d’alternatives sur certains produits. Cependant, le directeur scientifique de Citéo précise que la tendance va plus loin et que « d’après [leurs] études, le consommateur ne sera convaincu qu’à partir du moment où l’éco conception deviendra un standard de marché ». Il faudrait donc que tout le monde s’y mette en même temps pour que cela fonctionne.
Un point qui fait écho à une expérience menée récemment par les enseignes du groupe Super U, qui sont à la fois producteur et distributeur, ainsi que le précise Jean-Michel Guillou : « Sur nos dentifrices, on a décidé d’enlever l’emballage en carton, qui n’est pas essentiel, c’est une démarche d’éco conception. Et d’un coup, on a constaté que les ventes ont chuté parce que nos produits étaient soudain moins visibles que ceux des marques concurrentes, qui ont des emballages brillants qui attirent l’oeil du consommateur… Donc le consommateur nous dit qu’il veut moins d’emballages, mais pour que ça fonctionne, il faut que tout le monde le fasse en même temps »
Cependant, encore faut-il trouver des alternatives, ainsi que le précise Emmanuel Vasseneix : « Demain, il y a le risque de voir les emballages être notés comme sur l’application Yuka, et on aura des consommateurs qui n’achèteront plus d’emballages plastique. Mais si on enlève le plastique, vers quelle matière est-ce qu’on se tourne ? Pour ça, on a besoin de travailler avec tous les acteurs pour trouver des solutions ».
Au niveau des alternatives, il faut savoir que le monde de l’emballage ne tourne pas uniquement autour du plastique, et heureusement. Il existe 5 grandes filières à ce sujet : le verre, le papier carton, l’acier, l’aluminium, et donc le plastique. Or, la plupart de ces matériaux sont entièrement intégrés dans l’économie circulaire aujourd’hui. Il existe aussi des alternatives comme le plastique biodégradable, même si cela implique des limites. « Dans biodégradable, il y a dégradable. Donc un risque que l’emballage relâche des matériaux sur le produit qu’il est censé protéger. Ça peut servir, mais pas pour tout les types de produits » ajoute Carlos de Los Llanos.
L’harmonisation des standards comme principal frein ?
Enfin, si tous les acteurs concernés – qu’ils soient metteurs sur le marché ou professionnels du recyclage – s’accordent sur la nécessité de trouver des solutions aux emballages plastiques, ils sont aussi nombreux à souligner d’autres limites à l’éco-conception. Parmi les points qui ressortent principalement, on retrouve notamment les dimensions économiques et règlementaires.
D’un point de vue économique, la principale difficulté réside encore dans le fait de démontrer la rentabilité de l’éco conception. Mais il y a aussi une question de concurrence qui se pose. À l’échelle mondiale, la compétitivité des acteurs se déporte sur la question du green et le risque potentiel de voir une Europe « trop verte » souffrir d’un manque de compétitivité vis à vis d’autres acteurs qui n’auraient pas intégré les contraintes environnementales dans leurs process.
D’où la nécessité de mettre en place des contraintes réglementaires fortes afin d’harmoniser les standards. Et ce afin d’entraîner nos partenaires européens et les autres pays du monde dans la mouvance de l’économie circulaire. Inciter ou contraindre ? La question se pose à nouveau. Mais ici encore, c’est la nécessité de créer un élan collectif et global qui ressort des débats et qui se pose à la fois comme principal frein et comme principale solution pour permettre de réduire nos impacts négatifs et d’améliorer, à l’échelle mondiale, la conception et le recyclage des emballages plastiques.