L’érosion des plages est un phénomène qui se manifeste dans le monde entier. Aujourd’hui, 75% à 90% d’entre elles sont en train de reculer dans le monde. Les causes principales de l’érosion côtière sont souvent liées au réchauffement climatique, qui fait monter le niveau de la mer et augmente la fréquence des épisodes climatiques extrêmes, notamment les vents forts et tempêtes. En parallèle, l’extraction du sable, parfois illégalement exercée et destinée au secteur du BTP, participe également à la dégradation du littoral.
Pour tenter de limiter cette catastrophe naturelle, plusieurs technologies existent dans le domaine de l’océanographie, dédié à l’étude des mers et des océans. La perche GPS, que l’on transporte sur la plage afin d’en récupérer des données en est une, avec également le dispositif LIDAR, un laser aéroporté, ou encore les mesures satellites. Mais ce qu’utilise l’entreprise Waves’n See, ce sont tout simplement des caméras de surveillance.
Un indicateur d’alerte en cas de risques d’inondations
La technovidéo est une technologie récente et jusque-là utilisée à des fins de recherches. Yves Soufflet, le fondateur de Waves’n See, a travaillé sur cette innovation alors qu’il était chercheur à l’IRD. Le dispositif était déjà installé dans des pays en développement, en Afrique de l’Est ou en Amérique du Sud. L’entrepreneur a alors décidé de l’expérimenter sur les côtes françaises en créant son entreprise en 2015.
Grâce à leur technologie d’imagerie, la startup parvient à repérer les zones d’érosion côtières. « Pour cela, nous suivons un certain nombre de paramètres scientifiques : le recul du trait de côte, l’évolution de la topographie du haut de plage ainsi que les évolutions des bancs de sable qui sont sur la zone de déferlement des vagues parce qu’ils viennent réengraisser la plage de manière naturelle, et quand ils diminuent en volume au fur et à mesure des tempêtes, la plage s’érode et il n’y a plus de réserves de sables qui viennent l’alimenter » explique Amandine Berger, chercheuse en gestion des risques pour l’entreprise.
Le dispositif que propose la startup s’adresse principalement aux collectivités, principaux clients de Waves’n See. Il sert notamment d’indicateur d’alerte en cas de risques de submersions marines. C’est par exemple le cas pour le site d’Etretat où l’entreprise intervient sur une plage de galets : « Les galets vont dissiper l’énergie des vagues et donc protéger la ville d’Etretat contre le risque de submersion marine. Le problème c’est que le galet est très mobile et s’érode assez vite. Notre client a besoin de savoir à chaque instant si le stock de galets est suffisant sur la plage pour pouvoir venir faire tampon aux vagues pour ne pas qu’elles passent par-dessus la digue et qu’elle vienne inonder la ville« . Enfin, Waves’n See intervient aussi sur les travaux, comme les extensions de ports, en vérifiant si le chantier n’a pas d’impact sur le transport sédimentaire.
Une étude approfondie des vagues et des mouvements de sables
Pour étudier tous ces phénomènes, l’équipe installe une ou plusieurs webcams de plage qui couvrent 1km en fonction du linéaire côtier à surveiller. Les images de ces caméras sont retransmises sur les serveurs de l’entreprise qui surveille plusieurs paramètres. Dans un premier temps, les chercheurs s’occupent de mettre les images à plat pour effectuer les mesures. Ces dernières s’opèrent en projetant l’image sur un plan vu du dessus, dit orthophoto. La partie suivante consiste à étudier toutes les données récupérées. Parmi elles, il y a la zone intertidale ou l’évolution du trait de côte, c’est-à-dire la partie recouverte et découverte par les vagues. « Cette ligne, on la relie à une hauteur d’eau qu’on obtient avec les données issues des marégraphes, et à partir de ça on peut reconstituer la topographie de la plage« .
En plus de ces analyses, la startup se penche sur d’autres paramètres qui font de leur dispositif un système innovant. Grâce à plusieurs éléments – comme l’endroit où la vague se casse pour en déduire sa hauteur et sa direction – les chercheurs sont en mesure de déterminer la célérité, la dissipation d’énergie des vagues et leur impact sur la côte. Il y a également la bathymétrie, l’étude des bancs de sables, qui s’effectue à l’aide de calculs entre le déferlement d’une vague et la morphologie des fonds marins pour évaluer la profondeur, ce qui permet ensuite d’établir l’état de ces fonds marins.
Le temps de traitement des images et des données récupérées peut varier en fonction des problématiques des gestionnaires littoraux. Pour la surveillance de la côte de galets à Etretat, le suivi est fréquent puisqu’il sert à relever le niveau d’alerte Météo France. En ce qui concerne les problématiques d’érosion, la surveillance s’effectue sur des périodes saisonnières et sur plusieurs années, notamment l’hiver lorsque les risques de tempêtes sont plus fréquents. Mais ce n’est que 6 mois après l’installation des caméras que l’équipe de chercheurs est à-même de traiter des données intéressantes en comparant avec celles du début du tournage. Enfin, lorsque la startup s’occupe de l’analyse d’impact d’un chantier, le temps d’étude dépend de l’avancée des travaux.
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4 sites déjà équipés en France et un projet d’expansion à l’étranger
La société, certifiée Greentech Innovation par le Ministère de la Transition Écologique, a beaucoup évolué depuis sa création. Son premier projet se situe sur le delta du Mékong au Vietnam. Depuis, elle est principalement intervenue en France, mais elle projette de se déployer à l’étranger où elle commence à se faire connaître. Aujourd’hui, Waves’n See est présent sur 4 sites littoraux français : à Etretat, la plage de la Croisette à Cannes, Port-la-Nouvelle et Palavas-les-Flots.
Waves’n’See est aussi une Société Coopératives (SCOP). Elle a effectuée deux levées de fonds en 2017 et 2019 qui ont respectivement réunis 33 000€ et 210 000€, ce qui leur a permis d’agrandir leur équipe. Incubée à Météo France, la société compte à présent 7 salariés, des chercheurs et océanographes qui travaillent sur le développement des outils et services afin de répondre à davantage de problématiques liées à la protection des plages, comme le comptage de fréquentation. « On s’est rendu compte qu’il y a une vraie demande par rapport à cela et non seulement pour le tourisme, mais aussi pour le lier à la préservation des plages parce qu’on arriverait à savoir quelles sont les zones à protéger en fonction des zones de fréquentation » conclut Amandine Berger.