Comme le rappelle le Ministère de la Santé, “l’eau du robinet est en France l’un des aliments les plus contrôlés […] elle fait l’objet d’un suivi sanitaire permanent dans le but d’en garantir la sécurité sanitaire”. Pourtant, un reportage du magazine Complément d’enquête ainsi qu’une enquête du journal Le Monde, tous deux diffusés mi-septembre, ont (re)mis en lumière les questions liées à la qualité de l’eau du robinet. Cette fois ci concernant, les pollutions aux pesticides subies et non traitées par les systèmes de distribution d’eau publique.
Des pesticides dans l’eau
L’eau du robinet est prélevée dans le milieu naturel. C’est-à-dire depuis des ressources de surface, rivière, fleuve, lac, ou depuis une ressource souterraine. En France, 62% des volumes d’eau prélevés pour l’alimentation en eau potable proviennent des eaux souterraines d’après l’OFB (Office français de la biodiversité). Et ce serait bien là l’origine du problème.
L’enquête du Monde, révélait que 12 millions de Français aurait été exposés à une eau non conforme pour cause de seuils trop élevés de pesticides et métabolites (résidus de pesticides). Information confirmée par les équipes de Complément d’enquête, pour lesquelles ce type de pollution a été constaté dans de nombreuses régions, avec de fortes disparités selon les zones géographiques, les records étant pour le Var et les Hauts de France. De nombreuses études ont établi que les sources de contamination aux pesticides des sols et de l’eau sont pour la grande majorité d’origine agricole. Les deux principaux pesticides concernés sont l’ESA-métolachlore et le NOA-métolachlore, utilisés comme désherbant en agriculture.
Attention toutefois, puisque ce n’est pas parce qu’une eau est non conforme qu’elle est toxique ou impropre à la consommation. Il est important de noter que les limites de dangerosité sont la plupart du temps bien plus élevées que les seuils établis. Dans un tel cas, l’eau est déclarée « non-conforme aux exigences de qualité », et le gestionnaire est tenu de mettre en œuvre les mesures nécessaires. L’eau continuera à être distribuée tant qu’un second seuil appelé Vmax – pour valeur sanitaire maximale – n’est pas atteint.
Et même si d’après l’Anses, 23 pesticides ou métabolites n’ont pas de valeur sanitaire maximale définie, la chaîne de l’eau potable reste malgré tout robuste dans son ensemble en France. Comme le rappelle l’UFC Que Choisir, “l’alerte est surjouée, dès lors qu’elle repose sur des limites de détection très basses et discutables, et non les limites de détection réglementaires prises en compte” par exemple dans son étude parue en 2020, qui indiquait une eau conforme pour plus de 98% des français, soit une progression de 2 points par rapport à la précédente étude de 2017.
Les rôles de chacun pour acheminer une eau potable
La gestion de l’eau, en particulier en ville, est l’un des enjeux du 21ème siècle. En 2014, la France comptait 34 854 services publics d’eau et d’assainissement, dont 13 339 pour l’eau potable. L’organisation de la distribution de l’eau potable relève des communes ou intercommunalités. Ce sont elles qui sont compétentes en la matière. Leur compétence est en revanche facultative concernant la production, le transport par canalisations, et le stockage. Ces services sont opérés soit par des services publics, soit par délégation à des entreprises privées (Véolia, Suez, SAUR…). 31% des services d’eau potable sont gérés par délégation, mais ils approvisionnent plus de 60% de la population.
L’auto-surveillance et les contrôles doivent être permanents pour les exploitants des services de distribution. Du côté établissements publics, les Autorités Régionales de Santé organisent les contrôles sanitaires des eaux distribuées, ainsi que le suivi des mesures de correction mises en place en cas de dégradation de la qualité de l’eau. D’après Eau de France, en 2015 les ARS ont réalisé l’analyse de 312 000 échantillons. On peut également mentionner les Agences de l’Eau, qui interviennent en amont de la captation en jouant le rôle de surveillance et de protection des milieux naturels en vue notamment de réduire les sources de pollution.
Les start up innovent
Depuis quelques années, des startups innovantes dans le domaine de la qualité de l’eau viennent en renfort de la chaîne. De par leurs recherches et leur agilité en la matière, ces startups amènent des nouvelles façons d’analyser et de tester les eaux sur le marché. Parmi elles, Biomae est spécialisée dans la biosurveillance des milieux aquatiques. La startup évalue la contamination chimique et les effets toxiques des micropolluants présents à l’aide de crevettes d’eau douce, les gammares. Et propose ainsi des outils de suivi et qualité à 6 Agences de l’Eau en France, mais aussi pour à des industriels comme Veolia, Sanofi, EDF.
On peut également citer Ecométrique, récemment lauréate du concours de la French Tech Limousin et spécialisée dans les études qualitatives des milieux aquatiques et des micropolluants comme les pesticides ou les métaux. Par ses analyses, la start up aide les structures de la chaîne d’eau potable à améliorer le contrôle de la qualité de l’eau via un échantillonneur passif.
Des solutions plus en aval
Il existe également des solutions pour optimiser la qualité de l’eau une fois captée, traitée, et acheminée par les réseaux. Des techniques de filtration par exemple, comme la filtration sur membrane qui permet d’éliminer les particules selon leurs tailles (micro, ultra ou nano filtration). De la même manière, la technologie de l’osmose inverse à basse pression. Le CNRS qualifie même ces nouvelles technologies de mini révolution dans le domaine du traitement de l’eau est d’une efficacité incomparable. Mais ces systèmes sont encore assez complexes à déployer, consommateurs en énergie et très coûteux, avec un risque d’augmentation du coût au mètre cube. Ils sont à date plus pertinents dans la captation et le traitement des eaux usées à des fins d’irrigation.
Une autre technique de filtration ou plutôt d’absorption, par charbon dit biotechnique, semble plus facilement déployable et très efficace. Ce charbon est à la base des gammes développées par plusieurs entreprises, comme Filtrabio, dont le filtre vient se brancher directement sous le point d’eau ou à l’arrivée d’eau du bâtiment. « Notre vrai savoir-faire c’est le multicouches, avec différents médias filtrants tous naturels, dont le charbon Ingema. Il permet d’enlever toutes les particules de pollutions de pesticides, métaux lourds, et résidus médicamenteux, tout en gardant les sels minéraux » explique Mickaël Ferry, le fondateur.
Et la demande est forte tant chez les particuliers que chez les professionnels. Après s’être focalisé sur le marché des particuliers cette année pour se faire la main, et « car c’est là qu’était la masse », l’entreprise va accélérer chez les pros. « En parallèle nous avons développé des gammes pour les entreprises, les espaces publics et le secteur de la restauration. Ce sont des marchés porteurs qui se développent grandement, et pour lesquels les modes de consommation doivent évoluer ». Car ce service, une fois branché, permet en outre de se passer des bouteilles en plastique, ou du stockage des bouteilles de verre, pas toujours évident à gérer.
L’entreprise qui a aujourd’hui une cinquantaine de clients professionnels en France, vise une accélération pour atteindre 2000 clients l’année prochaine – dont des établissements scolaires – avant un déploiement encore plus massif pour 2024.