La population mondiale comptera 8 milliards d’habitants à fin 2022 et, d’après les estimations des Nations Unies, elle devrait approcher les 10 milliards en 2050. Or, si la pression démographique s’accroît, ce n’est évidemment pas le cas de la surface de la planète, et encore moins de la surface des terres disponibles pour l’agriculture. Un problème de taille puisqu’à mesure que la population augmente, la demande alimentaire va s’intensifier et nécessitera davantage d’espace. Cet espace nous manque d’ailleurs déjà et implique la mise en place de politiques pour encadrer et réduire l’étalement urbain. En France, c’est le sujet de la politique de Zéro Artificialisation Nette.
Mais pour en revenir à l’alimentation, on estime aujourd’hui que 50% de la surface habitable de la terre est destinée à l’agriculture et qu’une grande partie de nos cultures ne servent pas à l’alimentation humaine mais à celle des animaux d’élevage. À l’échelle mondiale, la FAO estime ainsi que 33% des terres cultivables sont utilisées pour produire l’alimentation des animaux d’élevage, souvent via des co-produits agricoles.
Il s’agit principalement de maïs, de tourteaux de soja, de son, de blé, de manioc, d’orge ou de canne à sucre. La culture du maïs est assez emblématique de ce sujet puisque 61 % de la production mondiale de maïs sert à nourrir les animaux. Une proportion à peu près équivalente pour l’orge ou l’avoine (67%). La FAO estime également ce chiffre à 33% pour la patate douce et à 19 % pour le blé.
Aussi, penser le futur de notre alimentation passera par une refonte de nos habitudes alimentaires afin de concilier trois aspects : réduire les émissions de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité et les ressources en eau, garantir des rendements suffisants pour nourrir la planète. Et face à ces enjeux, la lutte contre le gaspillage alimentaire et la réduction de la consommation de viande dans les pays développés constituent des priorités.
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3 milliards d’hectares utilisés par les animaux d’élevage
Consommer moins de viande en s’orientant vers des régimes qui favorisent les légumineuses représente un moyen très efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. Pour donner quelques ordres de grandeur, 100g de protéines émanant de légumineuses produisent moins d’un kilo de CO2eq, là où 100g de protéines de boeuf vont produire l’équivalent de 48,89kg de CO2. Une différence majeure qui se retrouve aussi en matière d’occupation des terres. Il faut ainsi environ 100 fois plus de terres pour produire 1000 kilocalories de boeuf par rapport à l’équivalent via des alternatives végétales.
C’est le résultat de travaux effectués par deux chercheurs (Joseph Poore et Thomas Nemecek) qui suggèrent que si le monde devenait vegan, nous pourrions ainsi « libérer » 3 milliards d’hectares de terres agricoles : cela concernerait les terres liées à la production de céréales pour les animaux d’élevage ainsi que les pâturages.
Cette occupation des terres est évidemment à nuancer car la plupart des élevages de ruminants (environ les deux-tiers) occupent des prairies et des pâturages qui ne sont pas toujours adaptées à des cultures de légumineuses ou de céréales, par exemple. Aussi, libérer ces terres ne nous permettrait pas forcément d’y installer d’autres cultures. Par ailleurs, ces terres participent au stockage du CO2 et le fait que les troupeaux participent à les entretenir est un point positif.
Cependant, les deux chercheurs estiment que le volume de terres agricoles qui sert à produire l’alimentation des animaux d’élevage, environ 538 millions d’hectares à travers le monde aujourd’hui, pourrait être directement utilisé pour produire des alternatives végétales à la viande et participer ainsi à notre souveraineté alimentaire globale.
Des alternatives nombreuses pour faire face à cet enjeu
La disponibilité des terres arables est un sujet important à l’échelle mondiale, d’autant qu’en parallèle de l’accroissement de la population mondiale, l’étalement urbain est une véritable problématique. Ainsi, de nombreuses initiatives émergent pour repenser nos agricultures. Si la réduction de notre consommation de viande semble la plus intéressante à l’heure actuelle, puisqu’elle combine deux enjeux (disponibilité des terres et la réduction des émissions de gaz à effet de serre), des perspectives complémentaires à cette approche se développent.
D’un côté, il y a le recours à ce qu’on appelle l’indoor farming, souvent via le biais de fermes verticales. C’est une vision de l’agriculture extrêmement technophile qui vise à produire sur très peu d’espace, grâce à beaucoup d’électricité, des aliments en grande quantité. Ce type d’agriculture attire énormément les investisseurs et de premiers prototypes de fermes high-tech émergent dans le monde. Elles sont le plus souvent utilisées pour des cultures maraîchères (salades, herbes aromatiques).
Un autre secteur attire lui aussi les investisseurs et fait beaucoup parler sur le plan médiatique : c’est celui des protéines à base d’insecte, porté notamment par des entreprises françaises comme Ÿnsect, Innova Feed ou Agronutris. Ici, l’idée est aussi de construire des fermes verticales d’insectes qu’on élève grâce à des biodéchets et qui sont ensuite utilisés comme alternative au soja et autres cultures utilisées pour nourrir les animaux d’élevage.