A mesure que la population mondiale augmente, les besoins en eau potable ne cessent de croître. On estime que 2,1 milliards de personnes dans le monde n’ont pourtant toujours pas accès à l’eau potable. Soit environ 30% de la population mondiale. Et en raison des conséquences du réchauffement climatique et d’une utilisation loin d’être efficiente à travers la planète – 70% de l’eau potable utilisée dans le monde l’est pour l’agriculture, l’eau potable, déjà considérée comme une denrée rare dans certaines zones du globe, vient à manquer. Et est déjà au centre des grandes problématiques mondiales d’aujourd’hui et de demain.

Face à cet enjeu majeur du 21ème siècle, une solution semble évidente à première vue : celle d’aller puiser l’eau dans nos mers et océans afin de la dessaler. Oui mais voilà, si certaines technologies de dessalement existent – pas moins de 20 000 centrales sont à l’œuvre dans 177 pays -, ces techniques présentent encore de très nombreuses contraintes.

En effet les procédés connus ont trois inconvénients majeurs. Tout d’abord les technologies de la distillation ou de l’osmose inverse sont coûteuses. Ensuite, ces techniques sont très consommatrices en énergie, et les usines sont la plupart du temps alimentées par des centrales thermiques émettrices de CO2 et autres GES. Et enfin, le dessalement d’eau de mer entraîne des rejets sans traitement de saumure dans l’eau. Rien d’optimal donc. Cependant, des entrepreneurs cherchent à améliorer ces processus afin de pouvoir, un jour, permettre un dessalement de l’eau de mer qui serait intéressant à la fois sur les plans économique, énergétique et environnemental. C’est notamment ce que fait l’entreprise Mascara avec sa solution baptisée Osmosun.

Osmosun de Mascara
Un exemple d’installation dans un village de la province de Gaza au Mozambique – Crédits Mascara


Dessaler sans trop consommer d’énergie et sans émettre de CO2

Lorsqu’ils se lancent dans ce projet en 2014, Marc Vergnet et Maxime Haudebourg ont à cœur de développer une technologie utile. Ayant auparavant travaillé sur les questions d’adductions d’eau et d’énergies non-conventionnelles, les deux fondateurs de Mascara s’intéressent à la question de l’accès à l’eau, notamment dans les pays en développement et les zones reculées, à l’instar de David Monnier et d’Anthony Cailleaux, fondateurs de Fonto de Vivo.

C’est ainsi qu’Osmosun voit le jour. La technologie de l’osmose inverse ayant bénéficié d’avancées technologiques importantes récemment, elle consomme moins d’énergie. Il est donc possible de l’associer à une autre technologie mature et désormais compétitive, l’énergie solaire. « À l’heure actuelle, près de 95% des installations de dessalement fonctionnent grâce à l’osmose inverse, qui nécessite un besoin en énergie constant » explique Maxime Therrillion, en charge du développement commercial chez Mascara. L’innovation Osmosun consiste à faire fluctuer le procédé d’osmose inverse pour pouvoir l’associer à une énergie renouvelable potentiellement intermittente comme l’est l’énergie solaire. « Cela permet de faire fonctionner le système de manière plus autonome, ce qui est particulièrement appréciable pour les petits postes de production d’eau en zone reculée », ajoute-il.

Le système est conçu sans batterie pour adapter la pompe et le rythme du moteur en fonction de la quantité de lumière solaire disponible, qui peut varier fortement et soudainement selon les régions. Ainsi, la surface requise pour les panneaux solaires et la production finale d’eau varient selon le type d’unité. L’entreprise se dit capable de produire entre 1 et 10 000m3 d’eau potable par jour à partir d’eau de mer, selon les besoins. A noter que l’innovation Osmosun fonctionne également avec les eaux saumâtres issues des forages de nappes souterraines, comme c’est le cas au Mozambique. Autre bénéfice du système d’osmose inverse d’Osmosun alimenté au solaire, il ne génère de fait aucune émission directe de CO2 en opération.

unité Osmosun prête à l’expédition en c
Une unité Osmosun prête à l’expédition en conteneur vers le Pacifique. Elle produit 45m3 d’eau potable par heure – Crédits Mascara


Des projets déjà lancés

Avec une cinquantaine de projets actifs dans le monde, l’entreprise qui a également fait en sorte que ses unités de production soient faciles à monter et à entretenir, a réussi à s’intégrer aussi bien à des projets de développement financés par l’AFD (Agence Française de Développement), la Banque mondiale, ou encore la Commission européenne, qu’à des projets en partenariat avec l’Armée de Terre dans des zones insulaires, ou pour le secteur de l’hôtellerie.

Lauréat  en 2019 du prix Solar Impulse Precious Water de la fondation FAMAE ou du Prix de l’Innovation du Programme des Investissements d’Avenir de l’ADEME, la start up a levée 2,2M d’euros en 2019 auprès Go Capital et Sofimac Régions, mais aussi de de fonds à impact tels que FAMAE et GAIA IMPACT FUND, ou encore de la plateforme de crowdfunding WISEED

« C’est important de reconnaître que le dessalement n’est pas la solution unique » précise cependant Maxime Therrillion, qui ajoute « qu’il est important de passer en revue les habitudes de consommation locales ainsi que les caractéristiques de la zone concernée ». Ce n’est qu’une fois d’autres solutions testées et mises en œuvre – l’optimisation de la gestion en eau, par exemple – que le dessalement devient envisageable. Si cette solution répond aux deux premières problématiques citées plus haut – économique et énergétique -, l’entreprise est consciente qu’il reste un défi de taille à relever, celui de travailler au réemploi des rejets dans l’eau (le macérât salé issu du dessalement). Des expérimentations sont par exemple en cours au Sénégal, afin de l’utiliser comme fertilisant pour les plantes.

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