Avec environ 100 000 hectares de cultures, la France est le premier producteur mondial de lin. Loin devant la Belgique (environ 16 000 hectares) et les Pays-Bas (2 500 hectares). Pourtant, en quelques décennies, nous avons perdu toutes nos filatures et 80% de cette production est désormais envoyée en Chine. Le reste en Europe de l’est : Pologne, République Tchèque, Hongrie… Évidemment, une fois filé à l’extérieur de nos frontières, nous réimportons notre lin. Un étrange aller/retour qu’on espère voir progressivement prendre fin un jour, autant pour des raisons économiques qu’écologiques.
D’ailleurs, il existe en réalité une filature de lin en France. Opérationnelle depuis le mois de janvier 2020, la filature de Hirsingue, près de Mulhouse, appartient au groupe Velcorex. Ce spécialiste du textile emploie 150 salariés et réalise 32 millions d’euros de chiffre d’affaires. Avec cette filature qui produira, au début, entre 120 et 150 tonnes de fibres de lin par an, Velcorex entend bien relancer une production 100% française de ce matériau. D’autant plus à l’heure où l’industrie textile cherche à réduire son empreinte carbone.
Car le Lin pourrait bien représenter l’avenir de la mode, pointée du doigt pour être l’une des industries les plus polluantes de la planète. La culture du coton nécessite en effet énormément d’eau (environ 3 000 litres d’eau pour un kilo de coton) et empiète sur les terres arables. Par ailleurs, la production mondiale vient majoritairement d’Inde, de Chine, du Pakistan ou encore du Brésil. Et seul 1% de cette production est d’origine bio. Le reste est donc fortement consommateurs d’intrants chimiques. À l’instar du chanvre ou de l’ortie, la culture du lin se pose donc en alternative écologique.
Aucune irrigation, peu d’intrants chimiques, et un prix qui grimpe
Le lin représente aujourd’hui environ 1% du tissu produit dans le monde. Très loin, donc, du coton ou encore de la soie. Pourtant, la liniculture est formidable d’un point de vue environnemental. Elle ne nécessite pas – ou très peu – d’irrigation (mais pousse dans des climats humides. La Normandie est la 1ère région productrice de lin). Elle consomme également moins d’azote que d’autres cultures, donc nécessite peu d’engrais. Enfin, le lin est une culture qui se valorise, car la plante se récolte de la racine à la tête et tout y a une utilité.
Ainsi, 70% de la production de lin est destinée à la production de vêtements et de linge de maison, en utilisant ses fibres « nobles ». Mais le reste de la plante sert pour de la litière ou du paillage agricole ; dans l’industrie automobile et aéronautique (pour la conception d’isolants) ; dans les papeteries (pour le papier à cigarettes ou la fabrication des billets de banques). L’huile de lin sert aussi dans la peinture et ses graines sont comestibles. Rien ne se perd, donc, et des filières de lin « techniques » – c’est à dire en dehors d’une application textile – pourraient ainsi voir le jour également.
Petit désavantage, le lin est ce qu’on appelle « une culture de sept ans ». Il faut attendre 6 ans avant de recultiver la parcelle, ce qui pousse les liniculteurs à proposer d’autres produits entre temps. Mais cette patience est une vertu au regard des dégâts causés par les grandes cultures intensives sur la qualité de nos sols agricoles. Par ailleurs, la culture du lin possède en retour un avantage économique. Elle est extrêmement rentable à l’heure actuelle : entre 3 000 et 4 000 euros par hectare, presque deux fois plus que le blé. Un paramètre qui pourrait changer si d’autres grandes régions s’y mettent. La Russie commence à regarder cette production. Quant à la Chine, elle tisse notre lin depuis presque 30 ans mais n’est pas encore parvenue à le faire pousser.
En Normandie, en Picardie et dans l’Oise, les cultures de lin pourraient donc représenter un certain avenir durable pour l’industrie textile, même si les volumes n’atteindront jamais ceux du coton. Il serait intéressant, cependant, d’ouvrir de nouvelles filatures de lin sur le territoire et de permettre également aux jeunes marques éco-responsables de s’approprier davantage cette matière.