De l’hydrogène vert sera produit en mer pour la première fois. Installé sur la plateforme Sealhyfe, l’unité de production produira les premiers kilogrammes d’hydrogène vert à quai dans un premier temps. L’unité sera par la suite connectée à une éolienne flottante au large de Saint Nazaire pour son plein déploiement.

L’opération vise à démontrer qu’ainsi installé en mer, l’électrolyseur sera en mesure de produire de l’hydrogène vert tout en étant confronté aux conditions les plus extrêmes de la haute mer (houle, vents, fonctionnement automatisé en milieu isolé…).

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Produire de l’hydrogène en mer en quantités industrielles

Pour rappel, Lhyfe c’est la pépite française qui s’est lancée dans la production d’hydrogène vert, c’est à dire fabriqué uniquement à partir d’énergie renouvelable, et suivant la technique dite de l’électrolyse de l’eau. Depuis Août 2021 sur son site de Bouin en Vendée, Lhyfe produit environ 300kg d’hydrogène vert par jour, obtenu à partir d’eau de mer et alimenté en énergie par des éoliennes. 

C’est un pari ambitieux car la technologie de l’électrolyse est fortement consommatrice en énergie. Mais c’est un pari ô combien stratégique car elle n’émet pas de CO2 en phase de production, ne rejetant que de l’oxygène. C’est pourquoi l’hydrogène vert pourrait bien être un accélérateur de la transition écologique, en particulier en en vue de décarboner les secteurs de la mobilité et de l’industrie.

Avec cette première mondiale, l’objectif est de montrer la faisabilité de produire de l’hydrogène vert en mer, et ce de manière industrielle. Produire en mer offre des possibilités que la production sur terre ne permet pas. En premier lieu, l’éolien offshore est reconnu comme étant la source d’énergie renouvelable la plus abondante, la plus puissante et la moins intermittente de toutes.

inauguration plateforme Lhyfe hydrogène vert
Jour d’inauguration pour la plateforme SeaLhyfe – crédits Julien Gazeau


“L’Agence internationale de l’énergie évoquait dans un rapport en 2019 le potentiel éolien offshore comme étant équivalent à 18 fois la demande mondiale en électricité” a rappelé Matthieu Guesné. Et en rapprochant le site de production de ces éoliennes géantes, on évite les déperditions d’énergie dues à la distance et aux câbles. Par ailleurs, la présence illimitée d’eau, d’où sera extraite la molécule d’hydrogène par électrolyse, est un autre atout indéniable de ce dispositif. Enfin, n’utilisant pas de foncier sur terre, les installations seraient plus facilement admises que sur terre.

Tout juste inaugurée, la plateforme Sealhyfe entame donc une première phase d’expérimentation de 6 mois à quai afin de tester l’ensemble des équipements. Puis, la plateforme partira pour une durée de 12 mois à 20 km des côtes, où elle sera fixée au sol par un système d’ancres, et branchée à l’éolienne Floatgen sur le site d’essais du SEM-REV. Elle produira alors environ 400 kg d’hydrogène par jour, ramené sur terre par pipeline.

La collecte de données en conditions réelles permettra par la suite de structurer et de dimensionner de nouvelles infrastructures offshores dans le but de produire à horizon 2030 – 2035 environ 150 tonnes d’hydrogène vert par jour, soit une capacité installée de 3 GW.

Un véritable consortium industriel

Hasard des calendriers, cette inauguration a eu lieu le même jour que l’inauguration du parc éolien offshore de Saint Nazaire par le Président de la République Emmanuel Macron. Et Matthieu Guesné d’en profiter pour faire le lien : « L’accélération du développement des éoliennes offshore annoncée par le Président de la République va accélérer le propre développement de Lhyfe sur sa stratégie de déploiement en mer ».

Afin de mener à bien ce projet, il aura fallu relever plusieurs défis de taille. Comme connecter une plateforme flottante avec une éolienne flottante et en convertir la tension électrique, pomper, désaliniser et purifier l’eau de mer, ou casser la molécule d’eau via l’électrolyse pour séparer l’oxygène et l’hydrogène… Le tout en milieu hostile – mouvement de balancier, corrosion du sel, variations de températures – et isolé, la maintenance s’effectuant depuis la terre.

Lhyfe et ses nombreux partenaires industriels
Lhyfe et ses nombreux partenaires industriels lors de l’inauguration – Crédits Julien Gazeau


C’est pour cela que Lhyfe a été accompagné par de nombreux partenaires durant l’ensemble d’un projet chiffré à plusieurs millions d’euros, et soutenu financièrement par l’ADEME et la Région Pays de la Loire. Plusieurs domaines d’expertise ont été nécessaires pour la mise en place théorique et surtout opérationnelle du projet.

La start up s’est par exemple appuyée sur les équipements du SEM-REV, le site d’essais en mer opéré par l’école Centrale Nantes et comportant l’éolienne. L’électrolyseur dimensionné par Plug Power a quant à lui été installé sur une plateforme houlomotrice déjà existante et développée par le spécialiste de l’autonomie en mer GEPS Techno. GEPS Techno a également assuré la configuration spécifique de cette dernière, en collaboration avec les ressources métiers d’Eiffage. Enfin les Chantiers de l’Atlantique ont apporté leurs connaissances des environnements marins tout au long du projet.

Une première phase de tests

Il s’agit d’une première mondiale, d’un test grandeur nature. Ce n’est donc pas la rentabilité économique qui est recherchée pour le moment. “C’est un démonstrateur qui vise à valider que nous savons produire en mer. Nous ne sommes pas du tout sur une échelle industrielle. Les plateformes à visées industrielles qui seront développées après cette expérimentation, feront 100 à 200 fois la puissance de ce démonstrateur.” comme le rappelle Thomas Créach, Directeur Technique et partenariats stratégiques chez Lhyfe.

Lire notre interview de Matthieu Guesné, fondateur de Lhyfe 


Lhyfe cherche donc à valider son modèle dans les conditions extrêmes de l’offshore, afin de pouvoir à terme massifier la production. Il était donc primordial de tester en conditions réelles la faisabilité, la fiabilité et la durée de vie des équipements, avant d’aller chercher des appels d’offres visant à déployer de manière industrielle ce type d’usines en offshore. “Nous sommes actuellement à 1 MW et environ 400 kg d’hydrogène produit par jour, nous visons 200 ou 300 MW pour produire de 50 à 150 tonnes par jour” poursuit Thomas.

Ce type de production offshore est amené à se développer aussi à l’international. Les équipes de Lhyfe admettent regretter de “ne pas avoir plus de champs éoliens offshores en place en France, malgré les récentes volontés d’accélérer sur ce sujet”. C’est pourquoi la start up se tourne vers les marchés existants qui sont pour le moment en Allemagne, au Danemark ou aux Pays bas.

La plateforme Sealhyfe vue du ciel
La plateforme Sealhyfe vue du ciel



Changement de vitesse sur les déploiements

En France, Lhyfe permet déjà aux collectivités et aux industriels locaux de penser l’après et de démarrer dès à présent leur transition énergétique vers l’hydrogène, en développant les infrastructures comme les stations et les usages associés. C’est par exemple le cas avec le centre logistique Lidl de Carquefou au nord de Nantes, ou la station multi-énergies de La Roche-sur-Yon, qui utilisent l’hydrogène vert de Lhyfe.

Le site de Bouin valide ainsi depuis plus d’une année la fiabilité de livraison et la capacité à délivrer l’hydrogène de manière continue, ce qui rassure les industriels dans leur transition à l’hydrogène. Le but est de faire adhérer des entreprises à ce vecteur énergétique.

Si pour le moment la production reste confidentielle, la cadence va s’accélérer. Le site vendéen passera à 1 tonne d’hydrogène vert produite par jour d’ici la fin de l’année. L’objectif est le déploiement d’une dizaine de sites pour une capacité de 55 MW en 2024 et 200 MW d’ici 2025. Cette première phase se fera exclusivement sur terre, car le déploiement en mer est dépendant des parcs éoliens en cours de construction ou d’élaboration.

En attendant la massification annoncée par l’offshore, le déploiement onshore va permettre de sécuriser la supply chain post-production et le portefeuille clients de Lhyfe. “Nous préparons certains clients industriels aujourd’hui avec l’onshore à recevoir massivement de l’hydrogène demain, lorsque l’offshore sera en mesure de produire de manière industrielle.” explique Thomas. “Nous prévoyons un déploiement de l’offshore à partir de 2028 et une capacité installée de 3 GW pour 2030 – 2035”.

Et Matthieu Guesné de conclure « Aujourd’hui, beaucoup de gens parlent de l’hydrogène renouvelable, mais très peu en font. Nous voulons ouvrir la voie par des petits et moyens projets, mais qui sont de ruptures et fortement réplicables« .


Photo illustration crédits Julien Gazeau