Détecter, analyser et suivre quasiment en temps réel les stocks de pétrole brut mondiaux, les fuites de méthane dans l’atmosphère ou encore les volumes de carbone séquestrés par les forêts de la planète : c’est l’objectif de la startup Kayrros. Une entreprise française qui mise sur l’imagerie satellite et l’intelligence artificielle pour produire de la donnée à destination des entreprises et administrations afin d’accélérer la transition écologique.
« Kayrros est né d’un constat global face aux limites et aux carences des données traditionnelles dans le secteur de l’énergie. Il y avait un besoin de transparence et de données fiables, et un espace en termes d’informations à combler. C’était un moment idoine ; nous avons saisi cette opportunité », explique Antoine Halff, analyste et co-fondateur de la jeune pousse dans une interview publiée sur le site du CNRS.
Pour cela, cette startup fondée en 2016, s’appuie sur des données publiques, des images satellites ou des informations recueillies sur les réseaux sociaux. Mais son succès est en grande partie lié au programme de satellites Sentinel, déployé dans le cadre du programme Copernicus de l’Agence spatiale européenne (ESA). Une petite constellation de satellites qui scannent la Terre quasi-quotidiennement et qui permettent de fournir des images optiques de la végétation, de la couverture des sols, d’obtenir des données de suivi sur la composition de l’atmosphère ou encore de mesurer la hauteur des mers et océans.
Soutenue par le Fonds Tech Souveraineté, un fonds géré par la Banque publique d’investissement, Kayrros s’appuie sur 130 collaborateurs et une expertise en matière de traitement d’images satellites, de vision par ordinateur et d’apprentissage automatique appliqués aux images. L’entreprise compte aujourd’hui plus de 80 clients, dont les principaux fonds spéculatifs mondiaux, des gestionnaires d’actifs, des producteurs de pétrole et de gaz ou encore des compagnies maritimes et minières ainsi que des compagnies aériennes.
Traquer les fuites de méthane à travers le monde
Exemple du champ d’activité de Kayrros, la startup s’est récemment associée avec des chercheurs du LSCE pour analyser des milliers d’images afin de cartographier 1 800 panaches de méthane à travers le globe. La majorité d’entre-eux étant des rejets accidentels ou des rejets liés à des opérations de maintenance. Ce travail a permis de chiffrer pour la première fois la teneur de ces rejets de méthane dans l’atmosphère : soit 8 millions de tonnes par an, localisées majoritairement dans quelques pays.
Or, le méthane est plus de 80 fois plus puissant que le CO2 dans sa capacité de séquestration de la chaleur pendant les 20 premières années. Grâce à ces données, la startup française est en mesure d’accompagner les industriels dans la réduction de l’émission de ce gaz à effet de serre. Un sujet qui a récemment fait l’objet d’un partenariat stratégique avec une autre entreprise, Absolut Sensing, qui conçoit une constellation de satellites spécialement dédiés à la traque des émissions de méthane.
« Kayrros à travers sa plateforme Methane Watch assure déjà la détection systématique des super émetteurs, à partir des données de l’Agence Spatiale Européenne. Notre partenariat avec Absolut Sensing nous permet d’approfondir cette capacité de détection et de l’étendre à des seuils beaucoup plus fins, assurant ainsi une couverture globale d’un gaz qui constitue l’une des plus grandes menaces climatiques de la planète. Ensemble, nous allons permettre d’éliminer ces fuites, qu’elles soient petites ou grandes, constantes ou intermittentes » commente Antoine Rostand, Président de Kayrros.
Kayrros s’appuie également sur les données fournies par les satellites européens SMOS (Soil moisture and ocean salinity) qui permettent d’avoir des images assez fidèles de la végétation, ou encore le satellite GEDI (Global ecosystem dynamics investigation) qui permet de mesurer la hauteur des arbres et d’en déduire le volume des forêts afin de suivre en temps-réel les volumes de carbone séquestrés par la végétation. Des données qui pourraient permettre de mieux comprendre et valoriser les programmes de reforestation et d’améliorer le fonctionnement du marché du carbone.
Il y a un an, en mars 2022, la startup a levé 40 M€ pour accélérer la commercialisation de ses outils, dont un outil qui permet d’estimer les variations de stocks de pétrole brut dans le monde. Un autre de ses outils est destiné aux mines et aux carrières et sert à évaluer et suivre les variations des stocks.
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L’imagerie satellite, une tendance pour la transition écologique
L’utilisation combinée de l’imagerie satellite, des progrès en matière de vision assistée par ordinateur et de l’intelligence artificielle permet à de nombreuses entreprises de proposer des applications concrètes en faveur de la transition écologique. Des applications qu’on retrouve dans de nombreux secteurs. C’est par exemple le cas de la startup française Eodyn, qui a développé un système de mesure en temps réel des courants marins afin d’optimiser le routage des navires et leur permettre de consommer moins de carburant, et donc de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ce type d’applications est également très prisée dans le domaine agricole où des entreprises comme TerraNIS et Deep Planet proposent des applications pour optimiser l’irrigation, détecter des anomalies dans les parcelles ou encore de suivre le développement des cultures. C’est aussi ce que propose Kermap, une startup qui développe un outil baptisé Nimbo : une plateforme cartographique d’aide à la décision pour les professionnels du monde agricole. On y retrouve un mapping détaillé des parcelles agricoles de nombreux territoires avec un panel d’indicateurs : une cartographie précise des cultures principales qui y sont associées, le type de végétation qu’on y retrouve, le climat et son évolution ou encore des informations sur le foncier.