Les Horizons : Sophie Vannier, comment est né La Ruche ?

Sophie Vannier : Alors, La Ruche, c’est une vieille aventure maintenant. Elle a été d’abord créée en 2008 sous une forme associative par des pionniers de l’entrepreneuriat social. Le but était d’avoir un lieu et une structure pour s’entraider, mais aussi pour avoir une vitrine de l’entrepreneuriat social, un lieu ouvert à d’autres écosystèmes : les écoles, les pouvoirs publics, les entreprises…

L’idée, c’était aussi de casser les codes de l’Économie Sociale et Solidaire, et de dire que « oui, on peut être un.e entrepreneur.e avec une logique business et avoir pourtant des impacts positifs sur la planète ». Et ça, c’est vraiment la colonne vertébrale de La Ruche : on peut entreprendre et répondre à des enjeux de société majeurs ou à des objectifs de développement durable.


D’un espace de co-working, vous êtes devenu un réseau d’incubateurs aujourd’hui…

Oui, La Ruche est, au départ, un espace de co-working. Mais tout le monde n’a pas le réflexe d’aller taper à la porte d’un co-working. C’est pour ça qu’en 2013, on a décidé de créer des programmes pour aller chercher celles et ceux qui n’avaient pas l’instinct de venir nous voir, pour les accompagner, pour les mettre en lumière, et pour faire de l’entrepreneuriat social un vecteur d’égalité des chances.

Aujourd’hui, on a une dizaine d’espaces en France, et on opère des programmes qui accompagnent des entrepreneurs sociaux du stade de l’idée jusqu’à la première levée de fonds.

Cette année, on lance un nouveau programme d’ultra-proximité pour accompagner des porteurs de projets dans des quartiers prioritaires de la ville.


Quelles sont les spécificités de vos différents programmes ?

La spécificité, je pense, c’est que nous avons une approche par public. Par exemple, notre programme historique, Les Audacieuses, est un programme conçu pour accompagner les femmes qui se lancent dans l’entrepreneuriat social. Par la suite, on a décliné avec un autre programme, Les Ambitieuses, qui accompagne des femmes dans le secteur des nouvelles technologies. On a aussi des programmes pour des entrepreneurs réfugiés, à Montreuil et à Saint-Denis. Et cette année, on lance un nouveau programme d’ultra-proximité pour accompagner des porteurs de projets dans des quartiers prioritaires de la ville.


Qu’est ce que les entreprises viennent chercher chez vous ?

Je dirais que l’accès à notre réseau, à des experts qualifiés, représente un vrai plus pour les entrepreneurs que nous accompagnons. Mais beaucoup viennent également chercher une aventure collective, puisqu’on travaille par promotions.

Et puis on a aussi un référent ruche, quelqu’un qui est tout le temps disponible pour échanger sur les problématiques business ou personnelles des entrepreneure.es. Avoir cette possibilité de joindre en toute circonstance quelqu’un dont le rôle est de faire du problem solving, c’est hyper important.

Dans nos programmes dédiés à l’entrepreneuriat féminin, on se rend compte qu’il y a beaucoup de chercheuses, de doctorantes, de personnes plutôt issues des sciences


Combien entreprises accompagnez-vous ?

Sur l’année 2020, nous avons reçu 960 candidatures sur l’ensemble de nos programmes. On en a accompagné 637, en augmentation de 40% par rapport à l’année dernière, dont 130 sur les parcours longs, c’est à dire les programmes d’accompagnement supérieur à 3 mois.


Quel est le profil des entrepreneurs qui rejoignent La Ruche ?

Dans la plupart de nos programmes d’incubation, on va souvent chercher des profils atypiques, puisqu’on s’adresse, par exemple, à des réfugiés ou à des jeunes issus de quartier prioritaires. Après, dans nos programmes dédiés à l’entrepreneuriat féminin, par exemple, on se rend compte qu’il y a beaucoup de chercheuses, de doctorantes, de personnes plutôt issues des sciences qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale. Ça, c’est intéressant. Ce qui est intéressant, aussi, c’est que nous avons une grande diversité de profils, avec des personnes en reconversion professionnelle comme des jeunes diplômés.


Et sur la création d’entreprises, vous voyez des tendances se dessiner actuellement ?

Ce qu’on voit émerger aujourd’hui, et ce qu’on s’attend à retrouver dans nos futurs appels à projets, ce sont des projets liés à des modes de consommation plus responsables. En ce moment, on a un super projet, par exemple, pour faire des cosmétiques à la maison. Il y a deux ou trois ans, c’était encore un truc de hippie, de militants alors qu’aujourd’hui, leur solution est vendue chez Darty et Natures&Découvertes. Ce qu’on achète, la consommation locale, les circuits courts, tout ça c’est une vraie tendance profonde. On a aussi un beau projet avec Wakaé qui fait des vêtements de sports éthiques en récupérant des plastiques dans les océans.


Vous avez d’autres exemples à nous présenter ?

Oui, un projet que j’aime beaucoup, à la Ruche Bordeaux, c’est Circouleur, une entreprise qui revalorise la peinture inutilisée. À Bordeaux, on a aussi Elzeard, une startup qui veut mettre les outils digitaux à disposition des maraichers. Dans nos programmes pour les réfugiés, on a également un projet hyper intéressant qui s’appelle Kaoukab, de recyclage des encombrants métalliques


Quels sont vos projets pour 2021 ?

Cette année, nous allons lancer des expérimentations en milieu rural, en Aveyron et dans la Manche, avec notre partenaire qui s’appelle Familles Rurales. L’idée c’est d’accompagner 10 à 12 jeunes à monter leurs projets en milieu rural.

Nous allons également lancer un programme accompagnement pour les réfugiés en Pays de la Loire via La Ruche Saint-Nazaire. Enfin, sur le programme Alliance for Impact – qui est notre programme d’accompagnement à la première levée de fonds, on est en période de sourcing, donc on recrute nos prochaines entreprises.

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