Le tant attendu projet de loi élaboré à partir de la Convention Citoyenne pour le Climat a été dévoilé ce vendredi 8 janvier. Ce texte de 65 articles passera devant le Conseil des ministres le 10 février et sera discuté à l’Assemblée Nationale fin mars. Ce projet de loi a été formulé à partir du travail des 150 citoyens de la CCC autour de six thèmes : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et justice environnementale.

Retour sur les 10 principales mesures à retenir de ce projet de loi.

Agriculture et alimentation :

1) Un objectif de 20% de vrac en 2030

Selon le projet de loi, les grandes et moyennes surfaces de plus de 400 mètres carrés devront, d’ici 2030, consacrer 20% de leur espace à la vente en vrac. Le but est de contribuer à la réduction des déchets, notamment plastiques. La consigne pour le verre sera quant à elle généralisée à partir de 2025.

Cependant, malgré cette mesure, de nombreuses déceptions se font entendre sur le sujet de l’alimentation. Le député Matthieu Orphelin regrette notamment l’absence du chèque alimentaire dans le projet de loi tandis que les Amis de la Terre pointent l’absence d’obligations de menus végétariens dans les cantines.


2) Une volonté de réduction des engrais azotés

Le projet de loi prévoit la mise en place d’une trajectoire de réduction des émissions liées à l’utilisation des engrais azotés dans le secteur agricole. Ces engrais produisent en effet du protoxyde d’azote, une substance au pouvoir réchauffant 265 fois supérieur au CO2 et dont la progression rapide menace l’accord de Paris.

L’objectif est d’atteindre une réduction de 13 % d’ici 2030 par rapport à 2005. Si les objectifs ne sont pas atteints en 2024, une redevance pourra être instaurée avec une entrée en vigueur l’année suivante. Ici aussi, déception du côté des citoyens de la Convention qui avaient évalué à 500 millions d’euros la somme pouvant être collectée si la redevance était mise en place dès l’adoption du projet de loi.


Énergies :

3) L’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles

Avec ce projet de loi, il ne sera désormais plus possible de faire de la publicité pour les énergies fossiles. L’ambition de la Convention Citoyenne pour le Climat allait au-delà en demandant l’interdiction de la publicité pour les produits les plus émetteurs et pas seulement les énergies fossiles.

Ainsi, en ce qui concerne les autres produits les plus émetteurs, un code de bonne conduite contrôlé par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel devra transcrire les engagements pris par les médias et les annonceurs au sein d’un « contrat climat ».

Les avions publicitaires seront interdits et une expérimentation proposant de substituer au « Non pub » un « Oui pub » va être mise en place pour mettre fin aux publicités dans les boites aux lettres.


4) Une suppression progressive de la TICPE

Le projet de loi vise à supprimer progressivement l’avantage fiscal sur la TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) entre 2023 et 2030. Jusqu’alors, ce dispositif de remboursement partiel de la TICPE concernait les entreprises de transport routier de marchandises et de transport en commun de voyageurs et était proportionné à leur consommation réelle de gazole au cours d’un semestre.

C’est aujourd’hui la principale subvention accordée aux énergies fossiles par le gouvernement puisqu’elle représente chaque année plus de 6 milliards d’euros. Cette suppression progressive du dispositif de remboursement partiel de la taxation du gazole professionnel est accompagnée d’un soutien à la transition énergétique du secteur du transport routier.


5) Un gel des loyers et une interdiction de location pour les logements les plus énergivores

Là où les 150 réclamaient l’obligation de rénovation énergétique des bâtiments d’ici 2040, le projet de loi se concentre sur la location des logements énergivores. Ainsi, la location des passoires thermiques sera interdite à partir de 2028. En outre, lorsqu’un logement très consommateur d’énergie fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne pourra excéder le dernier loyer appliqué.


Mobilité :

6) Une augmentation des zones à faibles émissions

D’ici le 31 décembre 2024, l’instauration de zones à faibles émissions (ZFE) sera obligatoire dans les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants ce qui représente 35 nouveaux territoires. En cas de mauvaise qualité de l’air, les voitures les plus polluantes pourront même y être interdites dès 2023.


7) Une interdiction des voitures les plus polluantes en 2030

Au 1er janvier 2030, la vente de voitures destinées aux particuliers et émettant plus de 95 grammes de CO2/km sera interdite. Actuellement, cette moyenne s’établit à 120 grammes de CO2/km. Cette interdiction représente un jalon intermédiaire vers la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles, prévue par la Loi d’Orientation des Mobilités en 2040.


8) Une limitation est une compensation des vols intérieurs

Si une liaison aérienne dispose d’une alternative ferroviaire en moins de 2h30 alors cette première devra être interdite, sauf en cas de correspondance ou de services « qui offrent un transport aérien majoritairement décarboné » selon le texte. Par ailleurs, tous les vols intérieurs devront être compensés à 100 % d’ici 2024.

De plus, le gouvernement se réserve le droit d’augmenter la taxe de solidarité sur les billets d’avions, lorsque «le trafic aérien aura atteint, en nombre de passagers, le trafic de 2019», et «à défaut de mesures prises au niveau européen».

Enfin, alors que la Convention Citoyenne voulait interdire la construction de nouveaux aéroports ou l’agrandissement de ceux déjà existants, des exceptions sont prévues par le projet de loi si «ces projets n’augmentent pas les émissions de gaz à effet de serre» par rapport à 2019 ou «pour des raisons de sécurité, défense, ou de mise aux normes réglementaires».


Comportements responsables :

9) La création d’un délit d’écocide

Le projet de loi prévoit la création d’un « délit d’écocide » et non d’un « crime d’écocide » comme l’avait proposé dans son rapport la Convention Citoyenne pour le Climat.

Ce délit d’écocide concerne tout rejet d’une substance entraînant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune et devait initialement s’appliquer avec ou sans intentionnalité de porter atteinte à l’environnement.

« La question de l’intentionnalité, de la volonté de nuire, c’est une question qui pour l’instant fait l’objet de gros débats » admet Barbara Pompili, Ministre de la Transition Ecologique, qui reconnaît que dans le texte qui sera présenté au Conseil des ministres, pour être qualifié, le délit devra être intentionnel. La ministre compte sur le « débat parlementaire » pour revenir sur cette question.

Une obligation de réparation peut en outre être exigée dans le cadre d’une convention judiciaire écologique. Les peines les plus lourdes prévoient dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende et seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur.


Ville durable :

10) Un rythme d’artificialisation des sols divisé par deux

La France s’engage à réduire l’artificialisation des sols, en se fixant comme objectif d’ici dix ans de diviser par deux la consommation d’espace réelle observée sur les dix dernières années et à poursuivre l’objectif « zéro artificialisation nette ». Un rapport annuel sur l’artificialisation des sols devra être remis au niveau de chaque commune ou intercommunalité.

Les grandes surfaces commerciales en périphérie ne seront plus autorisées, avec toutefois des dérogations possibles en dessous de 10 000 mètres carrés (ce qui représente tout de même 80% d’entre elles selon les Amis de la Terre). Les entrepôts pour le e-commerce ne seront pas non plus concernés.


Un projet de loi controversé

 

L’objectif de la convention citoyenne sur le climat était de proposer des mesures visant à réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Cependant, les ONG écologistes comme les Amis de la Terre et certains citoyens estiment qu’un grand nombre de ces propositions ont été vidées de leur substance et le Réseau Action Climat a ainsi déploré vendredi « le manque flagrant d’ambition de ce texte qui met de côté bon nombre de propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, mise essentiellement sur des engagements volontaires et remet à plus tard les mesures les plus structurantes ».

À ces critiques, Matignon répond que d’autres propositions sont contenues dans la loi de finances (malus au poids), dans des textes réglementaires (interdiction des chaudières au fioul qui sera soumise à consultation d’ici quelques jours), ou relèvent d’engagements internationaux ou communautaires comme la taxation de l’aérien.

 

Sujet clivant selon qu’on soit plus ou moins radical dans sa vision d’une transition écologique réussie, la Convention Citoyenne sur le Climat démontre toute la difficulté de faire avancer toutes les parties prenantes sur le même chemin et à la même vitesse.

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