Geosophy est une startup française spécialisée en géo-énergie, une énergie renouvelable basée sur la température du sous-sol pour produire du chaud ou du frais et servir d’alternative aux climatiseurs traditionnels. La startup créée en 2018 a mis au point le premier moteur de recherche du sous-sol qui, pour une adresse donnée, permet de savoir rapidement, en utilisant des critères techniques et financiers, si la géo-énergie est adaptée. Dans cette interview, sa fondatrice et CEO, Alice Chougnet, revient sur le concept de géo-énergie et ses perspectives.



Les Horizons : Alice Chougnet, Géosophy conçoit une solution qui permet de développer ce que vous appelez la géo-énergie. De quoi s’agit-il exactement ?

Alice Chougnet : J’aime bien parler de géo-énergie car ce n’est pas uniquement de la chaleur que nous allons rechercher, mais aussi de la fraîcheur, grâce à l’inertie thermique du sous-sol. Contrairement à la géothermie profonde, qui consiste à aller chercher la chaleur des roches en décomposition dans le sous-sol terrestre, la géoénergie se concentre sur de faibles profondeurs où la température est constamment comprise entre 12°C et 15°C. Cela permet de faciliter la production de chaud l’hiver, mais aussi d’apporter un potentiel de rafraîchissement l’été.

C’est quelque chose que les animaux connaissent instinctivement d’ailleurs. C’est pour cette raison qu’ils creusent leurs terriers à quelques mètres de profondeur. Ils savent qu’en hiver, il y fait plus chaud que dehors et que l’été, il y fait plus frais qu’à l’extérieur.

Or, du fait du dérèglement climatique, nous allons avoir une multiplication des étés caniculaires et des tensions sur les systèmes électriques. La géo-énergie permet d’apporter une solution à cet enjeu car, en puisant de la fraîcheur directement dans le sous-sol, on obtient des rendements hyper intéressants : pour 1 kwh d’électricité, on peut avoir jusqu’à 20 kwh de frais.

Quelle différence avec des pompes à chaleur traditionnelles ?

La grande différence, c’est qu’on part de la température du sous-sol pour chauffer ou rafraîchir les bâtiments. Donc, en hiver, quand il fait 4°C dehors mais que le sous-sol terrestre est à 12°C, on a besoin de moins d’énergie pour réchauffer l’air du sous-sol par rapport à ce que va consommer une pompe à chaleur en partant d’un air à 4°C. Pareil l’été, puisqu’on utilise l’air à 12°C du sous-sol pour rafraîchir le bâtiment. Entre les deux, le fonctionnement est assez similaire mais la source de départ est différente. C’est ce qui rend la géo-énergie plus efficace en termes de rendement.

La géo-énergie, c’est un fonctionnement simple, c’est une low-tech, c’est robuste et ne nécessite pas d’avoir recours à des matériaux rares


Un avantage qui se ressent aussi sur le prix ?

Les économies d’énergie en chauffage sont de l’ordre de 4 à 5 fois inférieur à une solution classique. Et pour le rafraîchissement c’est encore beaucoup plus puisqu’on va partir de la température du sous-sol à 12/15°C pour rafraîchir le bâtiment sans utiliser de pompe à chaleur et là on a un rendement très supérieur à un climatiseur traditionnel.


Est-ce que le procédé est intéressant pour tout type de bâtiments et d’usages ?

Techniquement, la géo-énergie s’adresse à tout type de bâtiment, du neuf comme de l’ancien, à condition de ne pas être sur une zone à risque géologique. Donc en France, 90% du territoire est concerné. Après, en fonction de la taille et de la localisation du bâtiment, ainsi que des ressources souterraines, le ROI n’est pas le même pour tous les bâtiments.

Si je vous prends un exemple récent, à Paris nous avons travaillé sur des bâtiments de même taille dans le même arrondissement, mais l’investissement variait du simple au triple car la ressource qu’on utilise dans le sol ne se situait pas à la même profondeur.

Lire aussi : Géothermie, un plan d’action pour développer la filière

Modélisation du potentiel de géo-énergie d’un sous-sol par l’outil développé par Geosophy


La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, pour la période 2018-2028, prévoit un objectif d’environ 5 TWh de production de chaleur par la géo-énergie. C’est un objectif atteignable selon-vous ?

À priori, on devrait être en ligne avec ces prévisions là, même si je pense qu’on pourrait être beaucoup plus ambitieux sur le sujet. Il n’y a qu’à regarder ce qui se fait dans d’autres pays européens, comme la Suède, où le nombre d’installations est drastiquement supérieur à ce qu’on a en France. Aux Pays-Bas, la géo-energie est en croissance, également, de presque 90% d’une année sur l’autre. Chez nous, on prévoit seulement 10% à 30% de croissance.


Quelles raisons peuvent expliquer ce décalage avec ces pays ?

Je pense que la première raison, c’est un déficit de notoriété. La géo-énergie, c’est un fonctionnement simple. C’est une low-tech, c’est robuste et ça ne nécessite pas d’avoir recours à certains matériaux rares. Il n’y a pas non plus de problème d’acceptation sociale comme ça peut être le cas pour les éoliennes, par exemple. Et une installation a une durée de vie d’au moins 50 ans, voire davantage, avec des rendements supérieurs à une pompe à chaleur ou à des climatiseurs traditionnels. Donc le principal frein, aujourd’hui, il est sur la visibilité.

C’est aussi pour cela qu’avec Geosophy, nous avons développé un outil qui permet à nos clients de mieux comprendre le potentiel de leur sous-sol et de se rendre compte de l’intérêt de la géo-énergie. Pour accélérer, il faudra aussi améliorer la structuration de la filière, et qu’il y ait une augmentation du nombre d’acteurs économiques qui travaillent sur le sujet.

Il y a aussi des mécanismes intéressants, comme le fonds chaleur – opéré par l’ADEME – qui permet d’obtenir des fonds qui couvrent entre 30% et 40% des travaux de forage de façon à gommer le surcoût d’investissement initial par rapport à des technologies traditionnelles.

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