En 2019, 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques ont été générés dans le monde, selon les chiffres de l’ONU. Une quantité de déchets qui se trouve en hausse constante ces dernières années. Et si rien ne change, les experts estiment que nous devrions rapidement atteindre la production de 74 millions de tonnes de déchets électroniques en 2030.
Il existe deux types de DEEE : ceux des ménages et ceux des professionnels. Les DEEE (ou D3E) des ménages concernent majoritairement des petits équipements (micro-ondes, aspirateurs ou balances de cuisine, ordinateurs et smartphones), viennent ensuite les gros équipements (lave-linge, lave-vaisselle, cuisinière) puis les équipements d’échange thermique (climatiseurs, réfrigérateurs, congélateurs). De l’autre côté, il y a les équipements professionnels : systèmes d’encaissement des commerces, dispositifs médicaux, robotique industrielle, les équipements de chauffage et de climatisation, les enseignes lumineuses, etc.
En parallèle, le déploiement à grande échelle de capteurs et objets connectés dans les années à venir devrait augmenter encore le nombre d’équipements électroniques en circulation. Un volume qui pose question quand on voit le faible taux de collecte de ces équipements. En Europe, il est de 42,5% en moyenne, contre seulement 12% en Asie et moins de 10% sur les autres continents. Les DEEE font ainsi partie des déchets les moins recyclés sur la planète alors même qu’ils contiennent pour certains des composants dangereux ou encore coûteux, et surtout, des matériaux valorisables, comme l’or, l’argent ou le cuivre.
En France, on estime que chaque habitant génère 22,3 kg de déchets électroniques par an
En France, la gestion des DEEE est optimisée depuis 2005 pour les professionnels et 2006 pour les ménages, via la mise en place de filières REP (Responsabilité Élargie des Producteurs). Un dispositif qui aurait permis de collecter 9,6M tonnes de DEEE depuis 2005 (et participé à la création de 3 000 emplois). Cependant, le taux de collecte de ces déchets reste assez faible puisqu’il était de 51% en 2018. D’autant que le taux de réutilisation et de recyclage des déchets collectés peut encore progresser. D’après l’ADEME, il atteint en moyenne 77% en 2019.
À l’heure actuelle, il existe deux Éco-organismes agréés en France qui sont capables de recevoir les DEEE ménagers et professionnels : Ecologic et Ecosystem. Depuis août 2018, ces déchets sont répartis en 7 catégories que les éco-organismes couvrent à eux deux. Enfin, il existe aussi un troisième éco-organisme de la filière DEEE : SOREN, en charge spécifiquement du traitement et recyclage des panneaux photovoltaïques. Grâce à ces trois éco-organismes, des points de collecte sont présents partout sur le territoire français, en métropole et en Outre-Mer.
Où vont les déchets électroniques, une fois collectés ?
Une fois collectés par les éco-organismes, les DEEE sont dépollués et démantelés. Ils sont ainsi traités suivant 5 méthodes. Il y a la réutilisation entière du DEEE, puis la réutilisation de pièces, le recyclage de la matière, la valorisation énergétique (incinération du déchet avec récupération de l’énergie) et enfin, s’il n’y a pas d’autres choix, l’élimination sans valorisation. En 2019, 13,8% des DEEE ont fini par être totalement éliminés. Pour 74,7% des DEEE collectés, les éco-organismes ont recyclé la matière en broyant le déchet. Uniquement 1,4% ont pu être réutilisés. Néanmoins, le taux de réutilisation devrait progresser de plus en plus, puisque la nouvelle loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire instaure un fonds réemploi-réutilisation destiné à l’encourager, en s’appuyant en particulier, sur les acteurs de l’économie sociale et solidaire
Les matières premières issues des DEEE sont surtout des plastiques, des métaux ferreux et non-ferreux. Ainsi, « les matières premières recyclées peuvent être introduites dans les cycles de production de nouveaux produits qui nécessitent ce type de matériaux, par exemple, l’aluminium pour la fabrication de pièces automobiles ou l’acier pour concevoir des outils destinés aux BTP » explique Elisabeth Steffann qui travaille au sein de l’éco-organisme Ecologic.
1,2 milliards d’équipements électriques et électroniques ont été mis sur le marché en 2019, soit +25% par rapport à 2018.
Les éco-organismes sont chargés d’organiser la collecte et le traitement. Pour cela, ils choisissent des partenaires qu’ils auditent régulièrement pour s’assurer de leur conformité et de leur sérieux. Ainsi, ce sont les opérateurs de traitement sélectionnés « qui dépolluent et valorisent la matière sous forme de fraction (petits morceaux d’une même matière). Ensuite, ces fractions sont redirigées vers d’autres industriels (comme par exemple, une fonderie ou un affineur) qui vont encore les transformer pour que chaque matière première recyclée soit prête à rejoindre des process de fabrication« , résume Elisabeth Steffann. Ainsi, si à la sortie des centres de traitement, nous identifions très bien chaque type de matériaux (fractions de fer, aluminium, plastique…), il est plus difficile d’identifier précisément l’usage final des matières recyclées. Par exemple, le verre présent dans les écrans sera récupéré pour fabriquer des tubes de rétro-éclairage qui eux-mêmes sont un élément constitutif du produit fini destiné aux consommateurs tels que les écrans plats. Les métaux peuvent aussi être directement refondus et remodelés selon les besoins.
Autre exemple concret, les anciens téléphones mobiles, chargeurs et câbles qui ne sont ni réparables ni réutilisables sont collectés par les éco-organismes. Les composants sont séparés et dépollués. Ensuite, les cartes électroniques et batteries ont un traitement spécifique. Ils sont affinés et leurs métaux précieux sont réutilisés. Les écrans ont également un traitement spécifique. Les boîtiers, câbles électriques et chargeurs sont broyés, triés et valorisés par matière : plastique, métaux ferreux et métaux non-ferreux. Pour ces produits, Ecologic atteint un taux de valorisation de 99%, dont 82% en matières premières recyclées et 17% en énergie.
Une filière qui va devoir prendre de l’ampleur ?
Le nombre de DEEE risque de s’accroître dans le futur puisque les équipements électroniques sont tous les ans de plus en plus nombreux à arriver sur le marché. En France, l’ADEME rapporte que 1,2 milliards d’équipements électriques et électroniques ont été mis sur le marché en 2019, et que cela constitue une hausse de 25% par rapport à l’année précédente. L’ADEME parle de 848 millions d’équipements ménagers et de 371 millions d’équipements professionnels. D’où l’urgence, aussi, d’accélérer sur la sobriété numérique : lutte contre l’obsolescence programmée, pour le réemploi et la réutilisation des équipements.
Au niveau réglementaire, les directives actuelles imposent déjà l’écoconception, la collecte séparée, la dépollution ainsi que la réutilisation, le recyclage et la valorisation des DEEE. La loi AGEC, promulguée en février 2020 va aussi apporter sa pierre à l’édifice. Elle prévoit d’améliorer l’information auprès du consommateur sur la réparabilité du produit qu’il va acheter mais aussi sa durabilité (obligatoire à partir de 2024). Elle vise aussi à réduire la pression économique de la réparation pour le consommateur avec la création de fonds réparation alimentés par les filières REP concernées, dont la filière DEEE.
Actuellement, l’objectif n’est pas uniquement de développer la filière de gestion des déchets. Le plus intéressant serait d’avoir moins de DEEE. Pour cela, il faudrait améliorer la durabilité des produits, continuer de lutter contre l’obsolescence programmée comme le fait l’association HOP mais aussi de promouvoir la sobriété numérique. Le Plan d’action européen sur l’économie circulaire vise à étendre la durabilité des produits en légiférant sur la conception, la REP et le processus de production durable et un droit à réparer. Elle souhaite aussi réduire les déchets, favoriser le recyclage, renforcer l’utilisation des matériaux recyclés et réduire l’exportation de déchets. Le marché de l’électronique est l’un des secteurs prioritaires avec le textile et le plastique par exemple.
Par ailleurs, un très grand nombre de ces déchets ne rentre pas aujourd’hui dans les circuits de valorisation, ce qui entraîne un manque à gagner et un gaspillage de ressources. La récupération de ces équipements permet en effet de récupérer de nombreux métaux comme de l’aluminium, du fer, du cuivre, de l’or ou encore de l’argent. D’après une étude de l’ONU, cela représenterait 48 milliards d’euros de matières qui sont à valoriser. Un véritable manque à gagner dû en partie à un détournement de nombreux déchets vers des pays en développement où ils polluent et dégradent l’environnement.
C’est pourquoi, le geste de tri reste la solution qui prime avant tout. Il doit être encourager auprès de chacun, professionnels comme particuliers, et tous peuvent en inspirer d’autres ! Trier c’est la garantie, d’une part de permettre d’allonger la durée de vie des produits lorsque cela est possible (réparation, réutilisation) d’autre part, que les déchets n’échappent pas à la filière officielle et qu’ils seront tous correctement dépollués et recyclés. Trier, c’est ainsi protéger l’environnement et la santé de tous.